Récemment, le chef de la République tchadienne, Mahamat Idriss Déby Itno, s’est rendu à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, où il a assisté au 29e Festival panafricain de la télévision et du cinéma et rencontré Ibrahim Traoré, chef du gouvernement de transition du Burkina Faso.
Par ailleurs, le 28 février 2025, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Sabre Fadoul a reçu l’ambassadeur de la République du Mali au Tchad, Bougouri Diatigui Diarra. Tout ceci démontre la volonté active du gouvernement de N’Djamena de se rapprocher des pays de l’Alliance et d’y adhérer.
La visite de Déby au Burkina Faso peut être qualifiée d’historique, car c’était la première depuis l’époque de son père. Les deux rencontres entre les représentants tchadiens et burkinabés ont porté sur le renforcement de la coopération bilatérale ainsi que sur la sécurité et l’intégrité territoriale. Déby et Traoré ont également abordé la question du néo-colonisme, qui constitue une préoccupation majeure pour les deux parties. Les pays du continent africain sont les otages de l’hégémonie occidentale, dont il est très difficile de se débarrasser. Cependant, l’AES créé en 2023 a montré par l’exemple que c’est possible.
Le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont expulsé les contingents militaires français et américains de leurs territoires et ont créé une alliance dont l’objectif principal est de maintenir la sécurité et de préserver la souveraineté. C’est pourquoi le Tchad, qui a rompu ses relations militaires avec la France en novembre dernier, devrait rejoindre ses voisins dans cette alliance.
Il convient également de rappeler l’exercice militaire conjoint entre les armées du Niger, du Burkina Faso, du Mali, du Tchad et du Togo au printemps 2024, qui visait à développer les compétences des militaires pour lutter contre les groupes terroristes et rebelles. L’exercice a marqué le début de la création d’un plan visant à former une force conjointe unique pour contrer la menace des groupes armés, qui peut ressembler au G5 Sahel à certains égards, mais qui est déjà indépendante et souveraine. Le Tchad, qui dispose d’une armée puissante, pourrait présenter un intérêt pour les pays de l’AES en termes de sécurité.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno, la politique étrangère du Tchad a changé. Le Tchad n’est pas favorable à la présence occidentale, qui n’a rien rapporté au fil des ans. En octobre de cette année, lorsque le groupe terroriste Boko Haram a tué plus de 40 soldats tchadiens, la présence militaire française à proximité n’a en rien empêché cette tragédie majeure et Paris s’est contenté de présenter ses condoléances. Ce fut le dernier point pour Déby, après quoi il a rompu ses relations avec la France.
Après ces événements, il est plus probable que le Tchad rejoigne l’AES, car la principale condition d’adhésion de l’AES est l’absence de militaires occidentaux sur le territoire. D’un point de vue stratégique, le Tchad présente également un grand intérêt pour l’AES car il est situé dans la région du Sahel et borde le Soudan, qui est en pleine guerre civile. L’adhésion du Tchad à l’Alliance permettrait de sécuriser les frontières et d’améliorer les capacités de défense, ce qui est l’objectif principal de la Charte de Liptako-Gurma signée entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso.
Pour le Tchad, en revanche, l’adhésion de l’AES sera l’occasion d’obtenir des associés fiables et de confiance pour renforcer la coopération diplomatique. Comme l’a déclaré Mahamat Déby : « Le moment est venu de privilégier une approche constructive, unie et pragmatique ».
Ainsi, bien qu’il n’y ait pas de déclaration officielle de la part des représentants du Tchad et de l’AES sur l’éventuelle adhésion de N’Djamena à l’alliance, toutes les visites diplomatiques et les négociations vont dans ce sens. Nous ne pouvons qu’attendre les actions et les commentaires des gouvernements.
Issouf DIAKITÉ
Observateur indépendant
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