La Cour suprême dira si Ottawa pouvait nommer une lieutenante-gouverneure unilingue au Nouveau-Brunswick
La Cour suprême du Canada a fait savoir jeudi qu’elle allait entendre le litige constitutionnel au sujet de la nomination de la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, Brenda Murphy, une anglophone qui ne maîtrise pas le français.
C’est la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) qui a contesté devant les tribunaux la nomination de Mme Murphy, installée à ce poste par le premier ministre Justin Trudeau en 2019.
La SANB a plaidé que cette nomination porte atteinte aux droits linguistiques garantis aux Néo-Brunswickois par la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit que « le français et l’anglais sont les langues officielles du Nouveau-Brunswick », faisant d’elle la seule province officiellement bilingue du pays.
Elle a eu gain de cause en 2022, lorsque la Cour du banc de la Reine de cette province a tranché que la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick ne peut être unilingue. Selon la Cour, Mme Murphy n’a pas les compétences linguistiques pour s’acquitter adéquatement de ses tâches. La Cour a aussi rejeté la thèse du gouvernement selon laquelle la Charte ne requiert qu’un « bilinguisme institutionnel » du bureau du lieutenant-gouverneur, qui n’exige pas le bilinguisme du « titulaire de la charge ». Trop simpliste, tranchait-elle alors.
Il n’y a qu’un seul lieutenant-gouverneur, qui est le chef d’État de la province. Si les citoyens francophones sont incapables d’interagir avec lui ou elle de la même manière que les anglophones, comment y a-t-il respect de la Charte et de l’égalité linguistique qu’elle protège ? demande la Cour.
Le résultat fut toutefois différent en Cour d’appel, qui a déclaré l’an dernier que Justin Trudeau n’a pas fauté en nommant une unilingue.
S’il serait « souhaitable », voire « idéal » que la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick parle « couramment les deux langues officielles de sa province », sa nomination « n’enfreint pas le par. 16 (2) » de la Charte canadienne des droits et libertés, écrivait le juge en chef Marc Richard.
« Même si l’on suppose que l’institution de lieutenant-gouverneur ne puisse être totalement dissociée de la personne qui l’incarne, […] le défaut d’un lieutenant-gouverneur de maîtriser les deux langues officielles ne porte pas atteinte à l’égalité du statut, des droits et des privilèges quant à leur utilisation au sein de l’institution. […] Autrement dit, il s’agit de mesures à mettre en place au sein des institutions et non pas d’exiger le bilinguisme de quiconque », avait-il poursuivi.
Insatisfaite de ce revers, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick avait décidé de porter l’affaire jusqu’en Cour suprême. Avec la décision de cette dernière d’entendre le litige, la SANB aura la chance de lui présenter ses arguments.
« Nous sommes heureux que la Cour suprême ait décidé d’entendre cet appel sur une question aussi cruciale pour notre province. Nous espérons que la décision finale protégera pleinement les droits linguistiques de la communauté acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick », a déclaré Nicole Arseneau-Sluyter, présidente de la SANB. La Société indique qu’elle poursuivra ses efforts pour faire avancer ce dossier sur le plan politique et juridique.
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