Crédit photo : Danny Taillon
Peut-être que, comme de nombreux Québécois et Québécoises, vous avez été témoins, avec une certaine distance, de l’émergence de l’intelligence artificielle dans votre quotidien. Vous voyez de plus en plus fréquemment passer dans le fil d’actualité de vos réseaux sociaux des publications douteuses, que vos proches vont parfois même jusqu’à partager en les croyant authentiques. Que vous soyez un∙e fervent∙e utilisateur∙rice de Chat GPT ou un∙e sceptique convaincu∙e qu’il sera passablement difficile de confondre, êtes-vous prêt∙es à participer à une réelle réflexion collective à propos de cette nouvelle réalité?
Dominique Leclerc, avec sa troupe Posthumains, s’intéresse à la technologie et à ses effets sur l’humain.
Elle signait déjà une œuvre fascinante sur le transhumanisme en 2017, Post Humains, fruit d’une enquête sur les pistes technologiques possibles afin d’atténuer l’effet de son diabète. Sa création i/O, présentée en 2021 au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, soulignait la vitesse ahurissante à laquelle se développent les innovations en faisant un parallèle avec la science-fiction.
Photo: Dany Taillon
Le thème central de ses réflexions? Ce que la technologie peut apporter à l’humanité, avec un angle bienveillant. Elle s’intéresse dans Une vie intelligente à l’inévitable révolution de l’IA, et elle co-signe la mise en scène avec un complice de longue date, Patrice Charbonneau-Brunelle.
Ce projet, présenté ces jours-ci chez Duceppe, prend la forme d’une discussion collective avec des vignettes allant de la leçon d’histoire appuyée par des marionnettes en ombres chinoises, jusqu’à des confrontations entre plusieurs points de vue, en passant par un atelier de réflexion se déroulant en arrière-scène avec des spectateurs volontaires, sélectionnés à l’avance, et même un tour de chant.
On a donc droit à des voix dissidentes, à des analyses balancées et à un exposé plutôt bien renseigné sur l’IA en général, le tout présenté dans une ambiance sympathique et décomplexée. Il n’y a pas de propagande ou de parti-pris, ce qui est plutôt rafraîchissant.
On évoque notamment le haut coût énergétique de la technologie dans un contexte où on réfléchit partout dans le monde à des façons de mieux consommer l’électricité.
La suprématie robotique
L’éléphant dans la pièce est aussi abordé: les observateurs les plus alarmistes ont-ils raison de craindre une suprématie éventuelle de l’intelligence artificielle? Cette crainte ne date pas d’hier: Frank Herbert laissait déjà planer ses doutes dans Dune et, si on est ouverts d’esprit, Mary Shelley nous avertissait en quelque sorte, dans Frankenstein, des dangers inhérents à la création d’un être artificiel.
Il est essentiel, particulièrement dans le contexte politique actuel, de se poser des questions sur nos allégeances technologiques, sur notre recours – et parfois même notre dépendance – aux produits des géants du numérique, sur notre facilité déconcertante à signer un pacte avec des milliardaires et à leur offrir nos informations personnelles sur un plateau d’argent.

Photo: Dany Taillon
L’assemblée à laquelle nous convoque Posthumains, tout comme l’Agora de la Grèce antique, est nourrie par des opinions discordantes, une volonté de se faire entendre, quelques moments de flottement, des prises de parole brillantes, d’autres plus convenues, et nous offre un espace de réflexion où la bienveillance est de mise.
Que vous souhaitiez rafraîchir vos connaissances à propos de l’IA ou entamer une réflexion sur ses incontournables enjeux éthiques, c’est le bon endroit à visiter.
Pierre-Alexandre Buisson
L’ogre culturel
Curieux compulsif, P.-A. Buisson a décidé de profiter de l’hyperactivité constante de son cerveau pour participer à moult projets.
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