Burkina Faso : la diplomatie des munitions

  • Damien Glez


    Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Publié le 24 juillet 2024

Lecture : 2 minutes.

Récemment exhumé par un putschiste pour justifier la présence de militaires au firmament politique, le général de Gaulle a déposé une citation bien pratique dans la caisse à outils des politiciens : « Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. » Certes, les régimes néo-souverainistes du Sahel n’ont pas retiré le mot « amitié » des formules diplomatiques consacrées, comme en atteste une récente « visite de travail et d’amitié » de Sergueï Lavrov au Burkina Faso, ou une plus ancienne « visite d’amitié » du capitaine Ibrahim Traoré au Mali. Mais le chamboule-tout géopolitique auquel s’adonnent certains régimes issus de putschs semble bien guidé par l’esprit gaullien des intérêts « priorisés ».

Premier sommet de l’AES à Niamey, le 6 juillet 2024. © AFP

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Au-delà de la jauge continue de la compatibilité idéologique avec tel État, au mètre étalon du passé formellement colonial et des déclarations présumées impérialistes, les responsables actuels du pays des Hommes intègres ont pris l’habitude, insécurité oblige, de juger l’opportunité d’une relation diplomatique sous le prisme de la fourniture d’armes.


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Nécessaire riposte

Sans toujours citer des noms, le capitaine Traoré s’est déjà étonné, dans une interview télévisée, que des chancelleries occidentales compatissantes refusent de fournir de l’artillerie au Faso agressé, même quand ce dernier est prêt à l’acheter avec les fruits du « Fonds de soutien patriotique ».

Ce lundi 22 juillet, le Premier ministre burkinabè a embouché cette même trompette.

« Ceux qui attaquent le Burkina Faso viennent avec des armes, et les militaires doivent aussi avoir des armes pour riposter » : la lapalissade d’Apollinaire Kyelem de Tambela était adressée à l’ambassadrice des États-Unis au Burkina Faso. Et de préciser que l’efficacité de toute action humanitaire et de développement est d’abord soumise à la sécurité rétablie, sur l’ensemble du territoire, et donc à la riposte aux attaques terroristes armées.

Or, des licences américaines bloqueraient actuellement la livraison d’appareils de guerre commandés au Brésil, par le Burkina Faso. C’est pourquoi le chef du gouvernement a plaidé auprès de Joann Lockard, pour qu’elle contribue à lever ces obstacles.


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Langue de bois diplomatique

Plus ou moins en off, les États démocratiques, responsables devant leurs parlements, expliquent généralement qu’il n’est déontologique de fournir des armes létales qu’aux régimes dont on croit savoir qu’ils ne commettent pas d’exactions. Un argument vexatoire, mais surtout battu en brèche, au regard des livraisons massives d’armes de la France vers l’Arabie saoudite…

Des troupes nigérianes impliquées contre Boko Haram dans le nord-est du pays, en mars 2015. © str/AP/SIPA

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Devant Apollinaire Kyelem de Tambèla, l’ambassadrice des États-Unis n’a pu qu’employer un jargon de nature à noyer temporairement le poisson. Elle a rappelé que son pays est engagé à rester aux côtés du Burkina Faso dans sa lutte contre le terrorisme et dans les efforts de développement. Pour ce faire, l’aide américaine actuelle au Burkina s’élève à 16 millions de dollars, destinés, entre autres, aux Forces de défense et de sécurité, mais aussi aux actions humanitaires ou à la construction de dispensaires et d’écoles.


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Le Premier ministre du Faso a affirmé que si les appareils sous licence américaine commandés avaient été utilisables, l’armée burkinabè aurait « pu sauver des vies ». C’est ainsi, « dans les difficultés qu’on reconnaît les vrais amis », a-t-il conclu, ne rejetant donc pas le concept d’amitié en diplomatie. Amitié sous réserve de munitions…

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