Un an après son coup d’Etat, le général Tiani défend la «trajectoire de rupture» du Niger – Libération

Confronté à des difficultés économiques et sécuritaires, le régime militaire continue à jouer la carte du souverainisme.

Pour l’anniversaire de son accession au pouvoir par la force, le général Abdourahamane Tiani a une nouvelle fois répété son mantra nationaliste. «Notre marche vers la souveraineté pleine et entière est inexorable, a déclaré le patron de la junte, dans un discours diffusé à la télévision publique, dans la soirée du jeudi 25 juillet. Aucun Etat, aucune organisation interétatique ne nous dictera la conduite à tenir, ni son agenda en matière de partenariat stratégique ou diplomatique.»

Deux jours plus tôt, la France avait demandé la «libération inconditionnelle et immédiate» du président Mohamed Bazoum, toujours séquestré dans sa résidence présidentielle, près d’un an après le coup d’Etat qui l’a renversé. «Ceux qui fantasment sur la remise en selle imminente des régimes déchus à leur solde vont déchanter», a rétorqué le général Tiani.

Sortie de la Cédéao

Depuis sa prise de pouvoir, le 26 juillet 2023, la junte a tourné le dos à la France, dont les soldats engagés dans la lutte antijihadiste ont été chassés à la fin de l’année dernière. D’ici début août, les militaires américains auront également plié bagage, quittant notamment leur base de drones à Agadez (nord), après celle de Niamey. «La voie que nous suivons est résolument sur la trajectoire de la rupture avec l’ordre néocolonialiste», a clamé Tiani jeudi, indiquant que le Niger œuvre désormais pour «l’établissement d’un partenariat gagnant-gagnant avec tous» les partenaires internationaux «sans exclusivité». L’Iran et la Russie, qui a envoyé des instructeurs militaires en avril et en mai, font partie des nouveaux partenaires privilégiés de Niamey.

Le Niger s’est surtout rapproché de ses deux voisins, le Burkina Faso et le Mali, eux aussi gouvernés par des régimes militaires arrivés au pouvoir par des putschs. Tous trois ont formé la confédération de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et ont claqué en début d’année la porte de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qu’ils accusent d’être manipulée par la France et de ne pas les soutenir contre le jihadisme.

Dans son discours anniversaire, le général Tiani a salué «la montée en puissance» de l’armée nigérienne «sur le théâtre des opérations» notamment contre les insurgés de l’Etat islamique et d’Al-Qaeda qui opèrent dans l’ouest proche du Burkina Faso et du Mali et dans le sud-est frontalier du Nigeria. Les attaques jihadistes qui endeuillent le Niger depuis plus de dix ans n’ont pourtant pas faibli depuis un an. Dans la zone de Tillabéri (ouest), elles ont fait ces dernières semaines plusieurs dizaines de morts.

«Droits humains en chute libre»

Jeudi, trois ONG internationales (Human Rights Watch, Amnesty et la Fédération internationale pour les droits humains) ont affirmé que les «droits humains» étaient en «chute libre» au Niger depuis l’arrivée au pouvoir des militaires. «Les autorités militaires du Niger ont réprimé l’opposition, les médias et la dissidence pacifique depuis qu’elles ont pris le pouvoir lors d’un coup d’Etat mené il y a un an», décrivent les trois organisations dans un communiqué commun.

Elles appellent notamment le régime à «libérer Mohamed Bazoum», mais aussi les «30 responsables du gouvernement déchu, y compris d’anciens ministres, des membres du cabinet présidentiel et des personnes proches de l’ancien président, arrêtés arbitrairement, sans procédure régulière ni respect des droits à un procès équitable».

Sur le front économique, le régime est à la peine. Si les lourdes sanctions de la Cédéao, consécutives au putsch, ont été levées en février, la frontière avec le Bénin – accusé par Niamey d’accueillir des bases militaires françaises – est restée fermée. Or, le port de Cotonou était la principale voie d’entrée des marchandises importées par le Niger, pays enclavé. Il ne peut plus non plus exporter son pétrole, quelques mois après l’inauguration d’un oléoduc géant reliant le gisement d’Agadem à Cotonou. Un manque à gagner énorme pour les caisses de l’Etat nigérien.

Pour garder la tête hors de l’eau, le gouvernement a obtenu un prêt de 400 millions de dollars de la Chine, en cédant ses droits de commercialisation du pétrole. Cet été, la Banque mondiale vient par ailleurs de reprendre ses décaissements, après un an d’interruption, et le FMI a annoncé le 17 juillet le versement d’une tranche de 70 millions de dollars à Niamey. Deux jours plus tard, le régime a annoncé une baisse du prix du carburant à la pompe de 7,5%. Un cadeau d’anniversaire remarqué par la population.

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