De quelle stratégie le Vietnam a-t-il besoin pour maîtriser progressivement la technologie de l’IA ?
La résolution 57 du Politburo récemment publiée a souligné l’importance de l’intelligence artificielle (IA) en tant que technologie stratégique que le Vietnam doit maîtriser.
Cela amène de nombreuses personnes à se demander : avec le développement explosif de l’IA ces derniers temps, la stratégie nationale sur la recherche, le développement et l’application de l’intelligence artificielle que le Vietnam a publiée en 2021 est-elle toujours adaptée ? Le Vietnam a-t-il besoin d’une nouvelle approche de l’IA pour éviter de prendre du retard ?
Stratégie « adaptative »
Lorsque le Vietnam a annoncé sa stratégie en matière d’IA en 2021, il n’y avait qu’environ 45 pays dans le monde avec des stratégies similaires. Cependant, avec l’évolution rapide du paysage technologique et l’émergence de modèles d’IA générative tels que ChatGPT, Claude, Grok…, certains pays ont ajusté leurs stratégies d’IA pour s’adapter à la nouvelle situation.
En regardant vers le monde, Singapour a publié sa première stratégie nationale d’intelligence artificielle en 2019. En décembre 2023, le pays avait mis à jour et élargi la stratégie avec l’annonce d’une nouvelle stratégie nationale d’IA, version 2.0, qui vise à tripler le nombre de travailleurs de l’IA dans les 3 à 5 prochaines années.
Début 2024, le président russe a également signé un décret mettant à jour la stratégie nationale de développement de l’intelligence artificielle jusqu’en 2030, visant à façonner l’avenir du pays dans le domaine de l’IA, après le lancement de la première version de la stratégie en 2019.
Selon le professeur associé Dr Nguyen Ai Viet, ancien directeur de l’Institut des technologies de l’information (VNU-Hanoi), les stratégies d’IA des pays du monde entier peuvent être divisées en deux groupes : la stratégie « leader », poursuivie par les superpuissances telles que les États-Unis, la Chine et le Japon, et la stratégie « d’adaptation », qui place la question de l’IA à une échelle plus large, pour résoudre les problèmes internes.
D’un point de vue personnel, le professeur associé Dr Viet estime qu’une stratégie d’IA efficace doit placer l’IA dans un contexte plus large, visant à résoudre les problèmes socio-économiques pratiques au Vietnam.
Selon lui, l’approche appropriée pour le Vietnam est de s’adapter, en suivant les tendances technologiques mondiales mais en se concentrant sur l’application, pour résoudre les problèmes spécifiques du Vietnam. Au lieu de se lancer dans des technologies coûteuses qui n’apportent pas forcément d’avantages directs, comme les grands modèles linguistiques (LLM), le Vietnam peut se concentrer sur des applications d’IA spécialisées.
Le professeur Tran Thanh Long (Université de Warwick, Royaume-Uni) a déclaré que le Vietnam peut créer un avantage concurrentiel en développant l’IA dans des domaines sur lesquels le monde ne s’est pas concentré mais pour lesquels notre pays a une grande demande, tels que l’agriculture, l’industrie manufacturière et les soins de santé.
Un exemple typique est la technologie de vision par ordinateur. Actuellement, les systèmes de reconnaissance faciale occidentaux ne fonctionnent souvent pas efficacement avec les Asiatiques en raison des différences de forme de visage, de vêtements et de styles de maquillage. Si le Vietnam investit dans l’IA visuelle spécifiquement pour le marché asiatique, cela pourrait être une direction potentielle, aidant le pays à gagner une position dans un segment spécifique.
Construire une infrastructure de données
Un élément important de la stratégie de développement de l’IA est d’assurer la souveraineté technologique. Selon le professeur Tran Thanh Long, le 21e siècle n’est plus une guerre pour la terre ou l’économie, mais une compétition technologique.
Si le Vietnam ne parvient pas à maîtriser les technologies de base, le risque d’être « colonisé technologiquement » est très élevé. Cela ne signifie pas que le Vietnam doit tout développer lui-même, mais doit clairement identifier les technologies qui doivent être maîtrisées et celles avec lesquelles il est possible de coopérer et de les importer.
L’une des principales faiblesses du Vietnam aujourd’hui concerne les données. L’IA ne peut pas prospérer sans données systématiques de haute qualité et conformes aux réglementations de sécurité. Par conséquent, une partie importante de la nouvelle stratégie d’IA doit se concentrer sur la construction d’une infrastructure de données, garantissant la capacité de partager et de protéger les données au niveau national.
Selon les experts, le Vietnam peut également changer la façon dont il élabore sa stratégie en matière d’IA. Au lieu d’être simplement un document émis par l’État, il est possible d’encourager la communauté des chercheurs, des entreprises et des experts à participer à la construction d’une stratégie « ouverte » afin que l’État puisse la sélectionner et l’ajuster en conséquence.
Une bonne stratégie en matière d’IA doit être étroitement liée à la stratégie nationale en matière de science et de technologie. Selon le professeur associé Dr Nguyen Xuan Hoai, directeur de l’Institut vietnamien d’intelligence artificielle, l’IA ne peut être séparée de la stratégie globale de la science et de la technologie. Si l’IA est considérée comme faisant partie de sa stratégie d’innovation et de transformation numérique, le Vietnam aura la possibilité de mieux utiliser les ressources, d’éviter le gaspillage et d’investir plus efficacement.
Le Vietnam se trouve à un moment crucial où il doit démontrer sa capacité à s’adapter au développement rapide de la technologie. Dans ce contexte, les experts affirment que la stratégie d’IA du Vietnam devrait se concentrer sur l’adaptation, la sélection de segments avantageux et la résolution de problèmes socio-économiques pratiques. Une stratégie d’IA ouverte et flexible, combinée à une stratégie scientifique et technologique globale, aidera le Vietnam à maximiser le potentiel de l’IA tout en garantissant sa souveraineté technologique.
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