l’avenir de la mode vu par le prévisionniste WGSN

L’année 2026 sera celle de la rupture et de la remise en question pour les consommateurs, toujours plus en phase avec la technologie, mais aspirant aussi à un retour aux savoir-faire artisanaux et à une industrie plus raisonnée, anticipe WGSN. FashionNetwork.com s’est penché sur plusieurs métamorphoses anticipées pour le marché de la mode par le prévisionniste des tendances de consommation.

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La transition technologique pour une symbiose accrue avec l’humain serait l’une des grandes transformations attendant le marché. “Cela peut aller dans les deux sens, et cela va aller dans les deux sens”, indique Lisa White, directrice des prévisions stratégiques et de la création de WGSN.

Cette tendance est d’ores et déjà illustrée par ces Tiktokeurs mimiquant, pour le plaisir des internautes, les gestes stéréotypés des personnages de jeux vidéo. Ou par des sociétés comme Wild Capture permettant facilement aux marques de mettre en scène leurs produits dans des univers virtuels. Ou encore l’UWB, potentiel successeur du bluetooth, qui va jusqu’à détecter l’utilisateur et suivre ses signes vitaux. Se dessine par ailleurs la tendance du JOLO, ou “Joy of logging off” (joie de la déconnexion, ndlr).

L’intelligence artificielle pose naturellement question, avec une transparence à construire et des biais sociaux à éviter. “42% des experts américains de l’IA disent qu’ils sont à la fois inquiets et enthousiasmés de l’évolution humain/tech”, rappelle Lisa White. Elle pointe des exemples “d’IA pour le meilleur”. C’est par exemple le cas pour le norvégien Avfall Norge qui utilise l’IA afin d’identifier la source et la nature de déchets textiles. La société Space 10 s’en sert, elle, pour identifier des matériaux locaux exploitables dans l’univers du design.

Plus largement, WGSN pointe que des acteurs comme Google, Tiktok ou Adobe ont déployé leur signalétique pour différencier les contenus générés par ou avec l’IA. L’entreprise Zefr accompagne quant à elle les entreprises dans la lutte contre les deepfakes, ces images artificielles pouvant causer du tort aux personnes et entreprises. Dans cette même logique, la marque cosmétique Simple a lancé un rapport destiné à lutter contre la désinformation dans le secteur de la beauté.

Une industrie « éco-responsabilisée »

S’amorce par ailleurs une “révolution de la bio-industrie” répondant à des attentes environnementales croissantes nées de “l’éco-rage” (sic., pour parler d’indignation liée aux enjeux écologiques) des consommateurs. “Certains pensaient que l’écologie serait une tendance, mais c’est quelque chose qui va rester jusqu’à la fin de notre vie”, pointe Lisa White, dont le rapport souligne le besoin pour les entreprises de récompenser les comportements et consommateurs éthiques.

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De nombreuses entreprises apportent leur lot d’innovations dans ce domaine. Avec par exemple la marque britannique Modern Synthesis et sa nanocellulose bactérienne programmable ayant donné naissance au sac Bou de la marque Ganni. Pour ne pas avoir à prélever des micro-organismes dans les eaux de l’Amazonie, Apoena cultive ceux-ci en laboratoire pour développer soins et parfums. Kuori exploite, lui, les co-produits de l’alimentaire (peau de banane, coque de noix) pour concevoir des lignes de chaussures et jouets.

Car comment ne laisser aucune trace? La question se pose désormais aussi bien pour les produits que pour les business models. Ainsi, la marque Benim Denim n’a volontairement existé que le temps d’écouler les stocks dormants du fournisseur de matières Renewcell. La marque Early Majority fonctionne, elle, sur un abonnement annuel donnant accès à une gamme de vêtements à échanger au besoin. Côté biodégradabilité, le denim Endless Luxury de Jacob Cohën fait le choix de boutons dévissables et d’étiquettes, de doublures et de fils biodégradables. “Et il y a parallèlement la volonté de faire vivre les produits plus longtemps”, rappelle Lisa White, qui avance que l’acte même d’acheter change de nature.

La fin de l’épanouissement par l’achat?

Pour WGSN, les médias sociaux et leurs suggestions personnalisées favorisent un sentiment d’appartenance et de “consumérisme romantique”. Un épanouissement par l’achat qui contribue à la fast-fashion, mais qui tutoie déjà ses limites auprès de la Gen Z. Une génération de consommateurs dont la conscience écologique provoquerait une lassitude à l’égard des tendances, et à un rejet des achats massifs et répétés. Une tendance que viendrait renforcer des démarches étatiques, comme dans l’Union européenne où les consommateurs peuvent désormais désactiver les algorithmes publicitaires.

La virtualisation de l’inspiration et de l’expérience de marque conduirait par ailleurs à une aspiration à plus d’authenticité dans les relations avec les marques. Ce qui a en partie amené Lush à retirer progressivement ses publicités de Google et Apple, pour s’écarter des géants de la tech et nourrir des relations plus directes avec les clients. Des clients également demandeurs de points de vente rompant avec les logiques de chaînes. “Ce sont des clients qui, face à la standardisation des enseignes, ont la volonté de voir des adresses plus artisanales et humaines”, indique par ailleurs Lisa White.

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Une logique qui trouve cependant ses limites dans les préoccupations financières de la population, qui dirige ses achats vers des choix parfois problématiques. L’an passé, 52% des jeunes Européens de 15 à 24 ans auraient acheté en ligne au moins une contrefaçon. Une tendance qui, selon WGSN, est encouragée par TikTok et Reddit, qui rendraient le processus plus facile et “plus acceptable”, offrant même des conseils pour trouver les faux les plus convaincants.

Derrière cette dichotomie des aspirations se dessine cependant une attente de multi-sensorialité, odorat, goût et toucher s’imposant en réaction à un quotidien qui se virtualise. “On va vers plus “d’emotioneering” (ingénierie émotionnelle)”, conclut Lisa White. Pour qui les marques de mode vont désormais devoir apporter des offres responsables à coûts plus accessibles. “Et il ne faut pas se réfugier derrière le fait que “la durabilité coûte cher”, car ce n’est pas nécessairement vrai”, estime la responsable (lire notre interview).
 

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