RD-Congo : face à la guerre dans l’Est, les Églises catholique et protestante tentent une médiation

Archevêque de Kinshasa, la capitale congolaise, le cardinal Fridolin Ambongo avait promis, le 9 février, de « parler avec tout le monde. Même s’ils habitent la Lune. » Cette promesse de médiation a été portée par la Conférence épiscopale nationale du Congo (la Cenco, catholique) ainsi que par l’Église du Christ au Congo (ECC, protestante), les deux grandes Églises du pays, en vue de promouvoir le dialogue et de faire taire les armes entre les différentes parties à l’œuvre dans l’est du pays. Mais elle n’a pour l’heure rencontré aucun succès, alors que le M23, ce groupe armé entré en rébellion contre le gouvernement congolais, poursuit sa route dans les hauts plateaux du Sud-Kivu.

Une ligne rouge pour Kinshasa

Le marathon ecclésiastique a pourtant débuté dès le 3 février, à Kinshasa. Une délégation, conduite par le cardinal Ambongo et composée des principaux représentants de la Cenco et de l’ECC, a rencontré le président congolais Félix Tshisekedi pour lui présenter un « pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ». Une médiation diplomatique qui semblait au départ bien acceptée par le président. « Il a écouté attentivement, posé des questions de clarification. Il voulait notamment savoir comment aligner cette initiative sur les processus de Luanda et de Nairobi (deux processus de paix en cours en RD-Congo, NDLR). Nous lui avons dit vouloir travailler à deux niveaux, national et sous-régional », a affirmé Mgr Donatien Nshole à la presse.

Mais entre-temps, les dirigeants de la Cenco et de l’ECC – après s’être aussi entretenus avec Martin Fayulu, ancien candidat à la présidentielle qui prêche pour un dialogue politique sous la direction des religieux – se sont rendus à Goma, le 12 février. Ils y ont rencontré Corneille Nangaa, chef de l’Alliance fleuve Congo (AFC), le mouvement politico-militaire dont le M23 est la principale composante. Une ligne rouge pour Kinshasa, qui considère ce dernier comme un groupe terroriste.

« Le président était d’accord pour cette initiative. Mais juste après, au moment où celle-ci prend de l’ampleur, on entend dire qu’il ne les a pas mandatés et que le pouvoir ne veut pas discuter avec le M23, explique le père Jean-Marie Bomengola, enseignant et docteur en information et communication à l’Université catholique du Congo. Pour Kinshasa, discuter avec les rebelles revient à légitimer leur action. Ce qui ne passe pas : pour le gouvernement congolais, le commanditaire de cette guerre, c’est le Rwanda, qui profiterait de ses pions pour exploiter le sous-sol congolais. Négocier avec le M23 serait, selon Kinshasa, accepter le diktat de Kigali. Mais comment concevoir une médiation qui ne prend pas en compte tous les acteurs impliqués ? Il n’y a pas d’autre issue que le dialogue. »

Pour le père Bomengola, il existerait tout de même des voix dissidentes au sein du parti au pouvoir (l’UDPS), qui soutiendraient cette initiative, et dans l’opposition, qui entend en récolter les retombées.

Malgré tout, la Conférence des évêques congolais et l’ECC n’ont pas baissé les bras. Elles se sont rendues à Kigali, au Rwanda, au lendemain de leur visite à Goma, pour rencontrer le président Paul Kagame, qui encourage un dialogue « entre Congolais » et au niveau « de la sous-région », selon Mgr Nshole. Un voyage qui s’est poursuivi au Kenya, pour discuter avec le président William Ruto, également président en exercice de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), qui aurait « promis son implication » à l’échelle de la sous-région.

La communauté internationale soutient l’initiative

Le dialogue s’est également prolongé entre les conférences des évêques catholiques de la RDC, du Burundi et du Rwanda, réunies dans l’Association des conférences épiscopales de l’Afrique centrale (ACEAC). Dans un message publié le 26 février, elles ont appelé les groupes armés à « arrêter de défendre leurs revendications par la voie des armes qui tuent leurs propres frères et sœurs ».

« La Cenco et l’ECC sont aussi soutenues par les chancelleries occidentales et la communauté internationale dans son ensemble – UE, UA, ONU, souligne le père Bomengola. L’Église tient un langage fondé sur la vérité et la transparence, là où le langage politique repose sur des intérêts et des calculs. Même si l’action est portée et soutenue au-delà des frontières de la RDC, elle doit faire face à l’opposition d’un gouvernement qui ne veut pas que ses faiblesses soient étalées au grand jour. »

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