Au Sahel, les mandats des putschistes sont élastiques. Celui du capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir en septembre 2022 par un coup d’Etat, vient de s’allonger de cinq années supplémentaires. Des assises nationales, rassemblant samedi des représentants de la société civile, des militaires et des députés de l’Assemblée de transition, ont débouché sur l’adoption d’une nouvelle «charte de la transition». Celle-ci prévoit que «la durée de la transition est fixée à soixante mois à compter du 2 juillet», et que le président de la transition, désormais appelé «président du Faso», sera «éligible aux élections présidentielle, législatives et municipales» qui seront organisées pour mettre fin au régime militaire.
La plupart des partis politiques traditionnels ont boycotté l’évènement. Initialement prévu pour s’achever dimanche, il n’aura duré que quelques heures. La charte, signée par le capitaine Traoré samedi soir, est immédiatement entrée en vigueur. «L’affaire ayant été mâchée en amont, elle a été pliée en une journée, en à peine quatre-cinq heures chrono et sous les hurlements des partisans du régime qui manifestaient dehors, décrit le journal burkinabè l’Observateur Paalga dans son éditorial du jour. De toutes les façons, à supposer même qu’il y en eut qui n’étaient pas convaincus du bien-fondé du projet, qui était assez fou pour ramer à contre-courant des désidératas du grand manitou ?»
Dans la nouvelle charte, les quotas qui étaient alloués aux formations politiques pour les postes de députés de l’Assemblée législative de transition ont été supprimés. Quelque 12 sièges (sur 71) restent alloués aux partis, mais sans attribution spécifique. Le «patriotisme» est érigé comme critère pour siéger à cette assemblée ou au gouvernement. Une nouvelle instance baptisée Korag, dont la composition et le fonctionnement sont à la discrétion du chef de l’Etat, est en outre créée pour «suivre et contrôler la mise en œuvre de la vision stratégique du pays dans tous les domaines et par tous les moyens», précise la charte.
«On ne saurait oublier qu’IB [le surnom d’Ibrahim Traoré, ndlr], dans l’euphorie de son putsch, avait donné sa parole d’officier qu’il n’était pas là pour le pouvoir et qu’il était même pressé de retourner au front, rappelle l’Observateur Paalga. Pour quelqu’un qui jurait, la main sur le cœur, qu’il n’était pas intéressé par le pouvoir, que ça l’empêchait du reste de dormir, se taper cinq années supplémentaires à la tête du pays en attendant de légitimer par les urnes ce qu’il a arraché par les armes a de quoi laisser pantois.» Selon l’article 22 de la charte, des élections peuvent toutefois être organisées «avant cette échéance [de soixante mois] si la situation sécuritaire le permet». Le Burkina Faso est aux prises avec une insurrection jihadiste depuis près de dix ans qui a fait plus de 20 000 morts et 2 millions de déplacés. En 2023, le nombre des victimes du conflit a doublé.
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