Dominique Boutonnat démissionne de la tête du CNC après sa condamnation à trois ans de prison pour agression sexuelle – Libération
Le président du Centre national du cinéma a expliqué dans un mail interne adressé à ses équipes et que nous avons pu consulter que sa condamnation à trois ans de prison pour agression sexuelle risquait de «porter préjudice à l’institution».
Trois ans de prison, dont un ferme. Le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Nanterre à l’encontre de Dominique Boutonnat est particulièrement sévère. Jugé pour agression sexuelle sur son filleul, de vingt-neuf ans son cadet, le président du Centre national du cinéma (CNC) a écopé d’une peine plus salée que les réquisitions demandées par la procureure lors de l’audience du 14 juin, qui étaient de trois ans avec sursis. Malory (1), qui a dénoncé les faits perpétrés en 2020, durant des vacances sur l’île grecque de Kéa, voit en outre son préjudice indemnisé à hauteur de 10 000 euros. «Cette affaire est la parfaite démonstration de ce qu’est une agression sexuelle. L’abus d’autorité et la notion d’emprise ont été reconnus par la justice. Le statut de victime de mon client a été admis, c’est ce qu’il attendait de ce procès. C’est un grand soulagement pour lui», a déclaré Caroline Toby, l’avocate du plaignant.
Démission dans un mail interne
Cible de nombreux appels à la démission depuis la révélation des faits, Dominique Boutonnat, 54 ans, s’est toujours accroché à la tête du CNC, qu’il dirigeait depuis 2019. En juillet 2022, le président de la République, Emmanuel Macron, avait même reconduit son mandat, suscitant la colère d’une large frange du cinéma français.
Mais ce vendredi, le producteur a finalement annoncé sa démission dans un mail interne, adressé à ses équipes, et que Libération a pu consulter : «Le tribunal correctionnel de Nanterre vient de donner lecture du jugement par lequel il prononce ma condamnation. Je tiens à réaffirmer mon innocence quant aux faits qui me sont imputés et j’interjette donc appel de ce jugement. Bien que les faits allégués soient sans rapport avec ma situation professionnelle, je sais que la publicité qui leur a été donnée a pu créer, pour le CNC, un contexte particulier, notamment au cours de ces dernières années. C’est pourquoi je tiens, aujourd’hui, à remercier tous les agents de notre établissement pour avoir, pendant la durée de cette procédure, assuré la parfaite continuité du service public dont ils ont la charge. J’ai toutefois le sentiment que la décision de justice de ce jour, que je conteste, pourrait être de nature, en dépit de la présomption d’innocence qui vaut jusqu’à l’épuisement des voies de recours, à rendre plus difficile l’accomplissement de vos tâches à l’avenir. C’est pourquoi, afin de ne pas porter préjudice, ne serait-ce qu’en termes d’image, à l’institution dont le président de la République m’a confié la responsabilité, j’ai décidé de cesser l’exercice de mes fonctions à compter d’aujourd’hui.» C’est Olivier Henrard, l’actuel directeur général délégué de l’institution, qui assurera l’intérim jusqu’à une prochaine nomination.
«Je n’arrive pas à me dégager»
En août 2020, après une soirée arrosée et un bain dans la piscine d’une villa au lever du soleil, le président du CNC avait suivi son filleul dans sa chambre, avant de se montrer très pressant. Malory, 25 ans aujourd’hui, avait décrit ainsi les faits devant la justice, selon des procès-verbaux consultés par Libération : Dominique Boutonnat «s’allonge à côté de moi en me disant qu’il est très fatigué. […] Il commence à parler de notre relation, en insistant sur le fait qu’on a une relation incroyable, que c’est fou, que c’est dingue, que c’est quelque chose à protéger. En disant ça, il commence à se rapprocher de moi. […] Il pose sa bouche sur la mienne et a tenté d’y introduire sa langue. Moi, je ne fais rien pour le relancer, je reste stoïque.» Il poursuit «Je sens qu’il commence à s’exciter, sa respiration s’intensifie. Il est complètement en train de se frotter contre moi. Je me rends compte qu’il est nu. […] Tout se passe très vite et je n’arrive pas à me dégager. Il m’embrasse sur le cou, sur le torse.» Le producteur l’a ensuite masturbé «violemment», et tenté de lui imposer une fellation, en saisissant sa tête pour la ramener vers son sexe. Un récit que le tribunal correctionnel de Nanterre a donc estimé convaincant.
Lors des éphémères travaux de la commission d’enquête sur les violences sexuelles au cinéma, torpillée par la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée le 9 juin par Emmanuel Macron, la députée Les Ecologistes, Francesca Pasquini, avait demandé à Olivier Henrard, qui représentait le CNC à la place de Dominique Boutonnat, s’il avait connaissance de comportements problématiques de son patron. Cette question faisait suite à une enquête publiée quelques jours plus tôt par Libération, faisant état de scènes malaisantes, survenues lors de soirées ou d’évènements culturels. Sous serment, le nouveau directeur du CNC avait alors répondu : «Pour ma part, je n’ai jamais été témoin d’aucun comportement de mon président de nature à me mettre mal à l’aise, ou à mettre en difficulté l’institution qu’il représente.»
(1) Le prénom a été modifié.
Mise à jour : à 19 heures, avec la déclaration de l’avocate du plaignant.
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