Le Cameroun, une crise majeure et oubliée, selon l’ONG Norwegian Refugee Council

Comme si de rien n’était, ou si peu. Les grandes crises qui divisent le Cameroun sont toujours dans l’angle mort de l’agenda international, comme le rappelle l’ONG Norwegian Refugee Council (NRC). Personne ou presque n’évoque la guerre qui frappe les deux régions anglophones depuis 2017 et la crise du lac Tchad.

Une rébellion anglophone

Le conflit dans les deux provinces anglophones de Nord-Ouest et du Sud-Ouest a commencé en 2017, à la suite de la répression par les forces de l’ordre des manifestations de 2016, qui appelaient à mettre fin à la marginalisation des anglophones dans ce pays très majoritairement francophone. En réaction à la brutalité de l’armée et de la police, un mouvement indépendantiste anglophone a pris les armes et attaqué les représentants de l’administration et de l’État. Une réaction qui a entraîné la mobilisation et l’intervention de l’armée dans ces deux provinces. Depuis lors, la violence n’a pas cessé entre les deux camps, chacun commettant des exactions et prenant la population en otage et en étau.

Écoles particulièrement ciblées

La crise anglophone a coûté la vie à plus de 6 000 personnes depuis 2016, selon l’ONG Human Rights Watch (HRW). Et de préciser que 638 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays en raison de cette crise. Les écoles sont particulièrement ciblées par les indépendantistes : 2 245 écoles ont été obligées de fermer, soit 36 % des établissements scolaires de la zone anglophone. Les habitants, rappelle l’ONG Norwegian Refugee Council, sont victimes de terribles souffrances, allant du meurtre à l’enlèvement.

Le Cameroun doit aussi faire face à la détérioration sécuritaire dans sa région septentrionale, à sa frontière avec le Nigeria et le Tchad. Une zone bouleversée depuis 2013 par les attaques du groupe djihadiste d’origine nigériane Boko Haram. L’implantation de ce groupe est favorisée par l’incapacité de l’État camerounais à assurer la sécurité sur ses frontières avec le Nigeria et le Tchad, et par son échec à assurer le développement de cette région exposée de plus en plus aux conséquences du réchauffement climatique, livrant les plus jeunes au chômage et à la pauvreté.

« L’Extrême-Nord du Cameroun, la région la plus pauvre du pays, connaît des tensions communautaires récurrentes portant sur les réserves en eau. Bien que les autorités nationales et locales tentent d’enrayer le conflit entre les éleveurs arabes choas et les pêcheurs mousgoums – qui a déplacé des dizaines de milliers de personnes –, ce dernier menace de s’étendre à d’autres groupes ethniques », alertait Crisis Group, le 25 avril 2024.

L’impact de la crise en Centrafrique

Le Cameroun doit aussi faire face à l’accueil des réfugiés qui ont fui des pays voisins, en premier lieu la Centrafrique. Selon le HCR, ils seraient 332 000, principalement installés dans « les villes et les villages de la façade orientale du Cameroun ». À ceux-là, il faut aussi ajouter près de 120 000 réfugiés nigérians vivant dans la région de l’Extrême-Nord. « 52 % des réfugiés sont des femmes et des filles, et 55 % d’entre eux sont des enfants », précise le HCR.

« La crise prolongée prend de plus en plus une dimension socio-économique, avec tous les secteurs de l’économie touchés et la hausse des prix des denrées alimentaires exacerbant l’insécurité alimentaire galopante. Au moins 2,5 millions de personnes manquent dangereusement de nourriture », constate le NRC, qui souligne que seuls « 32 % du plan de réponse humanitaire étaient couverts par les donateurs internationaux, le taux le plus bas depuis 2016 ». Et de conclure : « Les niveaux croissants de besoins non satisfaits, couplés à une réponse léthargique de la communauté internationale, signifient qu’une autre année difficile attend le Cameroun en 2024. »

(1) Chaque année, l’ONG Norwegian Refugee Council publie un rapport sur les dix crises concernant les déplacés les plus négligées dans le monde. Il entend mettre en lumière le sort des déplacés qui font rarement la une des journaux internationaux, qui ne reçoivent pas ou peu d’aide et qui sont ignorés par la diplomatie internationale.

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