Haïti dispose enfin d’un gouvernement pour affronter le chaos

Haïti dispose enfin d’un nouveau gouvernement, qui devra s’atteler à l’un des défis les plus urgents de la planète sur le plan sécuritaire et humanitaire. L’île caraïbe, une des plus pauvres du monde, est en effet largement sous le contrôle de près de deux cents gangs qui rackettent, tuent, violent et kidnappent impunément sur la grande majorité du territoire.

L’Etat de Haïti, qui ne peut aligner en face que 500 militaires mal équipés, mal formés et sous-payés, semble avoir pratiquement cessé d’exister, comme l’illustre l’attaque, en février, des commissariats dont se sont évadés des milliers de détenus, les blocages sauvages sur les routes rançonnant les automobilistes et les enlèvements crapuleux, au nombre de 857 l’an dernier selon le Centre d’analyse et de recherches en droits humains (CARDH).

Un désastre économique, social et sanitaire

Les services publics de base, eau, électricité, transports, sont complètement dysfonctionnels. Et le salaire mensuel moyen d’environ 130 dollars permet d’acheter tout juste une douzaine de kilos de viande, ou de faire le plein d’une voiture, le marché de l’essence étant tenu par des trafiquants…

La situation sanitaire est au diapason, avec des épisodes de choléra depuis des années. La moitié des onze millions d’Haïtiens qui n’ont pas fui le pays souffre de malnutrition. L’indice de développement (alphabétisme, espérance de vie, mortalité infantile), enfin, figure parmi les plus bas du monde.

Le gouvernement dirigé par Garry Conille, médecin de formation et ancien administrateur de l’UNICEF, a été désigné, il y a dix jours. Sa composition a été publiée, mardi, au journal officiel à Port-au-Prince, après des semaines de tractations, par le Conseil présidentiel de transition.

Ce cénacle de sept représentants issus des principaux partis politiques, du secteur privé et du groupe Montana, une coalition de la société civile, avait lui-même été installé en avril par consensus entre le groupe Montana et des représentants des pays des Caraïbes concernés par la crise humanitaire et migratoire, au premier rang desquels les Etats-Unis.

Le poids de la cocaïne

Ce Conseil devait pouvoir s’appuyer, pour rétablir un semblant d’ordre sur un contingent… kényan, aucun pays occidental (notamment ni Paris, ancienne puissance coloniale, ni Washington) ne souhaitant intervenir. Il n’y aurait eu pour eux que des mauvais coups à prendre sous diverses accusations de néocolonialisme, sans compter les risques inhérents à toute mission d’interposition, où les militaires étrangers sont vite pris entre deux feux. Le problème est que le contingent kényan, financé par une aide de 100 millions de dollars des Etats-Unis et de 90 millions du Canada, se fait toujours attendre. Nairobi a répété dimanche dernier qu’il arriverait « probablement dans deux semaines ».

Le rétablissement de l’ordre, indispensable à la vie économique, sera d’autant plus délicat que les gangs sont très bien armés et financés grâce au trafic de cocaïne. Haïti est devenu un narco-Etat, de loin le principal « hub » de drogue entre Amérique latine et Etats-Unis. Un trafic qui permet d’acheter aisément policiers, y compris agents de l’agence américaine DEA, et ministres, au point qu’on peine à trouver d’anciens responsables qui ne soient pas sous sanction de Washington ou Ottawa pour l’un de ces deux crimes.

Aucune institution légitime

Le nouveau gouvernement devra, à plus long terme, organiser des élections, dont aucune n’a pu se tenir depuis huit ans ! Haïti se trouvait ainsi jusqu’à mardi dans la situation unique au monde de ne disposer d’aucune institution légitime, puisque les députés ne siègent plus depuis quatre ans. La plupart des juges de la Cour suprême ont quitté leurs fonctions et le mandat des dix derniers sénateurs en poste a expiré en février dernier. Au moment où le Premier ministre Ariel Henry, très contesté puisque nommé juste avant l’assassinat non élucidé à ce jour du président Jovenel Moïse il y a trois ans, se voyait interdire par les gangs de revenir au pays.

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