Après les combats, les déplacés en République démocratique du Congo retournent dans des ruines

Un pan de mur branlant et une toiture de tôle affaissée. C’est tout ce qu’il reste de la maison de la famille Banyene à Sake, localité sur l’ancienne ligne de front qui séparait l’armée congolaise et le groupe armé M23, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

À partir de février 2024, les belligérants ont transformé la cité, sise au bord du lac Kivu et sur un carrefour routier stratégique, en champ de bataille.

La famille Banyene, comme la majorité des habitants, avait trouvé refuge dans un camp de déplacés en périphérie de la ville de Goma, située à une vingtaine de kilomètres.

La capitale de la province du Nord-Kivu est tombée aux mains du M23 fin janvier 2025, après une offensive éclair dans une région marquée par 30 ans de conflits. Et début février, le groupe armé antigouvernemental, soutenu par le Rwanda, a sommé ces déplacés de rentrer chez eux.

Les camps où s’entassaient des centaines de milliers de personnes dans des conditions effroyables se sont alors vidés en quelques jours. Et la ville fantôme de Sake a soudain retrouvé ses âmes.

Une bonne partie des commerces ont rouvert depuis la mi-février, et les habitants se pressent au marché, entre les bâches remplies de produits agricoles cultivés sur les pentes fertiles des collines de la province.

Mais leurs frêles maisons de planches, éparpillées sur les roches grisâtres de la plaine volcanique, sont nombreuses à porter les stigmates des combats.

Le sol de la parcelle de la famille Banyene est encore jonché de douilles d’armes automatiques.

Un pan de mur effondré a été provisoirement remplacé par une fragile bâche.

Deux tentes ont été montées à la hâte sur la parcelle pour héberger la famille d’une vingtaine de membres, dont des nourrissons et des personnes âgées.

« C’est mieux d’être chez soi à la maison que dans les camps », estime Tumani Feresi, l’un des frères aînés. Mais « nous avons dû quitter le camp sans rien et nous mangeons difficilement », lâche-t-il.

« Des bombes »

Les Banyene sont des cultivateurs, comme la grande majorité de la population, et ne peuvent pas accéder à leurs champs.

« Il y a des bombes qui n’ont pas explosé », précise avec inquiétude Patient, l’un des fils de la famille, en désignant la brousse aux alentours, encore hantée par des miliciens pro-Kinshasa mis en déroute par le M23.

« Si une femme va au champ pour aller chercher le bois de chauffage, là-bas, on la viole », assure Kivuruga, un autre frère Banyene.

Selon lui, une relative sécurité a été rétablie par le M23 en ville, mais des miliciens descendent parfois des collines la nuit pour commettre vols et braquages dans son quartier.

Dans la province voisine du Sud-Kivu, la plupart des villageois rencontrés au hasard par l’AFP le long de la route qui mène à Bukavu, la capitale provinciale, disent également avoir trouvé leurs maisons pillées en retournant chez eux.

Aux environs de Shasha, un village lové au creux des montagnes sur les rives du lac Kivu, Sarah Kahindo a retrouvé son champ d’ignames, où elle s’active avec une dizaine de femmes et de jeunes filles du village sous un ciel vide de nuages. Elle s’estime heureuse d’avoir évité le pire.

« Je me suis réjouie quand je suis retournée à la maison en janvier. Mon champ était en bon état, mais notre maison a été entièrement pillée », raconte-t-elle.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, 44 % des personnes retournées dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu « ont retrouvé leurs champs occupés et exploités par des personnes venues d’ailleurs » et « au moins 10 % ont trouvé leurs maisons occupées par d’autres personnes ».

« Depuis l’arrivée du M23, il n’y a pas de problème de sécurité, nous dormons bien et nous travaillons dans nos champs sans problème », assure Sarah Kahindo. Mais la reprise économique se fait attendre.

Les banques sont toujours fermées par Kinshasa dans les zones sous contrôle du M23. « Tu peux aller vendre, mais c’est difficile de trouver un preneur, car il n’y a pas l’argent », explique-t-elle.

Au port de Minova, important nœud commercial pour Goma et sa région, l’activité tourne au ralenti, selon les commerçants. Le marché est désert après 17 h, au lieu de 20 h habituellement.

Fruits, légumes et poissons frais attendent sur les étals, « mais il n’y a plus d’argent pour le commerce », déplore Sylvie, une commerçante qui a, elle aussi, retrouvé sa maison détruite.

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