Parlementaires appelant au «Oui» sans avoir lu le texte, incertitudes sur le chronogramme… Tout ceci augure d’une campagne centrée sur les intérêts individuels, réduite à des arguments simplistes.
On n’en connait pas encore la date. On ne sait rien des préparatifs y relatifs. Censé être approuvé à ce moment-là, le texte est toujours en phase d’élaboration. Personne ou presque ne l’a vu et ne l’a lu, mais certains prennent déjà des positions définitives, laissant le sentiment de nourrir de desseins inavoués ou d’être engagés dans une lutte de positionnement. Profitant de l’intercession, nombre de parlementaires de la Transition ont entrepris de battre les estrades, invitant les populations à un vote franc en faveur du «oui». Venant de personnalités cooptées par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), cette précipitation suscite incompréhensions, quolibets et polémiques. Dans cette atmosphère surréaliste, certains citoyens se croient obligés de se prononcer pour le «non», juste pour faire pièce aux velléités des autres. Il y a, manifestement, risque de voir la campagne référendaire se transmuter en une basse querelle de clochers.
Parallèle peu glorieux
Les incertitudes sur une éventuelle «transformation du Parlement en constituante» en rajoutent à l’embrouillamini. En dépit de leur qualité, les parlementaires déjà acquis au «oui» se gardent de se prononcer sur cette étape, pourtant prévue par le chronogramme annoncé le 13 novembre 2023. Or, certaines indiscrétions font état d’un probable accourcissement de la Transition. Dans une telle hypothèse, la présidentielle se tiendrait entre décembre 2024 et avril 2025, soit au plus tôt dans cinq mois et, au plus tard dans neuf mois. Aurait-on alors le temps de conduire une campagne référendaire explicative, axée sur les valeurs, principes et idées ? Aurait-on le temps de décortiquer le texte et de se pencher sur des notions de droit constitutionnel ? Aurait-on l’opportunité de conduire une réforme du système électoral ? Ou de réfléchir au mécanisme de retour en douceur des militaires dans les casernes ?
À l’évidence, les incertitudes s’accumulent. En plaidant pour un «oui» ferme sans avoir lu le texte, nombre de parlementaires se comportent non pas comme des acteurs d’une transition, mais comme des militants acquis à la cause d’une chapelle politique et de son chef. De par leur attitude, ils légitiment un parallèle peu glorieux entre les anciens parlementaires du Parti démocratique gabonais (PDG) et eux, ravivant des souvenirs peu conformes aux principes démocratiques et à l’idéal républicain. Sont-ils contraints de réitérer leur allégeance au CTRI à chaque prise de parole ? Sont-ils tenus de parsemer leurs propos de références au président de la Transition ? Est-ce leur contribution à «l’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable» ? Ou à «la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés publiques» ? Ne doivent-ils pas plutôt être dans la pédagogie et la sensibilisation en se fondant sur des idées ?
Considérations personnelles
Créé par le décret n° 0191/PT-PR/MRI du 06 mai 2024, le Comité constitutionnel national disposait à l’origine d’«un délai d’un mois» pour rendre sa copie. Au final, la première épreuve fut présentée au président de la Transition le 02 juillet dernier. Depuis cette date, les supputations vont bon train. Personne n’étant au clair sur la suite, les parlementaires se demandent s’ils seront invités à apporter leur contribution ou si le texte sera directement soumis à la sanction du peuple. Dans un tel contexte, les indiscrétions de notre confrère Radio France internationale (RFI) n’ont rien arrangé. Bien au contraire. Elles ont conduit une partie de l’opinion à échafauder des théories diverses, y compris les plus invraisemblables. Dès lors, les appels au vote, favorable ou non, relèvent de l’imprudence. De nature à nourrir la suspicion et la théorie du complot ou à altérer la qualité du débat, ils sont contreproductifs.
Nombre de parlementaires de la Transition n’ont pas évalué ces implications, avant d’aller en campagne. En cherchant à se poser en soutiens inconditionnels du CTRI, ils ont agi de manière intéressée, déplaçant le débat sur le terrain des considérations personnelles. En voulant apparaître comme des indéfectibles du président de la Transition, ils ont réagi de façon mécanique, suscitant une réaction tout aussi mécanique. Tout ceci augure d’une campagne référendaire centrée sur les intérêts individuels, réduite à des arguments simplistes, à des attaques ad hominem et à des accusations gratuites. Or, pour «bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif, apaisé et durable», il faut faire exactement l’inverse. Au train où vont les choses, «la refondation de l’État» est loin d’être assurée.
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