ENTRETIEN. Droits TV, arbitrage, Zidane, Dupont… Les confidences de la nouvelle ministre des Sports Marie Barsacq en visite vendredi à Toulouse

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En déplacement vendredi 7 mars dans la Ville rose, au Stade Toulousain puis au Stadium où elle assistera à TFC – Monaco, la ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative a accordé à La Dépêche du Midi une longue interview dans laquelle Marie Barsacq ne dribble aucun sujet.

Madame la ministre, pourquoi avoir choisi Toulouse pour « honorer » les sportives ?
Nous serons ce vendredi à la veille de la Journée internationale des Droits des femmes. Et, pour moi, c’est important de venir saluer des initiatives qui concourent à développer l’accès des femmes à la pratique sportive et à promouvoir un sport pour tous et toutes ; en l’occurrence, celle de la Ligue de football professionnel, avec son programme qu’elle lancera le soir-même : « Supporters égalent Supportrices ». Au lendemain des Jeux, où on avait un public très mixte, j’ai envie que dans le foot professionnel, aussi, on puisse voir des femmes autant que des hommes dans les tribunes. Philippe Diallo (président de la FFF) m’a dit qu’il y a quinze jours lorsque Toulouse a accueilli France-Norvège féminin, l’ambiance fut remarquable. Dans le sport, on a encore besoin de faire progresser la place des femmes.

Vous ferez également un crochet par le Stade Toulousain…
Effectivement, je verrai les cadettes du Stade Toulousain, parce que ce sont de jeunes filles qui ont besoin d’être mises en lumière. Je trouve ça important ; ça me tenait à cœur de rencontrer des adolescentes qui font du sport, oui. Et puis comme j’aime bien le rugby, ça me fait plaisir aussi : se rendre à Toulouse sans aller au Stade Toulousain, c’est quand même dommage, non ?

« Je suis déjà venue en supportrice aux Sept-Deniers »

Vous connaissez Ernest-Wallon ?
Oui, je suis déjà venue voir le Stade Toulousain jouer. Pas en tant que ministre (Marie Barsacq a été nommée le 23 décembre), mais en tant que simple supportrice.

Quid du Stadium : vous y avez déjà mis les pieds ?
Non, ce sera une première. Je m’en réjouis, TFC – Monaco devrait être un beau match et je vais y participer en quelque sorte (la ministre donnera le coup d’envoi fictif, ndlr).

Moins drôle, lundi, vous participiez aux états généraux du foot français, une réunion dite de crise initiée par Philippe Diallo. Vous avez notamment déclaré que les clubs ne pouvaient plus être autant dépendants des droits TV et des rentrées liées aux transferts. Avec la structure économique existante, cela paraît compliqué…
C’est pour ça que ces travaux ont été lancés, pour véritablement repenser le modèle et se poser les bonnes questions en vue de construire sur le long terme. Aujourd’hui, il y a une crise conjoncturelle avec le diffuseur DAZN dont les relations ne sont pas au mieux avec la Ligue. Pour autant, le diffuseur est bien DAZN. Donc, il faut trouver des solutions pour valoriser ce partenariat, parce qu’il est important de pouvoir donner accès, aux Français et aux fans, à la Ligue 1. Dès le mois de janvier, avec Philippe Diallo ainsi que Vincent Labrune (président de la LFP), nous avions parlé de l’importance de mettre en place ces échanges. On se doit de rappeler à ses responsabilités chaque acteur, chaque président de Ligue 1 et de Ligue 2 afin qu’il y ait vraiment une approche collective sur le sujet. Que chacun ne réfléchisse pas seulement au titre de son club, mais aussi au titre de la collectivité que représente le monde pro.

« Au sujet de l’image du football professionnel… »

Et selon vous, le message a-t-il été entendu ?
J’ai senti une vraie prise de conscience des clubs. Et vraiment, je pense que la décision qui a été actée de mettre en place trois groupes – pour à la fois travailler sur le modèle économique, bien sûr, mais aussi la gouvernance et aussi la régulation du championnat – est la bonne. J’ai l’impression que tout le monde, aujourd’hui, a envie d’avancer. J’ai aussi adressé un autre message au sujet de l’image du football professionnel…

Oui…
J’ai incité chaque président à prendre ses responsabilités pour avoir des comportements responsables et exemplaires afin de contribuer à rétablir une image la plus positive possible. Pour eux, pour les supporters, pour les diffuseurs. Encore une fois, le foot est porteur de messages que l’on envoie à la société. Le football a une vocation éducative, et ce qui se passe chez les pros déteint dans les rangs amateurs. Par ailleurs, j’ai réuni l’instance nationale du supporterisme aujourd’hui avec qui j’ai notamment évoqué la lutte contre toutes les formes de violences dans les stades. Une minorité bruyante nuit à l’image de nos tribunes, l’ensemble des acteurs souhaite que les fauteurs de troubles soient sanctionnés individuellement pour éviter les sanctions collectives qui affectent l’ensemble des supporters.

