Fabien Massin
Publié le
Une page se tourne dans la vie politique de l’agglo de Rouen (Seine-Maritime) : comme il l’avait annoncé en début d’année 2024, Dominique Gambier a quitté ses fonctions de maire de Déville-lès-Rouen, jeudi 11 juillet en conseil municipal. C’est la première adjointe Mirella Deloignon qui lui succède, Dominique Gambier demeurant conseiller municipal.
Actu : Quel est votre sentiment, en ce moment particulier de votre vie politique ?
Dominique Gambier : C’est un moment ambigu. C’est un soulagement parce que évidemment, il est de plus en plus difficile d’exercer les fonction de maire, qui exigent une présence et une vigilance constantes. Mais il faut savoir passer la main au moment opportun. Et évidemment je quitte un certain nombre d’environnements amicaux, d’élus, de personnels, etc. Mais il y a une satisfaction de sentir que les choses se passent bien dans cette transition, avec une équipe prête, solide et solidaire.
Avec le recul, qu’est-ce qui a changé dans la manière d’exercer les fonctions d’élu et de maire ?
DG : D’une façon générale, je trouve que dans la société, on assiste à une perte du collectif, avec des exigences individuelles de plus en plus nombreuses et des difficultés à faire passer le message de l’intérêt général. La société est de plus en plus individualiste et consommatrice, ce qui est compliqué quand on gère du collectif, car on est confronté à toutes les contradictions de nos interlocuteurs. La plus grande contradiction étant la question de la sécurité. Les gens voudraient de la police partout mais quand ils l’ont sur le dos, ils sont un peu plus réservés.
Piscine, médiathèque et vidéoprotection
En termes de réalisations à Déville, que retenez-vous ?
DG : Il y a beaucoup de choses… Il y évidemment la piscine, qui est un grand succès, la médiathèque, qui avait été primée, les salles municipales, qui constituent un usage quotidien pour les familles et les associations, des équipement sportifs et culturels, comme la maison des arts et de la musique. Et puis des services importants ont été mis en place, comme la vidéoprotection ou la numérisation de toutes les écoles. Et puis il y a des projets d’avenir comme le centre culturel.
Comment la ville de Déville a-t-elle changé au cours de toutes ces années ?
DG : Elle a changé à l’image de beaucoup de communes, c’est-à-dire que les habitants travaillent de moins en moins là où ils habitent. Lorsque l’ex-TRT a fermé, sur les quelque 500 salariés il y en avait moins d’une centaine qui habitaient Déville. Quand Vallourec a fermé ils n’étaient même pas une vingtaine (Ndlr sur les 200 restant). Cela implique donc des mobilités de plus en plus importantes. Et de ce point de vue là, je suis assez satisfait d’avoir au début des années 2000 mis en place Teor. Teor nous a branché sur le reste de l’agglomération de façon exceptionnelle.
Vous avez mentionné Vallourec, dont le site de Déville a fermé en 2021. Qu’en est-il de l’avenir du site ?
DG : Avec Vallourec les discussions ont été permanentes depuis la fermeture et nous sommes sur une logique de reconversion industrielle. Il n’est pas question ici de faire de l’immobilier, et aboutir à ce qu’une une fois plus on enlève de l’activité économique. Une première phase a échoué, ils ont d’abord cherché un repreneur qui devait se charger de la dépollution du site, ce qui aboutissait à des négociations compliquées. Ils ont donc changé complètement de stratégie, en engageant eux-mêmes la dépollution et la démolition totale du site. Le site comporte des atouts, comme le fait d’être relié au port par la voie ferrée. L’appel d’offres pour trouver un repreneur va être lancé d’ici la fin de l’année.
Quels sont les grandes perspectives et les grands défis pour Déville au cours des prochaines années ?
DG : Un grand défi est de s’inscrire dans la transition énergétique comme on le fait le projet de parc urbain et celui de renaturation d’un certain nombre d’équipements. L’autre défi est celui logement. Nous avons construit un nombre de logements important, sans construire de tours, mais il y a encore pas mal d’immobilier ancien à rénover et transformer. Nous essayons de façon régulière de reconstruire la ville sur la ville. C’est indispensable pour maintenir notre niveau de population. Si on ne construisait pas, la population diminuerait. Et même en construisant on voit bien que le vieillissement de la population fait que la chute des effectifs dans les écoles se poursuit.
Comment Déville a bénéficié de la constitution de l’agglo puis de la Métropole ?
DG : En fait c’est surtout à partir des années 2000 que les choses se sont emballées positivement. On a beaucoup bénéficié de l’intercommunalité par Teor et par une fantastique rénovation de tous les réseaux d’assainissement. Il faut se rappeler qu’à la fin des années 1990 nous étions victimes de grosses inondations. Nous avons également bénéficié de la première déchetterie de l’agglomération.
