Journée des droits des femmes : manifestations dans toute la France, le collectif d’extrême droite Némésis sème le trouble
Des manifestations sont prévues partout en France ce samedi. Elles s’inscrivent dans le cadre de la journée internationale du 8-Mars, qui est celle des droits des femmes.
« L’urgence » est de « lutter contre la régression » de ces droits, clament les associations. Sur la scène politique comme sur les réseaux sociaux, « on assiste à une propagation des discours masculinistes », qui infériorisent les femmes et les cantonnent aux rôles d’épouse et de mère, a déclaré Anne Leclerc, membre du Collectif national pour les droits des femmes. Cette tendance, plus visible encore depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis selon les associations, leur fait craindre discriminations au travail et restrictions en matière d’IVG, l’interruption volontaire de grossesse.
Une cinquantaine d’organisations, dont des associations et des syndicats (CGT, CFDT, CFE-CGC, FSU, Solidaires, Unsa), appellent à manifester dans plus d’une centaine de villes. À Paris, le cortège partira à 14 heures de la place de la République, dans le centre, pour rejoindre celle de la Nation, à l’est de la capitale. Vendredi soir, plusieurs milliers de personnes, dont de nombreux militants de la cause pro-palestinienne, se sont rassemblées pour une marche « féministe radicale de nuit », finalement autorisée in extremis par la justice après avoir été d’abord interdite par les autorités.
Dans le privé, un salaire moyen inférieur de 22,2 % à celui des hommes
Ce samedi, les manifestants protestent notamment contre les écarts de revenus par rapport aux hommes. Le salaire moyen des femmes dans le secteur privé est encore de 22,2 % inférieur à celui des hommes en 2023, a rapporté mardi l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Cette différence, qui s’est réduite d’un tiers depuis 1995, s’explique en partie par un volume de travail moindre.
Temps partiel imposé, carrière à trous, difficultés pour accéder aux postes à responsabilités… « Les carrières des femmes sont semées d’embûches », dénonce Myriam Lebkiri, de la CGT. À temps de travail identique, le salaire moyen des femmes reste inférieur à celui des hommes de 14,2 %, selon l’Insee.
Une situation jugée « inchangée », voire « dégradée »
Face à ces inégalités salariales persistantes, la Cour des comptes a estimé, dans un rapport publié en janvier, que le ministère du Travail doit « s’impliquer davantage » pour revaloriser les métiers majoritairement exercés par des femmes, comme le réclament les associations. Plus globalement, l’institution a étrillé la politique en faveur de l’égalité menée par le gouvernement, qui peine, selon elle, à produire des « effets probants ». La situation globale des femmes en France est d’ailleurs « inchangée », voire « dégradée », estiment 63 % des répondants d’un récent sondage Omnicom Media Group pour la Fondation des femmes.
Pour renforcer l’égalité entre les sexes, le gouvernement a lancé en 2023 un plan quinquennal qui met l’accent sur plusieurs thématiques, dont la lutte contre les violences. Dans ce cadre, il a notamment renforcé le soutien financier à la ligne d’écoute associative 3919, qui a connu en 2024 une « année record », avec plus de 100 000 appels pris en charge. Le gouvernement a également développé le nombre de maisons des femmes, qui accompagnent les victimes. Il poursuit le déploiement des téléphones « grave danger » et des bracelets anti-rapprochement.
Ces mesures sont toutefois loin d’être suffisantes aux yeux des associations. Affaires Pelicot, Le Scouarnec, Bétharram : ces exemples dans l’actualité montrent que les violences sexistes et sexuelles sont encore « présentes partout », souligne Salomé Hocquard, de l’Unef. « Elles ne relèvent pas uniquement de faits isolés, mais traduisent un système patriarcal oppressif et ancré dans une culture du viol ». Pour les éradiquer, les associations réclament un investissement de trois milliards d’euros dans différentes mesures ainsi qu’une « loi-cadre intégrale » allant de l’éducation à la justice ou la santé.
Un « collectif identitaire, raciste, xénophobe »
Un élément suscite par ailleurs la controverse ce samedi : la présence annoncée du collectif identitaire Némésis. Habitué aux actions coup de poing, il compte rejoindre la manifestation parisienne. Némésis, qui se revendique féministe, a pour mots d’ordre « la fin de l’immigration de masse », « l’application des OQTF » (obligation de quitter le territoire français) et « la mise en place de mesures efficaces contre l’insécurité ». Sarah Knafo, du mouvement zemmouriste Reconquête !, compte les rejoindre. « La cause des femmes françaises nous appartient autant qu’à elles », les organisatrices de la manifestation, assène l’eurodéputée.
« On est très en colère, elles n’ont rien à faire dans cette manifestation », dénonce Marie Moreau (un pseudonyme), de l’organisation féministe Nous Toutes. C’est un « collectif identitaire, raciste, xénophobe qui stigmatise les migrants comme étant les responsables des violences sexistes et sexuelles dans la société », critique Myriam Lebkiri, accusant Némésis de « bordéliser les manifestations ».
Une audience « inversement proportionnelle à la capacité d’action »
« Violeurs étrangers dehors », « Libérez-nous de l’immigration »… Avec ses slogans et pancartes, le collectif Némésis, du nom de la déesse grecque de la vengeance, lance des actions coups de poing depuis novembre 2019, notamment dans les cortèges féministes. Sur ses réseaux sociaux, avec environ 46 000 abonnés sur Instagram et 94 000 sur X, l’association répertorie des affaires de violences sexuelles, insistant souvent sur la nationalité étrangère des suspects. Elle bénéficie aussi d’une caisse de résonance avec des médias comme Radio Courtoisie, CNews ou Europe 1, où intervient sa directrice, Alice Cordier (nom d’emprunt).
Pour le politologue Jean-Yves Camus, ce « mouvement identitaire » suit une orientation politique opposée à la plupart des associations féministes, « de gauche et même très souvent de gauche radicale ». Ce spécialiste de l’extrême droite ne constate cependant « pas de percée » du groupe, qui revendique 300 militantes. « Le noyau dur est encore moins nombreux », complète Magali Della Sudda, directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), pointant une « visibilité sur les réseaux sociaux et dans les médias inversement proportionnelle à leur capacité d’action dans la rue ».
L’extrême droite met en avant la part des mis en cause étrangers dans les violences sexuelles. Mais la mouvance identitaire omet de rappeler que les violences sexuelles sont très majoritairement commises dans un cadre familial ou amical : en France, environ 60 % des victimes de ces actes ont déclaré connaître leur agresseur, d’après des chiffres officiels de 2022.
Crédit: Lien source