Binge-watcher des séries jusqu’à vomir: l’habitude qui meurt?

Le binge-watching et Netflix ont bousculé nos habitudes de visionnage.Image: Shutterstock

Netflix a normalisé la publication d’une saison au complet, ajoutant le binge-watching au vocabulaire du téléspectateur. D’autres plateformes misent plutôt sur une diffusion hebdomadaire. Actuellement, plusieurs séries d’envergure se dévoilent au rythme d’un épisode par semaine et relancent le débat.

Sven Papaux

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C’est un serpent de mer, un sempiternel sujet de discussion où deux camps s’écharpent sans agiter le drapeau blanc: plutôt binge-watching (tous les épisodes d’un coup) ou épisode par épisode, à un rythme hebdomadaire?

Il semble loin le temps de «La trilogie du samedi» sur M6, cette bonne vieille programmation télévisuelle réglée comme du papier à musique. On salivait à l’idée de découvrir son divertissement du week-end; le bon vieux temps, diront certains.

Mais, patatras, Netflix est arrivé avec ses gros sabots, avec l’intention de révolutionner le secteur et balayant d’un grand revers les habitudes. Le binge-watching a fait irruption et voilà que vous avez la possibilité d’avaler une saison complète d’une traite. La plateforme est à l’origine d’un nouveau chapitre de l’âge d’or des séries.

Une nouveauté qui a chamboulé le quotidien de nombreux sériephiles, voire affaibli la santé des plus accros. Une enquête de l’American Academy of Sleep Medicine réalisée en 2019 a révélé que 88% des adultes américains déclaraient manquer de sommeil en raison d’une consommation excessive de télévision et de séries en streaming.

Une saison complète, là, à disposition, il devient difficile de réfréner ses pulsions, tel un drogué en recherche d’une dose. Impossible de s’arrêter, le prochain épisode s’enclenche automatiquement, on sent des palpitations à l’idée de découvrir la suite après qu’un cliffhanger de dingue nous a décroché la mâchoire.

Notre impatience d’enfant gâté est comblée et les plateformes en profitent, pour nous gaver de ce gros bonbon du divertissement.

Sauf que le binge-watching aurait tendance à tuer l’imagination et détourner notre réflexion. Cet empressement de se goinfrer épisode après épisode empêche l’échange avec l’autre, sur la matière que nous avons eue sous les yeux durant un peu moins d’une heure. Il semble loin le temps de la discussion, à baver différentes théories sur le complot qui avale l’agent XY, molesté par une hiérarchie qui se trouve être pilotée par une force obscure.

Ce questionnement intellectuel qui se transforme parfois en monologue intérieur n’a plus lieu d’être. Le temps de réflexion est écrasé par ce micro laps de temps durant lequel on pourrait théoriquement appuyer sur stop.

Le binge-watching a bousculé les codes

Le dispositif imprègne même l’écriture de showrunners, bousculant les codes de la série pour en faire un film étalé sur plusieurs heures. La série de Nicolas Winding Refn, Too Old to Die Young, est un exemple de cette tendance à déjouer les conventions. Il disait en 2018, à Vanity Fair:

«Ma série est divisée en dix épisodes de durées inégales. Je les coupe quand je juge que c’est pertinent dramatiquement, esthétiquement, à la manière des chapitres d’un livre.»

A entendre le Danois, il n’est plus question de se fier aux codes, puisque le binge-watching a redistribué totalement les cartes.

D’autres ciblent encore les risques concernant une dépendance graduelle, lorsque les abonnés engloutissent plusieurs épisodes en continu. Par exemple, si vous visionnez cinq épisodes d’une traite, cela peut conduire à une plus grande dépendance au contenu à long terme, renseigne un article de Variety paru en 2016.

Et concernant les bons points de ce mode de visionnage? Un rythme de consommation soutenu peut renforcer l’engagement émotionnel avec les personnages, favorisant une connexion plus profonde avec l’histoire, expliquaient des experts.

Unité de mesure pour Netflix

Netflix l’a compris. A cette course de l’attention, les cerveaux de Los Gatos usent du système et en a d’ailleurs fait une unité de mesure. Il est avant tout question de rapidité à laquelle les abonnés regardent et terminent une saison.

Mais devant le binge-watching, désormais entré dans nos vocabulaires (tout comme le fameux Netflix & chill), il y a comme une nostalgie (ou une tactique économique) qui rôde dans les couloirs du leader du streaming. En 2022, Netflix réfléchissait à publier ses séries phares de manière épisodique pour garder ses abonnés le plus longtemps possible sur sa plateforme.

Car la mécanique bien huilée de Reed Hastings, Ted Sarandos et leurs équipes peut rencontrer quelques ratés. Pour divertir leurs centaines de millions d’abonnés, il faut de l’argent et du temps. Et tenir la cadence n’est pas de tout repos – la grève des scénaristes a par ailleurs fragilisé ce rythme de production.

Sur cet aspect, Michael Paull, président de la division Streaming de Disney, assure qu’il s’agit d’une stratégie de «qualité qui prime sur la quantité». Mais il faut rappeler, outre Netflix et son rythme de dingue, que Disney+ n’a pas les reins pour tenir suffisamment la cadence de son concurrent. Même constat pour Apple TV+, qui perpétue son propre rythme depuis sa création: deux épisodes pour lancer les séries de son cru, avant de passer à un chapitre par semaine.

Or, avec Severance (Apple TV+), Paradise (Disney+) ou encore The White Lotus (OCS-HBO), actuellement en cours, les fans de séries redécouvrent un rythme hebdomadaire. Les discussions enflammées reprennent sur les réseaux sociaux, la tendance à théoriser sur tel ou tel personnage retrouve de sa première jeunesse – mention spéciale à Severance, qui déchaîne les passions concernant les thèses et les motivations de l’obscure société Lumon Industries.

Une chose est sûre: les spectateurs ne sont pas tous capables de rationner eux-mêmes leur dose de streaming. Mais ces trois séries populaires livrées au compte-gouttes auront-elles la peau du binge-watching à la Netflix? Le combat fait rage.

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