Damien Comolli, le président du TFC, a été chargé du groupe de travail sur le contrôle financier. Pourquoi ?
Ce sont des discussions qui ont eu lieu avec Philippe Diallo et les présidents de clubs. Les heureux élus se sont portés volontaires. Je ne connais pas Damien Comolli personnellement, je ferai sa connaissance vendredi.

« Mieux gérer les clubs »

Que répondre à certains clubs qui se disent carrément menacés de disparition ?
Qu’il faut mettre en place des outils de régulation pour mieux gérer économiquement les clubs.

Un de vos chevaux de bataille, en parlant de DAZN, c’est le fameux piratage !
Je soutiens les initiatives qui ont été prises par messieurs Lafon et Savin, deux sénateurs qui ont une proposition de loi qui arrivera rapidement pour lutter contre le piratage parce que là, véritablement, il faut agir vite.

Comment ?
Il y a trois choses à faire. D’abord, qualifier le piratage de délit afin de pouvoir mieux sanctionner les diffuseurs pirates. Pas l’utilisateur, mais bien les diffuseurs. Ensuite, il faut agir de façon plus massive en outillant des acteurs techniques pour bloquer les diffusions pirates sous le contrôle de l’Arcom (autorité de régulation). Le dernier élément, c’est accélérer les procédures. Aller vite, sinon les choses s’installent et on n’arrive pas à freiner.

« C’est le moteur de mon action dans le sport ! »

Les arcanes du foot, vous connaissez parfaitement puisque vous avez été, entre autres, membre du Comité exécutif de la FFF trois ans sous Noël Le Graët entre 2018-2021. Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?
Au total, j’ai œuvré treize ans à la Fédération puisque j’y suis entrée en 2008. J’ai créé l’Institut de formation du football. Après, j’ai dirigé le secteur amateur pendant cinq ans. Et puis, au Comex, j’étais focus sur la question des enjeux, notamment RSE à l’époque. Je garde un excellent souvenir de mes années « bleues », c’est un terrain de jeu, si je peux me permettre l’expression, extraordinaire, parce que dans toutes les villes, les villages de France, vous avez un terrain de foot. J’étais en charge du foot amateur : c’était quand même 15 000 clubs à accompagner, dans les volets de professionnalisation, de développement des pratiques, d’accueil de licenciés, de fidélisation des bénévoles. Ce sont vraiment des enjeux sociétaux. Et moi, cela reste le moteur de mon action dans le sport ! Le sport est utile à notre société. Ce fut passionnant.

Vous quittez le navire fédéral quand Philippe Diallo arrive. Vous n’avez donc pas travaillé ensemble ?
Non, mais je l’ai bien connu, parce que dans une autre vie avant la Fédération française de football, j’ai rédigé la Convention collective nationale du sport. Et Philippe Diallo, à l’époque, était le président de l’UCPF, l’Union des clubs pros du foot. Et il a été signataire de cette convention collective au titre du chapitre 12 sur le sport professionnel…

Zinédine Zidane, c’est Didier Deschamps qui l’a dit lui-même, serait le candidat naturel pour lui succéder après le Mondial 2026. Vous avez un avis sur la question ?
Je vais laisser le président de la Fédération et son Comité directeur choisir le futur sélectionneur. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que comme tous les Français, je crois, Zidane m’a fait rêver et nous fait encore rêver. C’est un entraîneur, au-delà du joueur, extraordinaire. Il a effectivement toutes les qualités pour être le sélectionneur de l’équipe de France. Et c’est vrai qu’après Didier Deschamps, Zinédine Zidane, c’est un casting de rêve. Puis permettez-moi de souligner qu’on a également gagné une médaille d’argent aux Jeux avec les Espoirs grâce à Thierry Henry. Oui, Philippe Diallo a l’embarras du choix pour le prochain sélectionneur.

L’arbitrage. La sanction concernant l’entraîneur de Lyon Paulo Fonseca est tombée : neuf mois de suspension. Est-elle proportionnelle à son coup de sang ?
Le geste est d’une extrême gravité [tête contre tête]. La Commission de discipline envoie un message, aujourd’hui, de tolérance zéro sur toutes les atteintes aux arbitres. Je salue évidemment la nécessité de protéger le corps arbitral. C’est vraiment indispensable. Et comme je vous le disais tout à l’heure, ça doit aussi participer à reconquérir l’image du football. Il faut absolument aujourd’hui que ces sanctions jouent un effet dissuasif.

