Le tapis rouge avait été déroulé devant un parterre de gradés et de civils. Lundi 1er juillet, au palais présidentiel du Bord de mer, à Libreville, le général Brice Oligui Nguema a célébré la nationalisation de la société pétrolière Assala Energy. Auparavant détenue par le fonds d’investissement américain Carlyle, elle appartient désormais à l’entreprise publique Gabon Oil Company (GOC).
Si cette nationalisation est officielle depuis février, elle est revenue sur le devant de la scène à l’occasion de la cérémonie de remise des documents de rachat. « C’est sans conteste une forme d’affirmation de notre souveraineté », a déclaré le président de la transition au Gabon. L’enjeu économique est important pour le pays, dont le pétrole représentait 68 % des exportations en 2023. « Le Gabon vient de se réapproprier, soixante-sept ans après [la première exportation d’or noir], une part importante de son pétrole. [Cela] nous permet désormais de produire 25 % de notre production nationale », a développé Brice Oligui Nguema.
Assala Energy, deuxième entreprise pétrolière au Gabon derrière le groupe franco-britannique Perenco, produit en moyenne 45 000 barils de pétrole par jour. Un accord de vente avait été conclu avec une société française, Maurel & Prom, en août 2023, avant que l’Etat gabonais n’exerce son droit de préemption. C’est ainsi que la GOC a racheté Assala pour un montant d’environ 1,3 milliard de dollars (environ 1,2 milliard d’euros au cours actuel).
L’objectif est clair pour les autorités de transition : bénéficier des retombées économiques de l’activité pétrolière du pays, dont les revenus ont été accaparés des décennies durant par la famille Bongo, au pouvoir de 1967 jusqu’au coup d’Etat du général Oligui Nguema contre Ali Bongo Ondimba, le 30 août 2023. « Oligui Nguema devait démontrer sa capacité à proposer autre chose et à rompre avec les pratiques des régimes d’Omar et Ali Bongo, notamment celle de l’enrichissement personnel au détriment du bien-être de la population », explique Remadji Hoinathy, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS).
Pour autant, la GOC risque de mettre du temps à tirer profit du rachat d’Assala Energy. « Le prix des actifs est beaucoup plus haut que leur valeur réelle, que nombre de traders estimaient au maximum entre 700 et 800 millions de dollars. Cette opération sera donc particulièrement difficile à rentabiliser », estime Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
La GOC attendue au tournant
Pour financer le rachat, l’Etat a contracté un prêt auprès du fonds suisse Gunvor. Le 7 juillet, le directeur général de la GOC a expliqué que le remboursement de 1,055 milliard de dollars durera cinq ans. « Nous allons rembourser, à partir du mois de septembre, la somme de 20 millions de dollars par mois », a-t-il précisé lors d’une interview sur la chaîne Gabon 1ère.
Racheter Assala Energy, c’est aussi se retrouver gestionnaire d’un quart de la production de pétrole gabonais et donc assumer une responsabilité bien plus élevée que celle assurée jusqu’à présent. Si la nationalisation semble accueillie avec fierté y compris dans le secteur pétrolier, la GOC est attendue au tournant. « Elle va gérer un actif beaucoup plus gros que ce qu’elle a l’habitude de faire. Pour le moment, elle n’opère que sur de petits champs. Il y a donc un véritable enjeu sur sa capacité à gérer des gisements aussi gros et complexes », détaille Benjamin Augé.
Des investissements vont aussi devoir être faits. Les infrastructures sont pour certaines anciennes, à l’image du terminal pétrolier de Gamba, vieux de plus de 50 ans, dont les actifs ont été vendus à Assala Energy par Shell en 2017. Assala a depuis investi dans le terminal, mais « le maintien de son intégrité technique » reste « un gros challenge », précise Aristide Nyamat Bantsiva, ancien responsable à Shell Gabon.
Pour Brice Oligui Nguema, cette nationalisation permet aussi de montrer qu’il tient une des promesses phares exprimées lors de sa prise du pouvoir : celle de la transformation de l’économie afin qu’elle profite au peuple gabonais. « Ce geste est une manière de montrer à ses compatriotes que le pays est entré dans une nouvelle ère où le Gabon essaie, dans une certaine mesure, de récupérer sa souveraineté économique », relève Remadji Hoinathy.
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Brice Oligui Nguema, qui fustige régulièrement la gestion du pays par la dynastie Bongo, avait exprimé sa volonté de mettre un terme à la « corruption massive » et à une « gouvernance catastrophique ». En mars, les autorités de transition annonçaient le lancement d’un audit de Delta Synergie, la holding familiale des Bongo, qui a des ramifications dans divers pans de l’économie gabonaise.
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