combien de médailles la France peut-elle espérer ?

À l’orée du bois de Vincennes, dans l’est de la capitale, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) a été fondé en 1975. Ancien double champion du monde de judo en 1987 et 1989, formé sur place, Fabien Canu (64 ans) est ici chez lui. Directeur général de l’Insep depuis septembre 2021 après avoir notamment occupé le poste de directeur technique (DTN) de la Fédération française de judo, le Normand déploie une dynamique d’excellence pour optimiser les chances de médailles des équipes de France olympiques et paralympiques cet été.

Ce temple du sport de haut niveau, créé en 1975, accueille chaque année 600 sportifs dans 28 disciplines olympiques et paralympiques. Un laboratoire – certains disent même une usine – à champions, toujours en mouvement pour coller aux évolutions, dans tous les domaines de la performance.

Le JDD. Vous avez pris vos fonctions juste après les Jeux de Tokyo, qui avaient été décalés d’un an à cause de la pandémie de Covid. Comment avez-vous traversé cette olympiade resserrée ?

Fabien Canu. Intensément et passionnément. Trois ans, c’est court, et c’est vrai que nous n’avons pas chômé, d’autant qu’il a fallu lancer le chantier colossal de modernisation de l’Insep début 2022.

Avec un budget de 11 millions d’euros financé par l’État, nous avons, en partenariat avec l’Agence nationale du sport (ANS) et la Direction des sports, profondément modifié le campus et nos équipements.

La suite après cette publicité

En quoi cela a-t-il consisté ?

L’un des plus gros chantiers fut la rénovation de l’emblématique stade couvert d’athlétisme [une salle de 9 100 m² inaugurée par le général de Gaulle en 1965, NDLR]. La piste est désormais équipée de capteurs de haute technologie qui permettent de collecter des données pointues et de personnaliser les séances d’entraînement. À l’extérieur, le stade Marie-José Pérec est désormais lui aussi équipé d’un revêtement connecté, avec en plus une vague lumineuse installée autour de la piste qui permet d’impulser des allures de course différentes.

Quels sont les autres chantiers que vous avez enclenchés ?

Nous avons changé les tapis de lutte qui étaient là depuis plus de seize ans, créé un vrai terrain de basket 3×3, installé 40 caméras de surveillance sur tout le campus, climatisé les chambres, aménagé davantage de chambres pour les para-athlètes et mis en service quatre véhicules électriques très spacieux pour ces derniers. Il y a eu un très gros investissement dans le pôle médical : 4,7 millions d’euros.

Cet espace a été totalement repensé pour faciliter la récupération et le retour de blessure de nos athlètes. L’Insep a aujourd’hui l’un des centres d’imagerie les plus pointus d’Île-de-France, avec notamment un scanner et un EOS [système qui permet de faire une radiographie du corps debout pour mesurer la densité osseuse].

Cette « remise en forme » était-elle indispensable après Tokyo ?

Oui, car nous devons réussir ces Jeux à Paris. C’est un travail de longue haleine, et nous devons résister à la pression d’un événement de ce calibre à domicile.

Chaque fédération a un objectif, mais la pression a également été mise en haut lieu par le président de la République, qui attend de la France qu’elle soit à la cinquième place au classement des médailles. Je suis sincèrement confiant.

On peut atteindre l’objectif du Top 5 des nations si on table sur une cinquantaine de médailles. Une belle dynamique est en place.

Les infrastructures ont été soignées pour optimiser les performances. Quid de la préparation des équipes de France sur le plan émotionnel ?

On s’est inspiré de ce qu’avaient développé les Anglais en 2012 pour les Jeux de Londres, la méthode « replica » (méthode des répliques).

On a recréé le plus précisément possible les conditions que les athlètes retrouveront aux JO sur le plan technique ; 18 fédérations ont pu bénéficier de ce dispositif.

Comment se concrétise-t-il pour les sportifs ?

Nous avons mis à leur disposition tout le matériel avec lequel ils vont tenter de décrocher des médailles : les barres d’haltérophilie, le tapis de taekwondo, les paniers de basket 3×3, le revêtement des pistes d’escrime, des plongeoirs, le ring de boxe, et j’en oublie. Ils se sont familiarisés avec l’équipement exact des JO.

On a aussi proposé une expérience immersive inédite. Pour le tir à l’arc, les archers ont pu se projeter sur le pas de tir des Invalides, où aura lieu le tournoi olympique. On a fait venir 200 personnes, des scolaires pour jouer le rôle des spectateurs bruyants, un speaker, des caméras… Cette expérience a également été déclinée pour le pentathlon et la natation synchronisée.

Les athlètes ont donc été placés dans les meilleures conditions pour performer…

Vous ne croyez pas si bien dire : on a aussi renouvelé la literie de nos 503 couchages. Le sommeil des sportifs de haut niveau est primordial pour la performance. On a réalisé une étude et, grâce à une opération de mécénat, on a pu équiper nos lits de matelas à thermorégulation.

Il y a même des lits longs de 2,50 mètres pour les basketteurs ! On est prêt à accueillir Victor Wembanyama et ses 2,24 mètres (rires). Ils sont tellement confortables que certains athlètes en stage nous demandent les références pour en avoir un chez eux !

Quel sera le rôle de l’Insep durant les Jeux ?

Depuis le 8 juillet, l’institut est passé en mode « camp de base ». Les disciplines qui entrent en compétition la seconde semaine des JO vont pouvoir séjourner sur le campus. C’est le cas de l’athlétisme, du breakdance et du taekwondo.

« On a recréé le plus précisément possible les conditions des JO »

Il y a aussi des athlètes installés au village olympique qui vont revenir ici pour bénéficier des installations, du pôle médical, car ils y ont leurs repères.

Les équipes de France de badminton et de basket masculin vont se « poser » ici pendant leurs épreuves. Et dès le 9 août, la délégation paralympique arrivera à son tour pour peaufiner sa préparation avant le début des compétitions le 28 août.

Les Jeux sont aussi une grande fête, qu’avez-vous prévu ?

On a créé un lieu de convivialité avec un grand écran qui va vibrer au rythme des Jeux. On l’a appelé « La Place du Village ». Les athlètes pourront s’y retrouver pour suivre les compétitions et se détendre.

On a ouvert un salon de coiffure et réaménagé la cafétéria. Enfin, c’est un élément essentiel, les athlètes vont pouvoir profiter d’un service de restauration sur mesure, avec des plats et des collations réalisés par un chef étoilé, mais aussi des produits spécifiques adaptés à l’effort physique ou aux régimes, déterminants pour les judokas, les lutteurs ou les boxeurs.

Dans un contexte sécuritaire tendu, quelles mesures spécifiques ont été prises pour l’Insep ?

Des forces de police sont déployées pour sécuriser le site. L’accès à l’Insep est autorisé uniquement aux équipes de France et aux personnes dotées d’un badge spécifique qui a fait l’objet d’une enquête administrative de sécurité préalable.

À notre niveau, nous essayons de rester au-dessus de tout cela. La priorité, c’est la recherche de la performance et le bien-être de nos équipes de France. Je suis confiant, je veux croire que la magie des Jeux va très vite reprendre le dessus.

Crédit: Lien source

Les commentaires sont fermés.