Les étudiants de l’université se montrent peu intéressés à changer le nom de leur établissement. Ce débat laisse en fait entrevoir un véritable fossé générationnel.
89%: c’est le pourcentage d’étudiants de l’Université de Moncton qui se sont opposés à un changement de nom de la seule université francophone du Nouveau-Brunswick lors d’un sondage organisé par la Fédération étudiante du campus universitaire de Moncton (FÉCUM), en marge de l’élection de sa nouvelle présidente.
Ce résultat sans appel est à mettre en perspective avec le faible taux de participation, soit à peine 33%. Bref, autant dire que les étudiantes et étudiants ne sont pas passionnés par le débat qui consiste à décider si le nom de l’Université devrait mettre davantage en valeur l’Acadie, et un peu moins un nom dérivé du général Robert Monckton, organisateur de la déportation des Acadiens.
En ce premier jour de la semaine d’étude, Ange Ne est l’une des rares personnes que nous croisons au Centre étudiant. Cet étudiant en informatique originaire de la Côte-d’Ivoire dit avoir entendu parler de la question «une fois, par un ami», mais n’a pas participé au vote, car le sujet est secondaire à ses yeux.
«C’est vrai que le nom peut donner un certain prestige à l’international, mais le plus important pour avoir du prestige c’est la qualité de la formation», témoigne-t-il. À ses yeux, c’est ce dernier point qui devrait être la priorité de l’université, puisque les occasions d’emploi de ses camarades et de lui-même en dépendront.
Au bar Le Coude, situé dans le même bâtiment, le serveur Alex Marcoux confirme qu’il ne s’agit pas du sujet de discussion numéro un à son comptoir. «Quand j’en entends parler, c’est brièvement. Les gens disent qu’il y a d’autres problèmes à attaquer avant ça, et passent tout de suite à autre chose.»
Entre le coût de la vie et les loyers qui augmentent, de même que les frais de scolarité (qui ont encore augmenté de 3% cette année), les inquiétudes ne manquent effectivement pas. Étudiant en première année de génie électrique venu de Mauritanie, Moulay El-Mehdi cite «les stages non rémunérés» comme un exemple de défi dont il «vaut mieux parler que du nom d’une université qui est là depuis les années 1960». Raison pour laquelle il a voté non.
Déception des militants
Il n’empêche, les résultats du sondage ont été mal accueillis par une partie des militants qui s’activent sur les réseaux sociaux pour obtenir le changement de nom, issus de générations plus âgées ayant fréquenté l’université. Pour eux, il est urgent de se débarrasser d’un nom qui représente une «discrimination» voire une «insulte» au peuple acadien.
Sur le groupe Facebook «L’incubateur de l’esprit critique acadien», l’amertume pousse même certains internautes à reprendre la célèbre citation de l’ex-Premier ministre québécois Jacques Parizeau, «l’argent et les votes ethniques», pour pointer une supposée responsabilité des étudiants étrangers dans le résultat du sondage.
Il n’est cependant pas clair que les étudiants acadiens soient bien plus préoccupés par le sujet. Un jeune homme natif du Nouveau-Brunswick croisé dans la salle d’e-sport a refusé de commenter le sujet, disant qu’il n’était même pas au courant de l’existence de ce débat.
«Ça fait vraiment longtemps que ce débat dure, je ne vois pas vraiment ce que ça va changer», dit pour sa part une jeune infirmière récemment diplômée, Noémie Doiron, qui se dit beaucoup trop accaparée par son travail pour suivre cette saga. «Je crois que ça va juste coûter beaucoup d’argent à l’Université de Moncton pour changer de nom, et ce serait les étudiants qui paieraient pour cela.»
Les 114 étudiants qui se sont exprimés en faveur du changement de nom pourront tout de même poursuivre leur démarche en allant votre sur le site d’Opération Nouveau Nom, qui invite les internautes à faire connaître le nom qu’ils préfèrent d’ici le 22 mars.
Trois choix sont offerts, «Université d’Acadie», «Université francophone Atlantique» ou «Université Nouvelle-Acadie». Mais on est encore très loin d’en voir un s’afficher à l’entrée du campus.
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