Gasset, Faé, ses larmes… Les confidences de Bonaventure Kalou sur le sacre à la CAN [Exclu]

Ancienne gloire des Eléphants, Bonaventure Kalou a vécu
le sacre de la Côte d’Ivoire à la CAN 2023 au plus près en tant que
coordonnateur de l’équipe nationale. De l’humiliation contre la
Guinée Equatoriale, en passant par les critiques qui l’ont ciblées
et la démission de Jean-Louis Gasset, jusqu’au sacre final,
l’ex-attaquant du Paris Saint-Germain s’est confié sans détours sur
les coulisses du vestiaire et son ressenti dans un entretien
exclusif pour Afrik-Foot.com.

Par Yoro Mangara,

Comment avez-vous vécu le sacre historique de la Côte
d’Ivoire au mois de février dernier ?

Ecoutez, de ma carrière de footballeur, je n’ai jamais eu autant
d’émotions. C’était les montagnes russes, la tristesse, les
émotions, la
joie. C’était un moment unique.

Quelle était l’atmosphère dans les vestiaires après la
cinglante défaite 4 à 0 face à la Guinée Equatoriale ?

Honnêtement, on était plus bas que terre. Dans le vestiaire, on
pouvait entendre les mouches voler. C’était un silence de
cimetière. Des pleurs. Les joueurs étaient en pleurs. Organiser une
CAN, les moyens consentis par l’Etat, le peuple derrière, ce
n’était pas évident. On avait peur du lendemain, on ne savait pas
si l’entraîneur allait partir, s’il allait rester. C’était le flou
total et la peur aussi il faut le dire. Mentalement, nous étions
tous atteint. C’était un coup de tonnerre. On a vécu quelques
heures dans l’incertitude. Il y avait beaucoup de tristesse aussi
honnêtement !

Votre ancien sélectionneur Jean-Louis Gasset a dit après son
départ qu’il n’avait jamais vécu ça, vous partagez ?

Ayant été ancien footballeur, des déceptions j’en ai vécu comme
lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2010 où nous perdons
chez nous face au Cameroun. C’était une grosse
déception, mais la défaite face à la Guinée Equatoriale était
encore pire. C’est une défaite face à un adversaire qui nous était
inférieur. Si on rejoue ce match 10 fois, on le gagne 9 fois.
J’étais déçu, mais je tenais à remobiliser les troupes, j’étais
comme tout le monde atteint moralement mais je ne devais pas le
montrer. Quand je suis arrivé en zone mixte, j’avais dit aux
journalistes que ce n’était pas fini, qu’on n’était pas
mathématiquement éliminé. Je suis un membre important du staff, je
n’avais pas le droit de baisser les bras.

“Venir dire qu’on n’était pas encore éliminés pouvait
choquer”

Après ce match, vous êtes le seul à avoir accepté de
vous arrêtez en zone mixte pour dire que la Côte d’Ivoire n’est pas
encore éliminée. On a l’impression qu’il y avait une voix qui vous
parlait à l’oreille pour vous dire que ce n’est pas encore fini
?

Je voulais encore y croire parce qu’à ce moment, on avait aussi
le résultat du Ghana. Donc,
mathématiquement, on était encore dans la course. Je comprends que
les joueurs n’aient pas voulu s’adresser aux journalistes en zone
mixte. Moi, en tant que proche collaborateur du Président de la
Fédération, en tant que membre du staff, je me devais de montrer
qu’on n’était pas encore mort. C’est dans cette optique que j’avais
décidé de prendre la parole. Ça a été mal interprété en son temps,
je comprends. Tout le monde était déçu, du plus au sommet au plus
petit. Venir dire qu’on n’était pas encore éliminés avec une
certaine conviction pouvait choquer. Parler dans ces conditions, il
fallait choisir ses mots pour ne pas vexer encore plus les
supporters.

Comment Gasset a-t-il annoncé son départ au
groupe ?

Il n’a pas fait l’annonce devant le groupe. Il l’a dit au
Président de fédération qui lui a suggéré de ne pas l’annoncer au
groupe. Il l’a gardé pour lui jusqu’à ce qu’on arrive à notre camp
de base. Il fallait laisser passer la tempête.

Et c’était comment ?

Ecoutez, il y a eu beaucoup de pleurs, c’était beaucoup
d’émotions parce qu’on sait ce qu’il a apporté au groupe. On sait
l’impact qu’il a eu sur ses joueurs. Pour beaucoup, surtout les
binationaux, s’ils ont choisi la Côte d’Ivoire, c’est grâce à
lui. On avait l’impression que certains joueurs perdaient cette
figure paternelle. C’était triste, avec beaucoup d’émotions, comme
j’ai dit.

“Si quelqu’un d’autre que Faé était venu, ça n’allait pas
marcher”

Emerse Faé promu dans la foulée, comment s’est fait ce
choix ?