Donc, la sanction de Fonseca est logique ?
Oui.

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L’autre fléau, on l’a évoqué auparavant, ce sont les incivilités de tout type en tribunes. Quel peut être le combat ?
Le football, c’est quand même un million de matchs par an ou 30 000 par week-end ; ça reste ainsi des actions qui sont minoritaires, mais ce sont des actions menées par une minorité très bruyante et qui donnent une très mauvaise image. Il faut vraiment travailler sur le dossier. Lors de mes rencontres avec les présidents de clubs, c’est un sujet que j’évoque avec eux pour bien mesurer les actions qu’ils mettent en place. Et je vois qu’ils font des choses, qu’ils travaillent, qu’ils dialoguent avec leurs associations de supporters beaucoup plus qu’il y a quelques années, quand je travaillais à la Fédération. Aujourd’hui, j’ai réuni l’Instance nationale du supporterisme. J’ai aussi sensibilisé les associations de supporters sur ce sujet-là. Sur le sujet des violences, j’ai vu aujourd’hui-même Bruno Retailleau et nous avons signé une circulaire qui vise à rappeler aux préfets les dispositifs qu’ils ont sous leur responsabilité pour pouvoir s’assurer de la bonne organisation des rencontres, notamment dans le football, sur ce qu’ils peuvent faire avant les matchs et pendant les rencontres. Nous avons aussi une convention qui va être paraphée d’ici 15 jours entre mon ministère, celui de la Justice, de l’Intérieur et la Ligue de football professionnel. Cette convention est aussi importante, parce qu’elle permet de responsabiliser chacun. La logique demeure la sanction individuelle : aller chercher les auteurs des délits, les sanctionner et que ça joue un effet dissuasif sur les autres. C’est une approche que nous partageons avec Bruno Retailleau et Gérald Darmanin.

Rayon budget, la casse a été limitée avec 108 millions d’euros de moins au lieu des 182 annoncés. Mais, en attendant, cela constitue tout de même une baisse de 13 %. Dans une année post-olympique, on a l’impression que le sport est un peu dévalué, non ?
Je ne crois pas, parce que le contexte budgétaire du pays était extrêmement compliqué. Ça ne nous a pas échappé qu’il y a eu un effort collectif qui a dû être fait par tous les ministères. Et donc, ça, c’est un état de fait. Pour autant, on a réussi à faire entendre le monde du sport. J’ai vraiment relayé la voix à la fois des athlètes, mais aussi des collectivités, des clubs, des fédérations, pour faire entendre que l’héritage des Jeux ne doit pas être un vain mot. Il doit se concrétiser avec des moyens pour pouvoir accueillir davantage de pratiquants.

On change de ballon : qu’est-ce que vous pensez de l’affaire Jegou/Auradou d’un point de vue moral ?
Personnellement, je n’ai pas à juger les sélections de l’entraîneur. C’est vraiment de la responsabilité du sélectionneur. La Fédération française de rugby, suite à ce qui s’est passé en Argentine (NDLR : viol présumé), a mis en place un nouveau schéma de relation avec les joueurs pour qu’ils s’engagent à être respectueux d’un certain nombre de règles, pour être exemplaires, pour porter le maillot bleu. Cette charte a été signée formellement par chacun des joueurs. Raphaël Ibanez, le manager général de l’équipe de France, en amont du tournoi, a pris la peine d’appeler chaque joueur individuellement pour bien s’assurer qu’il ait compris les tenants et les aboutissants de cette charte. Ces éléments m’ont rassurée et m’amènent à conclure que la Fédération a pris le sujet au sérieux. Les joueurs qui sont aujourd’hui en équipe de France ont tous signé cette charte. Et savent à quoi ils s’exposent s’ils ne la respectent pas.

Dupont superstar ?
Antoine Dupont, on l’adore ! C’était déjà une star dans le rugby et, maintenant, c’est devenu une star dans le sport en général. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec lui pendant les Jeux. Il a découvert ce monde avec un immense bonheur. Il avait du mal à quitter les JO… Et je crois, qu’aujourd’hui, c’est un ambassadeur extraordinaire. Vraiment, il a un rôle modèle incroyable auprès de notre jeunesse. Mais à Toulouse, vous n’êtes pas en reste avec Léon Marchand également…

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