Oups. De la « France des bourgs » à l’écologie des bourgeois ? Ruffin rejoint le groupe des Écologistes

  1. Politique

Après avoir quitté la France Insoumise à l’issue d’une campagne de second tour anti-Mélenchon, Ruffin et son projet sensé défendre les classes populaires siégeront dans le groupe parlementaire des Ecologistes. Un nouveau symbole de sa stratégie de conciliation de classes.

Mardi 15 juillet, François Ruffin a annoncé qu’il siègerait au sein du groupe des Ecologistes à l’Assemblée nationale. Le député Picardie Debout, qui a quitté le groupe parlementaire LFI après les purges et la mise en scène de son hostilité à Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne, siègera donc dans un groupe commun, renommé Groupe Ecologiste et Social pour l’occasion, avec les députés de Génération.s, du parti de Marine Tondelier, mais également avec les quatre autres « purgés de LFI » Alexis Corbière, Danielle Simonnet, Hendrik Davi et Clémentine Autain.

Le choix apparaît comme une contradiction avec les efforts incessants de Ruffin, ces dernières années, pour se présenter comme l’artisan de l’unification de « la France des bourgs et la France des tours » et de la reconquête de la classe ouvrière périurbaine face au RN. Difficile en effet de trouver pire repoussoir pour les classes populaires que Les Écologistes, parti qui vise l’électorat urbain petit-bourgeois, dont la secrétaire générale Marine Tondelier s’affirmait encore récemment ouverte à la participation à un gouvernement de coalition avec les macronistes.

Les Ecologistes sont peut-être la force politique la plus proche de la soi-disant « gauche Terra Nova », expression réactionnaire popularisée par le Printemps républicain, dont Ruffin s’est récemment fait le détracteur. Quand il n’est pas occupé à twerker pour le vivant ou à déposer des fleurs devant les forces de répression, le parti est en effet garant d’une écologie de verdissement de l’Europe du capital.

Une écologie qui néglige totalement le monde du travail, renforçant la division entre « fin du monde » et « fin du mois » comme l’a montré le désastreux épisode de la loi contre les polluants éternels. Profitant de l’absence totale de garanties sur l’emploi et la sécurité des salariés dans la loi défendue par les Écologistes, le patronat des secteurs visés a ainsi réussi à mobiliser ses salariés dans des manifs anti-écolo. Pire encore, dans une séquence de durcissement autoritaire et sécuritaire, Les Écologistes ont pleinement accompagné les attaques du régime, en participant à la criminalisation du mouvement pour la Palestine après le 7 octobre ou rejoignant les « appels au calme » lors des émeutes contre la mort de Nahel.

L’alliance « des tours et des bourgs » picarde peut-elle s’entendre avec l’écologie néolibérale de Marine Tondelier ? Elle souligne tout cas que pour Ruffin, trouver des forces politiques alignées avec sa stratégie conciliatrice est plus important que l’adresse à la classe ouvrière. Et pour cause, pour lui, la reconquête électorale des classes populaires n’implique pas seulement de mettre sous le tapis les questions d’oppression. Elle doit également aller de pair avec une modération à l’extrême du programme, de peur d’intimider les électeurs… et surtout le grand patronat.

Dans un entretien de 2022, Ruffin défendait ainsi : « il faudra faire des choix. Nous n’aurons pas à la fois la semaine de 32 heures, la retraite à 60 ans, une sixième semaine de congés payés, un congé parental plus long… ». Une logique de conciliation et de recherche de respectabilité auprès des classes dominantes, qui se retrouve dans sa campagne aux législatives, placée sous le signe de « l’apaisement » et d’une gauche « joyeuse et généreuse », en décalage extrême avec le niveau d’offensive de Macron et de l’extrême droite.

A cet égard, Ruffin diffusait même un tract lors de l’entre-deux-tours revendiquant le soutien de Francois Bayrou, Raphaël Gluskcmann, Laurent Berger ou du député Républicains Stéphane Viry. Autant de gages de respectabilité, davantage pour envoyer un signal aux électeurs macronistes que pour s’adresser aux ouvriers qui votent RN. Un souci de modération qui explique l’alignement de François Ruffin sur certaines attaques du régime, notamment contre les soutiens à la Palestine, sa fameuse priorisation du foot sur la marche contre l’islamophobie et désormais sa convergence avec les Ecologistes et Génération·s.

De quoi révéler un autre aspect de l’impasse de la stratégie défendue par le député de la Somme, qui entend surtout de ne pas s’éloigner des limites jugées acceptables dans le cadre du régime autoritaire de la Ve République. En rejoignant le groupe des Ecologistes, soit une aile droite du Nouveau Front Populaire qui défend la candidature de Laurence Tubiana à Matignon, Ruffin reste finalement fidèle à la logique qu’il défend.

A condition de s’entendre sur la part entre foot et booty-shake dans le programme, Ruffin devrait trouver sa place chez les députés écologistes. Ce nouvel épisode démontre en tout cas l’hypocrisie d’un discours censé s’adresser aux ouvriers qui ne promet en réalité que d’accepter les miettes accordées par le système, au prix de l’abandon des secteurs les plus opprimés de la classe ouvrière, en délaissant les revendications anti-racistes et anti-impérialistes. Une stratégie tellement solide qu’elle peut vite être oubliée à l’heure de sauver son siège, ou d’assurer sa survie politique.

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