Cependant, aujourd’hui la difficulté est que la Métropole fonctionne moins en intercommunalité, elle se gère plutôt comme une collectivité que comme une structure de coopération entre les communes. Quand deux ou trois communes veulent faire un projet ensemble, c’est compliqué. La voirie, également, n’est pas gérée de façon satisfaisante. Parce que la voirie, les trottoirs, c’est de la proximité, donc le fait que ça soit géré au niveau métropolitain n’est pas satisfaisant. Par ailleurs aujourd’hui c’est très compliqué d’expliquer aux habitants ce qui relève de la Métropole et ce qui relève de la Ville, ça n’est pas lisible.
Pour la Métropole, plus globalement, quels sont les enjeux aujourd’hui ?
DG : Il y a toujours le contournement Est, à propos duquel je sens bien aujourd’hui qu’on est en train de régresser. Parce qu’on a pas été capable d’avoir une position commune sur ce contournement. C’est dramatique pour les années qui viennent.
En termes d’équipements routiers il y a également la question des accès au pont Flaubert. Il y a beaucoup trop d’accidents au niveau de la remontée vers Barentin. Cela n’est pas possible de garder des accès aussi peu aménagés. On aménage actuellement la rive sud, mais si la rive nord ne l’est pas également la situation demeurera problématique.
Concernant le contournement Est il y eu un consensus, à un moment donné, il y a quelques années ?
DG : Eh oui. Ce n’est pas moi qui l’ai rompu.
Nicolas Mayer-Rossignol a changé d’avis sur la question…
DG : Oui et quand on était à la Région tous les deux, on défendait fortement le projet. Mais pour des raisons d’opportunités politiques à Rouen, il a changé d’avis.
La question du stade
Autre enjeu récurrent, la question de la construction d’un stade…
DG : Cela fait 30 ans, 40 ans qu’on en parle. Quand j’étais parlementaire, entre 1988 et 1993, j’avais fait venir le président de la Fédération française de football. Je connaissais bien le président du FCR, André Sauvage, avec lui on s’était dit qu’il fallait profiter de la coupe du monde qui se profilait, car dans ce cadre de grands stades pouvaient être financés. On espérait ainsi pouvoir récupérer des financements de l’État pour construire un stade digne de ce nom à Rouen. Le président de la Fédération le souhaitait. Mais là il y a eu une espèce d’accord fâcheux entre Fabius et Lecanuet, qui n’ont pas voulu de grand stade. Même occasion manquée quelques années plus tard quand la France a organisé l’euro de football. En fait il n’y a jamais eu d’enthousiasme pour faire comme à Caen, comme au Havre, un équipement non pas démesuré, mais un équipement de 20 000 places adapté à notre territoire.
Quel regard portez-vous sur l’action du président de la Métropole ?
DG : J’ai travaillé avec lui à la Région, tout ce qui se passe aujourd’hui y était pressenti. Durant les deux ans de sa présidence, on sentait bien ce mode de fonctionnement, difficile avec les services, difficile dans la gestion avec les élus, autoritaire avec eux. Prenez l’exemple de la subvention au FCR, ça risque de tanguer. Nicolas Mayer-Rossignol a décidé de la tripler, je ne me prononce pas sur le fond, mais sur un sujet comme ça, avant de communiquer, on en parle avec les élus. Mais il est toujours et avant tout dans une logique de communication. Dans un sujet comme celui-ci, ce n’est pas le président-maire de Rouen qui décide tout seul.
Sur le plan politique, vous étiez socialiste : quel a été votre cheminement ? et quel regard portez-vous sur la politique actuelle ?
DG : J’aurais tendance à dire que je suis resté sur les même engagements. C’est-à-dire que je n’ai jamais cru à un socialisme de planification, à un socialisme autoritaire. J’étais avec Michel Rocard à l’époque du parti socialiste, je n’étais pas en faveur de la politique de relance de 1981, qui a conduit à 1983. Et si refaisais la même chose en 2024 cela conduirait rapidement à des catastrophes, à l’heure où l’on vit dans une économie ouverte.
Quels sont vos projets ?
DG : Ce n’est pas la retraite car maire n’est pas un métier. Je vais rester au conseil municipal jusqu’aux prochaines élections, pas pour intervenir mais pour aider et conseiller si l’équipe le souhaite. Et je vais rester à la Métropole, continuer à dire des choses, comme sur les déchets verts : on avait quelque chose qui fonctionnait bien, ils ont modifié la collecte contre l’avis des maires, résultat aujourd’hui ce service public est réduit.
Je vais également prendre du repos, et sans doute écrire des choses, car j’aime beaucoup ça. J’écrirai soit sur Déville, soit sur la vie publique régionale, peut-être aussi sur mon histoire au parti socialiste. Je vais peut-être aussi trouver des missions d’intérêt général.
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