Non, le général Oligui n’a pas démissionné de l’armée gabonaise avant de candidater à la présidentielle

Le général Brice Oligui, homme fort du Gabon depuis le putsch de 2023 contre la dynastie Bongo, a officiellement annoncé lundi 3 mars être candidat à l’élection présidentielle du 12 avril 2025. La candidature du président de transition faisait depuis plusieurs mois l’objet de spéculations. Deux jours avant son officialisation, de nombreux internautes affirmaient que le général avait démissionné de l’armée afin de pouvoir se présenter. Selon eux, le nouveau code électoral gabonais empêcherait les militaires de concourir à l’élection présidentielle, c’est pourquoi le général Oligui aurait annoncé son retrait lors d’un discours le 1er mars. Mais c’est faux : le général Oligui n’a pas encore évoqué sa démission de l’armée, même s’il sera obligé de le faire en cas d’élection.

Le général Brice Oligui Nguema, à la tête du régime militaire de transition au Gabon depuis le coup d’État d’août 2023 contre la dynastie Bongo, a officialisé lundi sa candidature à l’élection présidentielle du 12 avril.

Le week-end précédant cette annonce, une rumeur virale a enflammé les réseaux sociaux, affirmant qu’il avait démissionné des forces armées gabonaises afin de se présenter en civil au scrutin, conformément selon les internautes aux exigences du nouveau code électoral.

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Capture d’écran d’une page Facebook, réalisée le 05 mars 2025 / Croix rouge rajoutée par l’AFP

« Présidentielle 2025 : Oligui quitte l’armée pour préparer sa candidature« , affirmait ainsi le 1er mars la page Facebook Média Net 241 dans un montage vidéo d’environ trois minutes, vu plus de 24.000 fois en quatre jours (lien archivé ici).

« Cette démission répond aux critères de la Constitution gabonaise de 2024 pour accéder à la magistrature suprême », indique le média dans la légende de la vidéo.

Cette affirmation a été relayée par de nombreux internautes sur FacebookTwitter et TikTok, dans des publications cumulant des milliers de likes et des centaines de partages.

La grande majorité d’entre elles affirment que le général aurait fait cette annonce le samedi 1er mars, lors d’un grand rassemblement des forces de défense et de sécurité au stade de l’amitié de Libreville, l’un des plus importants complexes sportifs du pays.

Cependant, cette information est erronée et le chef du régime de transition n’a pas démissionné de l’armée .

Démenti officiel

La fausse information prenait tellement d’ampleur sur les réseaux sociaux que la présidence gabonaise a réagi dès le dimanche 2 mars par un démenti vidéo.

« Une rumeur de plus en plus insistante […] fait état de la démission de l’armée, du président de la République, le général de brigade, Brice Clotaire Oligui Nguema. La présidence de la République dément formellement », a déclaré le porte-parole de la présidence, Max Olivier Obame Ndong, dans une communication publiée sur les pages Facebook et X de la présidence gabonaise (lien X archivé ici).

Visionner le discours du président de transition lors du rassemblement au stade de l’amitié de Libreville (lien archivé ici), au cours duquel il aurait selon les internautes annoncé son retrait de l’armée, permet de confirmer que le général Oligui n’a rien dit de tel.

Vêtu de treillis et coiffé d’un béret, le militaire de 50 ans a au contraire évoqué son « sentiment d’appartenance » à ce corps de métier qui représente selon lui plus de 11 % de l’électorat gabonais.

Durant son allocution de près de 17 minutes, il a exhorté ses « frères d’armes » à la discipline et à l’obéissance, notamment en période électorale.

« Il faudra continuer de rester vigilant, ne pas répondre aux provocations, et surtout rester unis et soudés », a-t-il lancé dans un discours ponctué d’acclamations nourries, où il n’évoque donc pas mettre fin à sa carrière de militaire.

Cette information a aussi été confirmée par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). « Non, le Président de la Transition, Président de la République, Chef de l’État le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, n’a jamais déclaré dans son discours de samedi qu’il devenait civil ou qu’il démissionnait de l’armée« , affirmait le 2 mars sur sa page Facebook cette institution composée d’autorités militaires et chargée du processus de transition (lien archivé ici).

L’actuel homme fort du Gabon sera normalement obligé à terme de démissionner s’il est élu président. Mais les avis divergent sur ses obligations en amont du scrutin, en tant que candidat.

Mise à disposition ou démission pendant la campagne ?

Le CTRI affirme dans sa publication sur Facebook qu’une simple « mise à disposition » est nécessaire pour qu’un militaire puisse se présenter en tant que candidat à l’élection présidentielle. Cette modalité administrative permettrait au général Oligui de suspendre temporairement son statut et son uniforme de militaire pour se porter candidat à la présidentielle. Puis il pourrait reprendre, « à la fin de la période électorale, sa tenue militaire en attendant les résultats« .

Après ces résultats, « s‘il n’est pas élu, il retournera dans les casernes, comme tout militaire en fonction« , explique le CTRI. En revanche, « s’il est élu, il devra ainsi faire une mise à disposition définitive, car une mise à disposition – temporaire – ne peut pas couvrir un mandat présidentiel de sept ans », est-il expliqué.

