Philippe et Marie Madeleine Lo Diara déploient le drapeau du Sénégal au sommet du Kilimandjaro. Photo © DR
Ils sont les premiers Sénégalais à avoir gravi le sommet le plus haut d’Afrique. Philippe et Marie Madeleine Lo Diara racontent leur ascension de ce mont africain qui culmine à 5 895 m au nord-est de la Tanzanie, et encore porteur de neiges éternelles.
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par Malick Diawara pour TransContinentsAfrica et AfricaPresse.Paris
@africa_presse
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Philippe et Marie Madeleine Lo Diara sont deux Sénégalais de la diaspora. Installés aux États-Unis, ils ont l’Afrique chevillée au corps. Pour eux, monter à l’assaut du sommet du Kilimandjaro a été une manière de concrétiser une obsession de jeunesse, de tester leur résilience face à l’adversité de la nature, de se dépasser et enfin de réussir ensemble, à 60 ans passés, à relever un défi extraordinaire.
TransContinentsAfrica – Gravir le Kilimandjaro pour la première fois à 60 ans passés est une initiative peu commune. Quel cheminement vous a amené à tenter cette aventure ?
Philippe Diara – D’abord, à l’âge de 12 ans, tout jeune enfant de troupe que j’étais au Prytanée militaire de Saint-Louis du Sénégal, j’avais été frappé par la lecture des « Neiges du Kilimandjaro » de l’écrivain américain ’Ernest Hemingway. Cela a été déterminant dans la fascination de ce mont mythique africain. Alors que je n’avais jamais vu la neige de ma vie, j’ai fait le serment de visiter le seul endroit en Afrique où subsistent encore des neiges éternelles.
Ensuite, le réchauffement climatique faisant malheureusement fondre ces neiges éternelles, mon désir s’est renforcé de peur qu’elles ne disparaissent et que je nai pas l’occasion de les voir.
Enfin, plus récemment, la relecture de « Neiges du Kilimandjaro » a réveillé ce qui était enfoui en moi et m’a révélé combien j’avais été marqué par le récit d’un homme confronté à la gangrène au pied du Kilimandjaro et avançant inexorablement vers la mort tout en se remémorant ses expériences passées et ses rêves inachevés. Cela a renforcé ma détermination à ne pas laisser ce désir de voir ces neiges éternelles d’Afrique se transformer en regrets.
Comment se sont passés les préparatifs ?
Marie Madeleine Lo Diara – Les préparatifs ont été relativement courts. La décision de relever ce défi a été prise en Octobre 2023. Et c’est en janvier 2024 que nous avons commencé la préparation physique cependant interrompue par le mois de Ramadan.
Comment cela s’est-il passé ? Durant les 45 jours qui ont précédé notre départ, nous avons fait une préparation physique combinée entre tennis, marches de 5 à 8 km, escalade de la dune de Manhattan Beach, salle de sport, pour muscler les jambes et le dos, et natation. Dernier point : nous avions fait du ski auparavant mais jamais à plus haut que 3000 m d’altitude.
Quel est le déclic qui vous a fait comprendre que vous étiez tous les deux prêts à relever ce défi ?
Philippe Diara – La date du défi que nous avions fixée à fin Mai nous a poussés à nous préparer au mieux en fonction de cette échéance. Cette préparation a donc été courte. L’axer spécifiquement sur l’altitude aurait été idéale mais malheureusement nous n’avions rien de comparable dans les environs de notre lieu de résidence.
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Dans quel état d’esprit avez-vous été quand vous vous êtes retrouvés au pied du Kilimandjaro ?
Philippe Diara – Gonflés à bloc, nous étions prêts à affronter la montagne. C’est vous dire combien nous avons apprécié d’être autant émerveillés par la beauté de la montagne, d’être aussi calmes et sereins et surtout heureux de pouvoir enfin commencer notre aventure
Racontez-nous l’ascension : sa matérialité, son défi physique, psychologique aussi.
Philippe Diara – Je dois dire que l’ascension n’est pas du tout technique. Nous avons eu besoin ni de cordes ni de crampons. Nous avons abordé le Kilimandjaro par le chemin Lemosho. Cela nous a pris 8 jours, soit 6 jours pour la montée des 48 km, et 2 jours pour la descente de 22 km.
