du développement aux urgences humanitaires

Burkina Faso

Rencontre avec Christelle Kalhoulé, présidente de la plateforme des ONG burkinabés

Le Burkina Faso est en proie à des attaques sanglantes depuis près de dix ans. À cette crise sécuritaire aiguë s’ajoutent des crises politique, économique, sociale et humanitaire graves dont la population paie le plus lourd tribut. Le SPONG, en tant que coupole des ONG burkinabè, tente de répondre aux besoins urgents de cette population et d’influencer les décisions du régime militaire en place.

Depuis septembre 2022, les mouvements de population augmentent continuellement au Burkina Faso, singulièrement dans la région du Sahel, frontalière du Mali et du Niger, au nord-est du pays. Des femmes et des enfants, surtout, fuient les attaques sanglantes perpétrées par les groupes djihadistes liés à Al-Qaida ou à l’État islamique ; ainsi que les exactions militaires.

Depuis près de dix ans, le pays vit une importante crise sécuritaire. À la faveur de celle-ci, deux coups d’État militaires se sont succédé depuis 2022, portant au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré.

« Le Burkina Faso est plongé dans une crise politique mais aussi économique, sociale et climatique qui sont à l’origine d’une crise humanitaire grave », résume Christelle Kalhoulé, présidente du Conseil d’administration du Secrétariat permanent des ONG du Burkina Faso (SPONG), une organisation soutenue par le CNCD-11.11.11.

Selon les derniers chiffres du Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR), le pays comptait en mars 2023, plus de deux millions de déplacés internes (dont 82% de femmes et d’enfants), alors que 6,3 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire. Les incursions de groupes terroristes dans les villages, la destruction des infrastructures (éducatives, hydrauliques, sanitaires, de communication) et les violences basées sur le genre ont vidé ceux-ci de leurs habitants. Pour ceux qui demeurent, l’accès aux services de bases est extrêmement compliqué et l’insécurité alimentaire y est élevée. En début d’année (2024), 85 % des écoles et 69 % des infrastructures sanitaires de la région du Sahel étaient fermées, d’après le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA).

Dans ce contexte, le SPONG et ses 298 organisations membres sont confrontés à « l’énormité des besoins face à l’inexistence des moyens », explique Christelle Kalhoulé. Fondé en 1974 pour répondre à la grande sécheresse qui avait touché les États du Sahel, le SPONG avait ensuite pu se concentrer sur des activités de développement, mais doit désormais répondre à l’urgence des besoins humanitaires.

Un agenda politique sécuritaire

« Nous avons rappelé aux autorités les causes profondes de l’insécurité : l’extrême pauvreté, les inégalités, les discriminations, le manque de justice sociale. Tout cela a fragilisé le tissu social  », poursuit Christelle Kalhoulé.

Pourtant, c’est bel et bien l’agenda sécuritaire qui reste en tête des priorités du régime militaire en place. Un régime qui utilise le motif sécuritaire pour restreindre considérablement l’espace civique – et donc la liberté d’action des organisations de la société civile.

Dans ce contexte « peu propice au travail des organisations de la société civile », le SPONG – dont les missions principales sont le plaidoyer politique, la sensibilisation et la coordination – a dû revoir sa manière de travailler pour faire entendre sa voix et, à travers elle, celles des communautés les plus vulnérables. « Les organisations de la société civile ont compris qu’il fallait être fort ensemble pour entrer en dialogue avec les autorités », explique Mme Kalhoulé. Cela porte manifestement ses fruits puisque le plaidoyer politique se fait désormais par le biais d’un dialogue direct avec elles. « Le gouvernement a fait savoir qu’il est conscient de l’apport des organisations de la société civile tant dans la réponse à la crise humanitaire que dans le renforcement de la résilience des communautés et l’accompagnement au développement, notamment l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base », rassure Mme Kalhoulé.

Une communauté de destins

Christelle Kalhoulé, présidente du Conseil d’administration du Secrétariat permanent des ONG du Burkina Faso (SPONG)

© Valentine Van Vyve

Pour pouvoir poursuivre son travail, Christelle Kalhoulé insiste sur l’importance du soutien des sociétés civiles du Nord aux structures institutionnelles du Sud, comme le SPONG. Le partenariat direct entre le SPONG et le CNCD-11.11.11 est essentiel, tant il permet de relayer au Nord les réalités vécues au Sud. « La crise au Sahel est sous-financée, observe Christelle Kalhoulé. Cela alimente un ressentiment dans les communautés et nourrit le nationalisme. » Selon le Conseil norvégien pour les réfugiés, le Burkina Faso vit en effet la crise de déplacement la plus négligée au monde. Alors que « la solidarité internationale s’effrite », Christelle Kalhoulé appelle à « ne pas oublier nos interdépendances » et la « communauté de nos destins ».

En soutenant l’Opération 11.11.11, vous permettez aux réseaux d’acteurs de la société civile du Sud de défendre les droits des personnes vulnérables, y compris les personnes déplacées par les conflits armés, et portez la lutte en faveur de la justice sociale.

Crédit: Lien source

Les commentaires sont fermés.