En devenant producteur de pétrole, « le Sénégal va avoir plus des marges de manœuvre pour transformer son économie »

Le Sénégal est entré mardi 11 juin dans le cercle des producteurs de pétrole. La compagnie australienne Woodside Energy a annoncé ce jour la première extraction du champ de Sangomar, à une centaine de kilomètres au large des côtes sénégalaises, qu’elle opère avec la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen).

Pour Benjamin Augé, chercheur au sein de l’Institut français des relations internationales (IFRI), le nouvel exécutif pourrait « négocier des contrats futurs plus favorables », à défaut de réussir revoir ceux déjà signés.

Le Sénégal est désormais producteur de pétrole. Qu’est-ce que cela va changer pour son économie ?

Il va y avoir une arrivée d’argent frais, en moyenne 700 milliards de francs CFA, soit plus d’un milliard d’euros par an sur une période de 30 ans, selon la compagnie publique Petrosen, mais cela ne va pas complètement changer la structure de l’économie sénégalaise. La production reste tout de même faible. On l’estime à peu près à 100 000 barils par jour, très loin de géants africains comme le Nigeria. Cela devrait toutefois permettre au nouveau pouvoir de Bassirou Diomaye Faye d’avoir plus des marges de manœuvre pour transformer l’économie, un sujet mis en avant pendant la campagne électorale.

Le nouveau président avait promis lors de sa campagne de renégocier les accords pétroliers et gaziers signés sous la présidence de Macky Sall. Qu’en est-il ?

On ne renégocie pas facilement les contrats passés avec les sociétés privées parce qu’il y a des règles internationales qui garantissent une stabilité des contrats. Dans les cas où il y a des renégociations de contrats, c’est extrêmement complexe et cela peut conduire à des arbitrages internationaux que les Etats n’ont aucune certitude de gagner.

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Dans le cas du Sénégal, les contrats qui ont été signés avec les sociétés comme Woodside Energy, en charge des gisements de pétrole de Sangomar, et British Petroleum, pour le champ gazier offshore de Grand Tortue Ahmeyim (GTA), étaient assez favorables au secteur privé. Et pour cause : il n’y avait encore aucune mise en valeur et il fallait attirer des investisseurs. Maintenant, le Sénégal passe à une autre étape : le domaine pétrolier est connu et il peut négocier des contrats futurs plus favorables.

Aujourd’hui, ce qui peut être fait dans le cas du champ gazier de GTA est de revoir les coûts. Ces derniers ont explosé et certains ne sont pas forcément justifiés du point de vue des audits qui ont été menés par les gouvernements mauritaniens et sénégalais.

Qu’en est-il des relations entre le Sénégal et la Mauritanie qui se partagent le projet « Grand Tortue Ahmeyin » ?

La relation entre le Sénégal et la Mauritanie a été extrêmement mauvaise sous la présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz. A partir du moment où Mohamed Ould Ghazouani est arrivé au pouvoir en 2019, la relation entre les deux pays s’est largement améliorée. Il semble que les deux ministères des pétroles travaillent de concert, comme les deux ministères des affaires étrangères. De toute façon, il faut qu’ils soient absolument unis pour renégocier avec BP les coûts qui ont explosé. C’est un bras de fer qui est autant juridique, technique que politique.

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