Depuis le coup d’État du 30 août 2023, le paysage politique gabonais a pris une tournure inattendue. Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), qui s’était présenté comme un sauveteur des institutions nationales, a rapidement vu se rallier à sa cause ceux qui, autrefois, se posaient en fervents défenseurs des droits du peuple. Des présidents de partis politiques, aux chefs de fil de la société civile, tous semblent avoir trouvé une nouvelle personnalité auprès de laquelle faire allégeance, reléguant les préoccupations des populations au second plan.
À l’exception de quelques sons de cloche, à l’instar du député de la transition Jean valentin Leyama, l’opposition et la société civile se sont murées dans un silence à la fois assourdissant et déconcertant. Les voix qui, jadis, s’élevaient pour dénoncer les injustices et les dérives du pouvoir déchu se sont tues, comme si les défis et les souffrances du peuple gabonais avaient subitement disparu avec le coup d’État du 30 août 2023. Pourtant, les réalités quotidiennes n’ont guère changé : l’inflation galopante, le chômage persistant, le décrochage scolaire, les bavures policières, l’insécurité grandissante malgré le régime militaire, la corruption, le népotisme et les services publics en déclin, continuent de peser lourdement sur le quotidien des Gabonais.
Cette transition, qui se voulait porteuse d’espoir et de renouveau, risque de devenir une simple mascarade si ceux qui sont censés incarner la voix du peuple préfèrent courber l’échine pour des avantages personnels. Une situation décriée par Me Paulette Oyane Ondo, avocate et défenseur des Droits de l’Homme, lors de l’interview accordée à nos confrères de L’Aube dans sa parution du 02 juillet 2024. « Il faut bien reconnaître que le 30 août, j’ai poussé un ouf de soulagement. J’ai tout d’un coup mieux respiré, je n’en revenais pas. Mais hélas, la réalité a repris ses droits une semaine après », a-t-elle déploré. Une position que partagent plusieurs compatriotes sans casquette politique ni associative. En l’absence de critiques et de contre-pouvoirs, le CTRI ne risque-t-il pas de plonger dans une gouvernance autoritaire ? Car comme le précisait Montesquieu dans “ De l’esprit des lois” « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ».
Le ralliement unanime à la cause du CTRI soulève des questions fondamentales sur l’intégrité et les motivations de ces anciens opposants, qui devraient pourtant aujourd’hui se positionner en contre pouvoir. Ont-ils réellement abandonné leurs idéaux ou ont-ils simplement troqué leurs convictions pour des intérêts personnels immédiats ? Il est difficile de ne pas percevoir dans ce retournement de veste une manœuvre opportuniste, voire profito-situationniste, où l’assouvissement des ambitions et désirs personnels prennent le pas sur l’intérêt général. Comme le dit un adage populaire « La bouche qui mange ne parle pas ». Ceux qui hier ne lésinaient pas sur les sorties médiatiques, déclarations de presse, lives sur les réseaux sociaux, se sont murés aujourd’hui derrière leur mandat de Transition dépourvu de légitimité populaire, leurs titres acquis pour certains sur des critères copains-coquins ont définitivement montré à la face populaire qu’ils ne défendaient aucun idéal, mais plutôt qu’ils étaient des partisans du « Ôte toi que je m’y mette » du « c’est enfin notre tour ».
Il est impératif de rappeler à ceux qui ont choisi la voie de la complaisance que le véritable engagement politique ne se mesure pas à l’aune des opportunités personnelles, mais à la capacité de défendre les intérêts de ceux qu’ils prétendent représenter. Le peuple gabonais a trop souffert de la trahison de leaders politiques animés de la volonté de changer leur vie plutôt que de changer le vie de l’ensemble de leurs concitoyens. Le silence de l’opposition et de la société civile apparaît comme une trahison, une abdication du rôle de gardiens du pluralisme démocratique et de la liberté d’expression. Dans un contexte de transition, les divergences d’opinion doivent participer à la construction d’un État au sein duquel les institutions restaurées sont fortes et tenues par des hommes qui savent se soumettre à la loi.
L’avenir du Gabon ne peut se construire sur des renoncements et des compromis douteux. Il est temps que les véritables défenseurs du peuple se lèvent et rappellent à tous que la transition ne doit pas devenir un prétexte pour taire les injustices, mais une occasion pour les surmonter et ce même si certains ont été récompensés par des nominations.
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