La capitale congolaise est une métropole aussi bouillonnante qu’insaisissable. Des dizaines de milliers de personnes viennent s’y installer chaque année, gonflant des quartiers déjà saturés et cédant aux sirènes d’une ville devenue mythe en Afrique centrale.
Le visiteur qui se rend à Brazzaville pour la première fois découvre généralement la ville de nuit, car les vols internationaux atterrissent presque tous tard dans la soirée.
En sortant de l’aéroport international de Maya Maya, la ville change subitement de visage: les rues s’éclairent, les bâtiments grandissent, les routes s’élargissent. De tous les côtés, des enseignes tapageuses attirent l’œil : restaurants et hôtels de luxe, supermarchés à l’occidentale et bâtiments administratifs se succèdent.
«Brazzaville, c’est un peu comme New York, c’est la ville de tous les possibles», lance Sylvain, le regard pétillant et affichant un large sourire, laissant apparaître des dents du bonheur.
Ce jour-là, il est installé au restaurant familial Mami Wata ouvert depuis 2005, avec des plats authentiques et variés à savourer au bord du fleuve Congo, avec une magnifique vue panoramique sur la ville de Kinshasa, la capitale de la RDC. Chemise de marque et montre étincelante au poignet : chaque détail de son apparence témoignant avec insolence de sa réussite.
Sur le papier, Brazzaville et le Congo ont tout pour devenir un eldorado. Le sous -sol du pays est assimilable à un scandale minier.
Il est presque 17 heures. Sur l’avenue de la paix, les taxis et les minibus parfois en fin de vie forment des lignes de plus en plus longues, la circulation est presque à l’arrêt. Les esprits s’échauffent, les klaxons fusent.
Autour des voitures, une nuée de vendeurs ambulants, proposent aux conducteurs excédés de «l’eau pure» vendue dans des sachets en plastique. D’autres vendent des mouchoirs et divers objets empilés sur leurs têtes. Tous espèrent récolter quelques billets avant la tombée de la nuit, pour calmer la faim et regagner ensuite les quartiers périphériques, loin, très loin de l’opulence du centre-ville.
Peu importe les galères du quotidien : les brazzavillois ont les yeux qui brillent. Il leur semble que la réussite n’a jamais été aussi proche, même si les richesses qu’ils côtoient leur sont bien souvent inaccessibles.
Ce qui attire les gens à Brazzaville et ce qui les fait rester, c’est tout ce qui a trait au plaisir. Les ultra-riches ont leurs lounges où le champagne coule à flots. Les autres s’entassent dans les nganda, les bars-terrasses traditionnels. On en trouve à tous les coins de rue : il suffit de quelques chaises en plastique et d’une enceinte pour jouer les dernières chansons à la mode.
On s’y retrouve pour partager un verre, manger quelques brochettes de viande, mais surtout pour y trouver un peu de chaleur humaine, faire des rencontres. On se sent près de l’autre, on partage avec lui ses émotions, on se sent appartenir à un ensemble. Un sentiment qui procure aux brazzavillois une sorte de «sécurité psychologique», surtout pour ceux qui se retrouvent à des centaines, voire des milliers de kilomètres de leur terre natale. Un plaisir momentané, vite consommé et presque aussi vite oublié, mais que l’on cherche à retrouver dès le lendemain.
Brazzaville vous surprendra à la nuit tombée si vous faites une halte dans le quartier de Bacongo. C’est ici que le cœur battant de la capitale du Congo se livre à vous, avec des bars, pour s’encanailler d’une bière locale entre amis, posés sur des tabourets hauts, et s’enivrer de musique congolaise autour de petites tables rondes.
Bacongo et la rue Matsoua restent remarquables pour sa cohorte de sapeurs qui défilent et se défient. L’étoffe est leur religion et cette avenue leurs « Champs-Élysées ». Il fut un temps où les diasporas de retour au pays régnaient en maître sur cette bataille chromatique. Mais l’essor des vêtements de qualité de seconde main a rehaussé le niveau des sapeurs locaux qui font jeu égal avec les Parisiens. Plus rien à voir avec la friperie qui ne pouvait rivaliser avec une première main. Issus de toutes les couches sociales, du cadre au chômeur, les sapeurs, pour désigner les membres de la société des ambianceurs et des personnes élégantes (Sape), sont tous au même niveau pour flamber sans complexe, afficher leurs costumes dans les plus belles étoffes et engager un dialogue chromatique unique au monde.
Cette halte agréable vous incitera à vous engouffrer plus encore dans la nuit brazzavilloise. Dans ce quartier historique de Brazzaville, il peut être donné de découvrir le plus grand marché de la ville, le marché Total, mais aussi la Case de Gaulle qui fut la résidence du général pendant la Seconde Guerre mondiale.
La capitale congolaise est vraiment une destination attachante, pour peu que l’on prenne le temps de la découvrir après avoir confié l’obtention du visa à une agence de voyages, une étape qu’il ne sera pas anodin de se décharger pour éviter d’être éreinté avant de poser le pied sur les bords du fleuve Congo, dans cette ville chère au général de Gaulle qui en fit pendant trois ans la capitale de la France libre et où il prononça en 1944 le discours par lequel la question de l’émancipation des colonies africaines a été envisagée.
Jean-Jacques Jarele SIKA / Les Echos du Congo-Brazzaville
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.