L’urgence absolue ? Doter la France d’un budget !

Au premier janvier 2025, la France aura-t-elle un budget ou un simili-budget adopté ? Nombre d’investisseurs sur la dette française se posent aujourd’hui la question. Alors qu’un nouveau Premier ministre n’est toujours pas nommé, certains commencent même à en douter. Le budget 2025 doit être déposé le mardi 1er octobre au Parlement.

C’est une interrogation importante car, sans budget, la France ne pourrait pas lever l’impôt et ne pourrait pas non plus emprunter pour payer les retraites, les salaires des agents, les écoles, les hôpitaux…. La France subirait alors immédiatement les foudres des marchés et verrait le taux de sa dette monter en flèche. Ce qui nous amènerait immanquablement vers une explosion de la charge de la dette dans un premier temps et à l’intervention du FMI dans un second temps.

Le Président de la République pourrait tenter de légiférer par ordonnance en suivant l’article 47 de la Constitution

Dans un premier cas de figure, si on a un nouveau gouvernement opérationnel nommé avant le 1er octobre, le budget pourrait être déposé comme d’habitude. Si le budget est alors adopté au Parlement, tout va bien. Mais si jamais les discussions s’enlisaient au Parlement au-delà des 70 jours impartis par la Constitution pour discuter le budget, ce qui est plausible étant donné la composition de l’Assemblée nationale, ou si la loi de Finances était rejetée ce qui est plausible aussi, on rentre dans l’inconnu.

Si la discussion budgétaire est enlisée pour plus de 70 jours, alors le Président de la République pourrait tenter de légiférer par ordonnance en suivant l’article 47 de la Constitution bien que cela n’ait jamais été utilisé. Si le texte était rejeté par le Parlement, le gouvernement pourrait alors déposer une « loi spéciale » pour autoriser à prélever les impôts et pourrait reprendre par décret les plafonds de dépenses de l’année précédente, ce que l’on nomme dans le jargon budgétaire les « services votés ». Et ce dans l’attente d’une hypothétique loi de finances qui les valideraient en 2025.

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Si cette voie n’était pas couronnée de succès (rejet au Parlement de la loi spéciale par exemple…), le gouvernement pourrait également utiliser une jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1979 pour passer par ordonnance. Et dans l’option où cette approche ne serait pas reconnue comme constitutionnelle, le Président de la République pourrait en dernier recours faire jouer, fin décembre 2024 et momentanément, l’article 16 de la Constitution qui lui octroie des pouvoirs exceptionnels et étendus, les « pleins pouvoirs » pour adopter lui-même le budget. Il lui faudrait alors expliquer dans une adresse aux Français que la France ne peut pas se réveiller le 1er janvier 2025 sans budget.

Reste alors l’option de passer un budget par ordonnance à condition que le Parlement autorise à lever l’impôt

Un second cas de figure existe. Celui dans lequel aucun nouveau gouvernement ne serait nommé à l’automne. Le gouvernement démissionnaire chargé des affaires courantes de Gabriel Attal se retrouverait alors en charge de faire adopter le budget 2025. Le cas de figure d’un gouvernement démissionnaire qui dure plus de 9 jours ne s’est jamais présenté sous la Ve République. La difficulté jamais encore testée par nos institutions réside ici dans le fait que le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal en charge seulement de l’expédition des affaires courantes et donc pas censé passer des textes de loi. Cela dit l’article 47-2 de la Constitution dit bien que c’est une obligation constitutionnelle de déposer un Projet de loi de Finances et un projet de loi de Financement de la sécurité sociale.

Là encore, le texte peut, il va de soi, ne pas être adopté dans le délai de 70 jours ou rejeté par le Parlement. Reste alors l’option de passer un budget par ordonnance à condition que le Parlement autorise à lever l’impôt. Si ça ne passe pas, on revient à l’option des pleins pouvoirs du Président de la République en faisant jouer pour une durée très courte l’article 16 de la Constitution.

Rassurons-nous : la France dispose de tout un arsenal juridique entre la Constitution, la jurisprudence et les lois organiques (finances et financement de la sécurité sociale) pour permettre de sécuriser le fait d’avoir un budget à la fois de l’Etat et de la Sécurité sociale l’an prochain. La question qui reste est la suivante : ce budget sera-t-il un budget avec les 30 milliards d’économies qu’il faut absolument faire en 2025 pour faire baisser le déficit de la France et rassurer nos créanciers ? C’est poser la question aussi de la confection d’un budget quasi gelé par Bercy. Plusieurs versions du budget seraient à l’étude au ministère des Finances. Ce serait bien qu’on ait le temps d’en parler dans le détail avant l’arrivée du FMI à Paris. FMI qui aurait sans nul doute une vision beaucoup plus drastique des économies à réaliser…

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