Apple a, au moins temporairement, cédé au bras de fer. Dans un communiqué publié en fin de semaine, la Commission européenne a annoncé avoir trouvé un accord avec le géant californien pour mettre fin à « l’abus de position dominante » d’Apple Pay, son service de paiement mobile.
Accusée d’avoir bridé la concurrence pendant des années, la firme de Cupertino s’engage auprès de l’UE à délivrer aux fournisseurs tiers un accès sur ses célèbres iPhone à la fonctionnalité NFC qui permet la communication entre les appareils et les terminaux de paiement dans les magasins.
Ces changements ont été proposés le 19 janvier par la marque à la pomme, mais le gendarme de la concurrence du Vieux Continent a sondé les parties concernées avant de se prononcer. Et de mesurer l’impact pour le consommateur.
Garantir le droit de la concurrence
Avec cet accord, Apple évite des sanctions et des amendes importantes, car cette annonce met un terme à l’un des plus grands litiges entre Apple et l’Union européenne. Il avait commencé par une enquête ouverte en juin 2020 après les plaintes de banques européennes.
Au nom du droit à la concurrence garanti par le Digital Markets Act (DMA), Apple doit maintenant autoriser les banques à lancer leurs propres applications de paiement sur iPhone. Ce règlement européen vise à superviser et à encadrer les acteurs qualifiés de « bloqueur d’accès » sur les marchés numériques, qui ont le pouvoir d’imposer les conditions d’accès à certains marchés.
En ce qui concerne les paiements, les utilisateurs auront donc le choix entre Apple Pay et plusieurs autres applications. La marque doit appliquer ces changements dans les semaines à venir et les respecter pendant dix ans, sous peine de payer une amende considérable (équivalente à 10 % de son chiffre d’affaires mondial).
« Désormais, les concurrents pourront rivaliser efficacement avec Apple Pay pour les paiements mobiles effectués avec l’iPhone dans les magasins. Les consommateurs auront le choix entre un plus grand nombre de portefeuilles numériques sûrs et innovants », s’est félicitée la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.
Un renouveau en vue pour Apple Pay
Apple a longtemps traîné des pieds en invoquant la protection de ses clients. Julien Pillot, enseignant-chercheur en économie à l’Inseec (Institut des hautes études économiques et commerciales), met en garde contre les risques associés à l’ouverture de l’écosystème technologique : « Dès que l’on ouvre un écosystème technologique et qu’il se diffuse, cela entraîne forcément la création de maillons faibles. Cela va rendre l’interface plus vulnérable face aux cyberattaques. »
Le risque reste tout à fait théorique pour le moment, assure l’enseignant-chercheur. Les acteurs de la finance et les banques savent se montrer précautionneux. Il faut néanmoins rester prudents car cette technologie se répand à une vitesse impressionnante, près de 63 % des Français ont déclaré l’avoir testée en 2024.
Les fonctions de paiement Apple Pay et de portefeuille numérique Apple Wallet « resteront disponibles dans l’espace économique européen pour les utilisateurs et les développeurs », a souligné un porte-parole d’Apple dans un communiqué.
« C’est la fin d’un monopole tout simplement, mais Apple Pay ne va pas s’effondrer. Il faut permettre qu’il y ait de la concurrence, même si elle est minime tant qu’elle est non faussée. » L’application pourrait même en sortir renforcée, assure Julien Pillot. Ne vous attendez donc pas à voir Apple Pay disparaître, la concurrence avec d’autres services forcera probablement la marque à s’améliorer pour rester attractif. « C’est la fin du comportement de rentier », s’amuse le chercheur.
Innovation et compétitivité
Le marché ne va pas pour autant se retrouver inondé d’applications médiocres ou dangereuses. Les utilisateurs sont protégés par la multitude de réglementations qui encadrent les activités bancaires. Les futures applications, en plus de répondre à ces standards, devront se montrer suffisamment attractives pour voler des parts de marché au géant américain…
Les entreprises arrivantes vont devoir proposer un service au moins aussi qualitatif que la marque à la pomme et se montrer attractives, compétitives et innovantes. Ainsi, pour Julien Pillot, pas de baisse de qualité à prévoir sur le marché : « Il y a un univers de possibilités. L’important c’est que ce qui va se passer va être le produit des choix des consommateurs et du marché, ce sera leur décision et non celle d’Apple. »
« Pour l’instant, Apple prélève une commission de 0,15 % sur chaque paiement. Une banque qui veut rivaliser pourrait proposer une commission plus faible aux commerçants, par exemple », analyse Julien Pillot.
D’autres contentieux sont en cours entre Apple et l’UE, notamment au sujet de la boutique d’applications. Fin juin, la Commission européenne a ouvert la voie à une amende géante contre la firme américaine, estimant à titre préliminaire que l’App Store ne respectait pas les nouvelles règles de concurrence de l’UE.
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