Il avait déjà un vécu avec le groupe en tant qu’adjoint de
Jean-Louis Gasset. Il a su changer les quelques erreurs de Gasset,
pour redonner confiance à certains joueurs, essayer de jouer sur
les têtes. Il a pu parler aux joueurs et c’est important. Je suis
sûr que si c’était quelqu’un d’autre qui était venu pour tout
changer, tout chambouler, ça n’allait pas marcher. C’était certes
un changement mais pas un grand changement. Emerse a vécu avec ce
groupe-là, il a connu des victoires avec ce groupe, des défaites
aussi, il était là quand le bateau tanguait. Il connaissait en tout
cas ce groupe.

© IconSport

Heureusement donc qu’Hervé Renard n’est pas venu, on
peut dire ça ?

On ne sait pas ce qui se serait passé, en tout cas. Mais moi
avec du recul, je me dis ‘si quelqu’un d’autre était venu, il va
vouloir tout chambouler, ça n’allait pas marcher’.

Vous tombez sur le Sénégal champion en titre en 8es de finale, vous
sortez la meilleure équipe des phases de poules. C’est là que vous
vous dites, vous pouvez gagner le trophée ?

Quand on est presque mort, et qu’avec l’énergie du désespoir on
revient à la vie, les forces sont décuplées. On s’est dit que rien
de pire ne pouvait encore nous arriver. Après le Maroc (contre la Zambie, ndlr), et
le Mozambique qui égalise face au Ghana à la dernière minute, nous
nous sommes dit qu’on doit maintenant compter sur nous, et que rien
ne peut plus nous arriver. Nous avons fait bloc, pour aller
chercher ce sacre.

“C’était plus pénible pour ma famille que pour
moi”

Nous avons vu sur une vidéo après la défaite contre la
Guinée Equatoriale, des supporters ivoiriens s’en prendre à vous.
Ils vous ont reproché votre soutien à Idriss Diallo l’actuel Président
de la Fédération, au détriment du candidat Didier Drogba… Vous
étiez le bouc émissaire ?

Quand il y a autant d’adversité, on ne peut compter que sur
nous-mêmes. C’est vrai que vous avez vu la vidéo de notre sortie du
stade, quand on se faisait conspuer par le public, on nous traitait
de tous les noms d’oiseaux. Je me dis que ça aussi, ça fait partie
du folklore du football africain. Quand vous gagnez, c’est
euphorie, quand on perd, il faut brûler tout le monde. J’ai essayé
de galvaniser tout le monde, on était investi d’une mission, on ne
devait pas baisser les bras. Le Président de la fédération aussi
était dans cette dynamique, tout comme Ahmed Ouattara, Arune
Dindané, Cyril Domoraud. Notre présence autour de l’équipe faisait
jaser, mais à la fin ils ont compris qu’on avait bien fait d’être
là.

Comment aviez-vous vécu toutes ses insultes ? Pour
certains supporters, vous êtes un traître pour ne pas avoir soutenu
Drogba…

C’est plus pénible pour ma famille que pour moi. J’ai été
footballeur professionnel, avec tout ce que cela comporte quand les
chose ne vont pas bien. Je me suis forgé une sorte d’armure pour me
protéger contre ses attaques. Ce qui fait que je reste imperméable
à certains propos. Les gens sont dans le fanatisme, et le football
il n’y a pas de secret. Moi je connaissais l’homme, il a roulé sa
bosse un peu partout. Il était vice-président de fédé quand j’étais
joueur. Je savais que c’est l’homme qu’il faut. Sur beaucoup de
points, on se ressemble beaucoup. On n’abandonne jamais.

J’ai choisi
Idriss
, s’il coule, je coule avec lui. Les gens ont le
droit d’émettre leurs opinions, nous sommes en démocratie. Je l’ai
vécu comme les critiques que j’ai reçues quand j’étais footballeur.
Le plus important, c’est l’union sacrée autour de l’équipe comme ce
fut le cas face au Mali. Les critiques, je suis habitué depuis mes
17 ans quand j’ai décidé de devenir footballeur professionnel. Ça
ne m’empêche pas de dormir.

Bonaventure Kalou, Didier Drogba, Côte d'Ivoire
© IconSport

Vos larmes le soir du sacre, c’était des larmes de joie,
mais j’ai l’impression que ce n’était pas que
ça ?

Non pas que… de soulagement aussi, que ça soit terminé et de
cette façon-là. L’organisation, la plus belle CAN de l’histoire, de
par son organisation, le public. C’était un grand soulagement. Je
n’ai pas gagné la CAN en tant que
footballeur, mais je l’ai gagné en étant l’un des maillons
essentiels. J’espère qu’on va apprécier à sa juste valeur ce que
j’ai apporté à mon pays.


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