Dotation non-indexée, divertissement menacé, droits sportifs partagés : la RTBF a des soucis à se faire

Le chapitre de la Déclaration de politique communautaire consacré aux médias tient en seulement trois pages. Il promet pourtant de réels bouleversements au sein du paysage médiatique francophone, avec la RTBF en variable d’ajustement. Explications.

1. Une dotation gelée

C’est sans doute ce qui nourrit déjà le plus d’inquiétude du côté de Reyers, et des deux côtés du portefeuille : Maxime Prévot et Georges-Louis Bouchez ont annoncé le gel de la dotation allouée à la RTBF pour l’ensemble de la législature. En clair : elle sera figée au montant de 2024, et ne sera pas indexée par la suite, en dépit de l’inflation. L’actuel contrat de gestion (2023-2027) prévoyait en outre une indexation « bonus » de 2 % qui, elle aussi, sera supprimée. De quoi impacter le budget de fonctionnement du service public… et craindre des répercussions en termes d’emploi. Sur cette question comme sur les autres, la RTBF, contactée ce vendredi, n’a pas souhaité s’exprimer : « Nous préférons attendre la nomination du nouveau ministre des Médias, avec qui nous discuterons de ce cadre« , s’est contentée de réagir Axelle Pollet, sa porte-parole.

Des pertes d’emplois sont-elles à craindre du côté de Reyers en cas de non-indexation de la dotation actuelle? ©ÉdA

2. Vers la fin du divertissement ?

Pour faire face à ces restrictions, le nouveau gouvernement suggère à la RTBF de « se recentrer sur ses missions de service public« , ici clairement définies : « l’information, la culture et l’éducation permanente« . Disparaît donc la case « divertissement », pourtant l’une des pierres angulaires de la politique menée par Jean-Paul Philippot, son administrateur général, depuis plusieurs années. Faut-il, déjà, siffler la fin de The Voice et des autres programmes récréatifs des chaînes de la RTBF, en tout cas ceux qui ne viseraient pas à « promouvoir les acteurs culturels de la Fédération Wallonie-Bruxelles » ? Loin d’être déjà entérinée, l’hypothèse devient plausible.

Les nouvelles orientations du gouvernement en matière médias pourrait-il précipiter la fin de « Fort Boyard » sur les antennes de la RTBF? ©RTBF

3. Les droits du sport impactés

La couverture sportive de la RTBF pourrait, elle aussi, se trouver fragilisée par ces « coupes » budgétaires : la Déclaration de politique communautaire dit d’ailleurs les choses de façon limpide puisqu’elle l’invite à « revoir sa politique d’acquisition des droits de diffusion en clair des programmes, notamment sportifs, de telle manière à ne pas empêcher les chaînes de télévision privées belges francophones qui le désirent de les acquérir au prix du marché ».

Le sous-entendu est assez évident : la RTBF, qui a toujours dit ne pas « faire de folie » en la matière, aurait surpayé les droits pour certains événements sportifs. Guillaume Collard, CEO de RTL Belgium, et longtemps actif dans ce domaine chez Eleven, se réjouit de ce nouveau gâteau à partager : « Mais, dit-il, ça ne se limite pas aux droits sportifs, mais concerne l’ensemble des programmes qui pourraient être ciblés et qui pourraient faire davantage sens sur une chaîne privée« .

Il est donc tout à fait envisageable de bientôt voir une Coupe du Monde de football ou un Euro diffusé, en partie, sur les antennes de RTL, dans un modèle s’approchant de celui qui prévaut en France, où TF1 a pris l’habitude de partager les droits et les rencontres avec d’autres diffuseurs.

Verra-t-on bientôt Carrasco et les autres Diables sur d’autres chaînes que celles de la RTBF lors des prochaines échéances internationales? L’hypothèse est désormais sur la table

4. La publicité « libérée »

Alors que le gouvernement annonce par ailleurs son intention d’ouvrir le capital de la Régie des Médias Belges (RMB), le paragraphe consacré aux médias privés (comme RTL Belgium) signale également sa volonté de réviser le décret SMA. Et de calquer la législation belge en termes de publicité – à laquelle ne sont pas forcément soumis les GAFAM comme Disney ou Amazon – sur la législation européenne, plus permissive. En clair : il y aura, dans ce scénario, davantage de place et moins d’entraves sur les chaînes privées pour la publicité vantant, par exemple, les mérites des sites de paris en ligne ou la malbouffe.


Également visés par la déclaration de politique communautaire, les médias de proximité sont invités à accentuer encore les synergies intégrées entre eux et avec la RTBF (« sur base d’accords garantissant une juste réciprocité et la valorisation des économies ainsi réalisées »). Interrogé à ce sujet, le président du Réseau des médias de proximité (RDMP), Alain Mager, est plutôt enthousiaste : « Les médias de proximité travaillent déjà main dans la main avec la RTBF, notamment pour l’une des séquences les plus appréciées des téléspectateurs dans le 13H. Lorsque Michel Lecomte était à la barre du service sportif, une séquence consacrée au sport local trouvait sa place dans La Tribune et y avait tout son sens. Nous sommes également visibles sur Auvio et espérons que les collaborations se poursuivront. »

guillement

Nous sommes prêts à aller dans le bon sens en mutualisant certains coûts, mais les médias de proximité ont démontré qu’ils ont plus que jamais leur raison d’être

Mais ce qui retient plus particulièrement l’attention du président du RDMP c’est la non-indexation de la dotation de la RTBF : « Le texte ne mentionne pas une telle mesure pour les médias de proximité et nous espérons que cela restera en l’état, car nous ne pouvons pas nous le permettre.« 

Il est vrai que parmi les douze médias de proximité de la FWB, certains se portent mieux que d’autres « pour diverses raisons« , de là à envisager « des fusions volontaires » comme le suggère la DPR, Alain Mager temporise : « Nous sommes prêts à aller dans le bon sens en mutualisant peut-être certains coûts, mais les médias de proximité ont démontré qu’aujourd’hui, plus que jamais, ils ont leur raison d’être. En témoignent les 600000 francophones en audiences cumulées qui, chaque jour, nous font confiance. En tant que président de ce réseau, je ne vais pas dire qu’il y en a trop ou trop peu. »

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