Dans ses articles 190 et 223, le nouveau code électoral gabonais, promulgué mi-janvier, stipule que les candidatures des officiers généraux, officiers, sous-officiers et militaires de rang des forces de défense et de sécurité aux mandats de députés et de sénateurs ne sont recevables qu’en cas de démission ou de mise en disponibilité préalable. Toutefois, cette exigence n’apparaît pas parmi les critères d’inéligibilité à l’élection présidentielle (lien archivé ici).

L’article 175 du code électoral précise en revanche que « la fonction de Président de la République est incompatible avec l’exercice d’un mandat parlementaire ou de toute autre fonction publique ou privée, élective ou non élective, ainsi qu’avec toute autre activité à caractère lucratif« . S’il occupe une fonction publique, le président élu devrait alors « être remplacé dans cette fonction (…) dans les quinze jours » à partir de son élection définitive.

Des spécialistes du droit interrogés par l’AFP ne sont cependant pas convaincus par l’interprétation selon laquelle un militaire n’aurait à démissionner qu’une fois son élection validée. Ainsi, le professeur de droit constitutionnel Babacar Gueye estime lui que le général Oligui « devrait démissionner avant l’élection ». « C’est un prérequis », affirme ce professeur de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.

Il rappelle que les forces armées sont placées sous l’autorité du pouvoir civil et que leur vocation n’est ni d’exercer le pouvoir ni de se porter candidat. Il estime que c’est précisément pour cette raison que le dirigeant gabonais devra probablement démissionner de l’armée. « Sinon, ce serait une situation inédite », estime celui qui est aussi président du Collectif sénégalais des organisations de la société civile pour les élections.

Candidature controversée

Après le coup d’État du 30 août 2023 qui a mis fin à la dynastie Bongo, le régime militaire de transition dirigé par Brice Clotaire Oligui s’était engagé à rendre le pouvoir aux civils à travers une élection présidentielle.

<span>Le général Brice Oligui Nguema, président de transition du Gabon, est accueilli par des responsables militaires lors de la parade du 30 août 2024</span><div><span>WILFRIED MBINAH</span><span>AFP</span></div><span><button class=
Le général Brice Oligui Nguema, président de transition du Gabon, est accueilli par des responsables militaires lors de la parade du 30 août 2024

WILFRIED MBINAHAFP

Une partie de l’opinion publique y voyait donc un gage de sa non participation au scrutin présidentiel qui se tiendra le 12 avril 2025, soit quatre mois plus tôt que la date initialement prévue dans le calendrier de la transition fixé par le CTRI (lien archivé ici).

Selon la Charte de l’Union Africaine (UA) sur la démocratie, les élections et la gouvernance, toute autorité issue d’un coup d’État n’est pas autorisée à « participer aux élections organisées pour la restitution de l’ordre démocratique », ni à « occuper des postes de responsabilité dans les institutions politiques de leur État » (Article 25). Mais dans les faits, cette interdiction est peu contraignante, puisque la principale sanction encourue est la suspension de l’adhésion du pays à l’UA, ce qui est déjà le cas pour le Gabon depuis le coup d’Etat de 2023.

Le 8 janvier à Libreville, plusieurs figures de l’opposition issues de divers courants politiques – parfois d’anciens adversaires – ont tenu une conférence de presse commune, réclamant que les militaires ne participent pas aux élections marquant la fin de la transition.

Certains de ces ténors politiques – parmi lesquels figurent l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nzé et l’ancien vice-président Pierre-Claver Maganga Moussavou – ont accusé les militaires de vouloir confisquer le calendrier électoral à leur avantage et annoncé samedi 1er mars saisir la Cour constitutionnelle gabonaise afin de faire reporter l’élection.

« Nous sommes face à un processus biaisé et précipité, orchestré par la CTRI pour avantager un candidat issu de ses rangs« , a accusé dans un communiqué publié sur Facebook Alain-Claude Bilie-By-Nzé, présenté par certains médias comme le challenger le plus crédible du général Oligui.

Malgré les voix qui s’y opposaient, la candidature de Brice Oligui faisait peu de doutes vu ses déclarations passées et son intense activité institutionnelle récente, aux allures de campagne électorale avant l’heure.

C’est donc sans surprise qu’il a annoncé lundi 3 mars sa candidature lors d’un bref discours prononcé devant une foule enthousiaste et sous une pluie battante à Libreville. Invoquant « l’Esprit saint » qui lui aurait « parlé« , l’homme fort du régime de transition a promis de faire du Gabon un pays « qui renait de ses cendres« .

Tous les candidats ont jusqu’au 8 mars pour déposer leur dossier auprès du ministère de l’Intérieur, avant que la campagne électorale ne commence officiellement le 29 mars. Ils devront passer un test linguistique, subir un contrôle médical d’aptitude physique et mentale, et surtout, répondre aux critères d’éligibilité fixées par la nouvelle Constitution adoptée par référendum en novembre.

Une vingtaine de prétendants ont déjà retiré leur dossier de candidature, selon les médias locaux.

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