Le président sénégalais est bousculé sur plusieurs questions, en particulier sur l’omniprésence supposée de son premier ministre, Ousmane Sonko, et sur le dossier de la Cedeao qui lui vaut d’être mis sur le banc des accusés par l’une des organisations de la société civile qui avait contribué de manière décisive au départ de Macky Sall.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Bassirou Diomaye Faye a pris soin de commenter lui-même, devant les micros de la télévision sénégalaise, ses cent premiers jours à la tête du Sénégal. Et pour lui, tout va plutôt bien, et le tempo est bon. Son Premier ministre, Ousmane Sonko qui, aux yeux de l’ancien régime mais aussi de la presse sénégalaise semble lui porter ombrage, ne le gêne guère, a-t-il affirmé. Le président a aussi coupé court à toutes les rumeurs, assurant que tout va bien entre lui et M. Sonko. « Je l’encourage, dit-il, à se concentrer pleinement sur ses responsabilités ». Bassirou Diomaye Faye a même partagé avec ses interlocuteurs quelques anecdotes de sa vie carcérale avec Sonko qui ont renforcé sa détermination à travailler avec lui, assure-t-il.
Pour déstabiliser le duo, l’ancien régime joue pourtant à fond la carte de la rivalité entre un Diomaye apaisé et presque plus réfléchi qu’un Sonko autoritaire et radical. La presse évoque aussi souvent et à profusion le duo Senghor et Dia qui s’est soldé, dans les années 60, par le départ du second et la présidentialisation de la vie publique. Mais après cent jours, le scénario catastrophe ne point pour l’instant pas à l’horizon. Car sur plusieurs dossiers, le tandem marche, a réitéré le président en exposant les premiers succès engrangés sur la question de la bonne gouvernance en particulier. « Chaque corps de métier a ses déformations. Il faut répartir la charge fiscale », a indiqué le président en laissant entendre qu’il ne pouvait pas en être autrement.
La guerre de la fraude fiscale
Et pour mieux la répartir, Bassirou Diomaye Faye insiste sur la lutte contre la fraude fiscale et la mise en place de divers appuis aux entreprises qui respectent leurs obligations fiscales. Le président sénégalais n’a pas non plus tardé à lutter contre la cherté de la vie en renonçant à un arrêté qui prévoyait une augmentation significative du prix de l’eau. Le gouvernement a aussi réduit le coût de certains produits de première nécessité, notamment le riz et le poisson. Le dossier de la pêche n’est d’ailleurs pas une mince affaire. Le président sénégalais risque en effet d’entrer en confrontation avec l’Union européenne sur le sujet, vu que Bruxelles ne veut pas renégocier les accords de pêche qui ne donnent droit qu’à de modestes prébendes au pays et favorisent par ailleurs la pêche illicite avec des équipages étrangers agissant sous faux drapeaux.
Mais la quadrature du cercle reste avant tout le chômage des jeunes. Le président Diomaye Faye a en effet abordé la question en soulignant la nécessité « d’identifier des secteurs capables d’absorber une grande partie de la main-d’œuvre disponible », a-t-il déclaré. Il a également promis de diversifier les secteurs économiques afin de maximiser les opportunités d’emploi, pointant sa stratégie d’accompagnement des coopératives agricoles et la Formation professionnelle.
Un président sous pression
En revanche, c’est sur le dossier de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) que le président sénégalais fait le plus face à de l’impatience. Non pas seulement parce que ses anciens soutiens activistes à travers la sous-région sont devenus ses plus grands adversaires, mais parce qu’au Sénégal, l’activisme pro-Cedeao déplaît fortement. A preuve, l’une des organisations de la société civile qui avait joué un rôle décisif dans la libération des prisonniers politiques, puis le départ de Macky Sall du pouvoir l’a appelé, lors d’une conférence de presse tenue à Dakar à ne pas « se laisser manipuler par les chefs d’Etat de la Cedeao ».
Depuis le dernier sommet d’Abuja, au Nigéria, le président sénégalais et son homologue togolais, Faure Gnassingbé ont reçu mandat de convaincre les trois pays de la confédération Alliance des Etats du Sahel, à savoir le Mali, le Niger et le Burkina Faso à renoncer de quitter l’organisation sous-régionale. Bassirou Diomaye Faye exulte en expliquant que c’est le triomphe de la diplomatie sénégalaise mais son enthousiasme n’est guère contagieux. Le député sénégalais, Guy Marius Sagna membre du Pastef, et secrétaire administratif du Front pour une révolution anti impérialiste a douché sa joie en estimant, lors de la dernière session parlementaire de la Cedeao que l’organisation n’est plus attrayante ni pour ses membres ni pour ses députés parce que ce qu’elle fait n’a aucun rapport avec les problèmes de santé, de famine et de sécurité contre lesquels se battent les populations de la sous-région. Pour lui, il est temps de sortir du FCFA, de fermer les bases militaires étrangères dans tous les pays de la Cedeao ainsi qu’au Sénégal. Il appelle également son pays à renégocier tous les contrats gaziers conclus par Dakar et ses partenaires économiques.
Mais à défaut de faire plus, Bassirou Diomaye Faye a réitéré ses engagements en les nuançant avec la promesse d’une rupture en douceur. Au risque d’exaspérer la société civile anti-Macky Sall qui le somme de ne pas se mettre en travers de « la dynamique révolutionnaire » qui a cours dans les Etats du Sahel. « Ce serait interrompre un processus d’autodétermination et nous ne saurions l’accepter », a-t-elle clairement menacé.
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