► En quoi consiste le regain des tensions au Soudan du Sud ?
Au Soudan du Sud, le conflit larvé entre le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar, deux anciens chefs rebelles, a connu ces derniers jours une recrudescence. Plusieurs proches de Riek Machar, dont le ministre du pétrole, ont été arrêtés à Juba, la capitale, sur fond d’affrontements dans le Haut-Nil, dans le nord-est du pays.
Nous avons « arrêté et détenu plusieurs individus soupçonnés d’avoir des liens vérifiés avec la confrontation militaire croissante » , a précisé le service national de sécurité dans un communiqué. Dans l’État du Haut-Nil, depuis mi-février, ont lieu des combats entre l’armée sud-soudanaise (Forces de défense du peuple sud-soudanais – SSPDF), appuyée par des milices, et l’« Armée blanche », un groupe armé aux contours flous allié à Riek Machar et réunissant des jeunes de la région.
Vendredi, un hélicoptère de l’ONU tentant de secourir des soldats de l’armée sud-soudanaise dans cet État a été ciblé par des tirs. Un général et 27 de ses hommes ont également été tués lors de cette mission. Ces affrontements ont déjà causé des milliers de déplacés et fait des dizaines de blessés, selon un communiqué de Human Rights Watch (HRW), jeudi 27 février.
► Quelles sont les causes de cette résurgence de violences, cinq ans après l’accord de paix de 2018 ?
En 2018, un accord de paix a mis fin à la guerre civile qui opposait depuis 2013 le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar, respectivement dinka et nuer – les deux principaux peuples de la mosaïque sud-soudanaise – et qui a fait près de 400 000 morts et quatre millions de déplacés.
Cette paix très précaire est mise en danger depuis le début de la guerre civile au Soudan voisin, qui a éclaté en avril 2013. « Le Soudan du Sud, très dépendant des revenus tirés du pétrole, a perdu deux tiers de ses recettes après qu’une explosion près de Khartoum a endommagé le principal oléoduc lui permettant d’exporter son or noir, explique l’organisation International Crisis Group, spécialiste dans l’analyse des conflits. Les difficultés économiques qui en découlent ont plongé le gouvernement de Kiir dans une crise budgétaire et ont privé le président des fonds qui soutenaient son réseau de clientélisme, mettant à rude épreuve sa capacité à maintenir son régime à flot ».
En outre, l’armée soudanaise « exploite depuis des décennies les divisions ethno-politiques » dans le pays, rapporte lnternational Crisis Group, faisant craindre l’instrumentalisation des différends entre les peuples nuer et dinka.
► Quels sont les risques d’un embrasement ?
Dans l’État le plus jeune de la planète, aux structures encore fragiles et surtout très corrompues, riche en pétrole mais extrêmement pauvre, la montée des tensions dans le nord du Soudan du Sud pourrait mener à une « violence généralisée », ont averti jeudi plusieurs organisations multilatérales et non gouvernementales, dont Human Rights Watch.
Pour sa part, la Commission des droits de l’homme des Nations unies au Soudan du Sud, a montré du doigt, dans un rapport publié le 8 mars « les élites politiques et militaires » du pays qui « continuent d’attiser la violence et l’instabilité ». Les dirigeants « poursuivent leurs contestations violentes à travers le pays et (qui) manquent lamentablement à leurs obligations envers le peuple du Soudan du Sud », a condamné Yasmin Sooka, présidente de la Commission.
« À l’heure où de nombreux Soudanais du Sud estiment que Salva Kiir et Riek Machar se sont accrochés au pouvoir depuis bien longtemps et tandis que le gouvernement ne procure quasiment aucun service à sa population, qui vit dans des conditions humanitaires terrifiantes, l’effondrement du régime pourrait (…) transformer le territoire en lieu de prédilection pour les milices de tous ordres et les activités illicites », met en garde International Crisis Group.
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