Il faut savoir que nous avions entre 8 et 14h de marche et d’escalade par jour. Et pour ce qui est des 5 km séparant le camp de base du sommet, nous avons mis 12h.
Marie Madeleine Lo Diara – Pour ce qui est de la dernière étape, de Stella Point au sommet Uhuru, un parcours de 800 m avec 170 m de dénivellation, nous l’avons vaincue en 90 minutes pour atteindre le sommet Uhuru qui se trouve à 5 895 m. Il y avait un vent par intermittence mais nous avons été épargnés par la neige..
Qu’en a-t-il été des nuits ?
Philippe Diara – Les nuits ont été extrêmement froides. On a été sous 0 degré Celsius dès la tombée de la nuit. Précision de taille : il faut savoir qu’au-delà de 4000 mètres d’altitude, chaque pas a été un supplice et demandait un effort mental considérable. Notre corps nous criait de nous arrêter pour reprendre notre souffle aussi c’est à la seule force de notre mental que nous avons pu continuer.
Quel a été votre sentiment quand vous êtes arrivés au sommet ?
Philippe Diara – C’est un sentiment indescriptible. Un mélange d’allégresse, de gratitude, d’humilité, de bonheur et de soulagement. D’avoir pu réaliser ce rêve nous a apporté une grande satisfaction nourrie par le fort sentiment de dépassement de soi.
Marie Madeleine Lo Diara – Des larmes de joie ont coulé pour ponctuer le bonheur que nous avons eu de surmonter ensemble ce défi et les difficultés qui lui étaient attachés, également pour la joie de nous soutenir et de nous encourager mutuellement tout au long du chemin. Nous avons ressenti et ressentons encore une immense fierté d’être le premier couple de Sénégalais, qui plus est, sexagénaires, à atteindre ce sommet du Kilimandjaro.
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Quelle leçon de vie avez-vous tirée de ce qu’il faut considérer comme un exploit ?
Philippe Diara – La première, c’est que le plus grand obstacle est souvent soi-même parce que nous avons tendance à nous sous-estimer et à nous mettre des barrières. À plus de 60 ans, on peut penser qu’il soit préférable de ne pas entreprendre une ascension aussi physiquement exigeante. En effet, cette ascension nécessite non seulement une grande force physique mais aussi une volonté inébranlable ainsi qu’un désir profond d’atteindre le sommet et de relever le défi.
Marie Madeleine Lo Diara – J’ajouterai que nous avons réappris à respecter la force de la nature quand, dans le noir de la nuit, blottis sous la tente, nous avons entendu un vent violent et glacial souffler comme une explosion.
Philippe Diara : Et nous avons redécouvert la beauté de la nature lorsque nous nous sommes retrouvés au-dessus des nuages, sans rien pour entraver notre vue.
S’il y a trois images ou sensations à retenir d’une telle ascension, quelles seraient-elles ?
Marie Madeleine Lo Diara – D’abord, le fait d’être au-dessus des nuages et contempler l’immensité d’un paysage sans fin, inspirant quiétude et immobilité ; ensuite, le sentiment que tout ira bien sans souci aucun à l’horizon.
Philippe Diara – D’ailleurs les Swahilis le traduisent parfaitement dans l’expression « Hakuna Matata » qui signifie “pas de soucis”. Sans téléphone et isolé du reste du monde, nous ne nous sommes jamais sentis aussi heureux. Autant de choses qui nous enseignent qu’il n’y a rien d’insurmontable dans la vie.
Si vous deviez définir le Kilimandjaro aujourd’hui, que diriez-vous ?
Marie Madeleine Lo Diara – Ce mont est Beauté, et Puissance.
Philippe Diara – J’ajouterai qu’en avançant pas à pas vers ce défi colossal, le plus haut sommet d’Afrique, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un parallèle avec les efforts de l’Afrique pour conquérir son indépendance économique et politique. Comme notre escalade lente et laborieuse vers le sommet de l’Uhuru – Liberté en Kiswahili – l’Afrique progresse, certes péniblement mais résolument, vers ses propres sommets et ce malgré les défis et les obstacles sur son chemin.
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