Huit ans après le lancement du plan destiné à améliorer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans les Outre-mer, la Cour des comptes dresse un bilan mitigé, soulignant des « difficultés persistantes » et appelant à un pilotage national renforcé, selon un rapport publié mercredi.
« Le droit à des services fiables d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable est un enjeu vital », rappelle la Cour, ajoutant que ce droit est « très inégalement respecté » dans les Outre-mer.
Elle souligne que la crise de l’eau dans ces territoires est ancienne, marquée par des « coupures d’eau plus d’un jour sur deux » dans certains secteurs depuis les années 2010.
Lancé en 2016, le Plan « Eau Dom » (Pedom) visait à mobiliser l’État, les collectivités et les organismes de financement dans une « démarche coordonnée » pour pallier des décennies de sous-investissement.
Depuis huit ans, 889 millions d’euros ont été mobilisés dans six collectivités (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin), mais leur répartition reste « inégale selon les territoires », pointe la Cour.
Elle relève plusieurs limites dans l’application du Pedom, qui repose sur des « contrats de progrès » conditionnant les financements à la réalisation d’engagements précis. Leur mise en oeuvre est « inaboutie », juge-t-elle, soulignant que « le versement des aides reste trop souvent décorrélé du respect des engagements pris ».
La Cour recommande de rendre la conditionnalité « plus stratégique et objectivable », en simplifiant des indicateurs de suivi jugés « trop nombreux et peu renseignés ».
La gouvernance locale est aussi un facteur de blocage, marquée par des « conflits et des crises récurrentes ».
Face à ces constats, la Cour des comptes appelle à « renforcer le contrôle des entités délégataires de services publics » et à mieux associer les citoyens au suivi et à la gouvernance des services.
Le rapport souligne que les coûts de l’eau et de l’assainissement sont particulièrement élevés dans les Outre-mer. « À Mayotte, la facture d’eau peut représenter jusqu’à 25% du revenu des foyers les plus modestes », relève la Cour.
Elle recommande une « mobilisation accrue du Pedom » pour accompagner les collectivités sur la tarification et le recouvrement, tout en adaptant les politiques de l’eau aux spécificités ultramarines.
Un rapport publié mercredi par les sénateurs de Guyane Georges Patient et de La Réunion Stéphane Fouassin rejoint les constats de la Cour des comptes. Il recommande d’intégrer un volet sur la tarification et les impayés dans le Pedom, afin d’améliorer le recouvrement des factures et de simplifier les feuilles de route signées avec les collectivités.
Les sénateurs alertent sur la vétusté des infrastructures et les crises récurrentes d’accès à l’eau en Outre-mer. À Mayotte, près de 30% de la population n’a pas d’accès direct à l’eau potable. En Guadeloupe, les « tours d’eau » sont fréquents, avec un rendement du réseau limité à 32%, contre 83% en Hexagone, rappellent-ils.
L’eau est un sujet de tension récurrent en Outre-mer. À Mayotte, une sécheresse historique et des infrastructures vétustes ont conduit les autorités à imposer des coupures d’eau allant jusqu’à deux jours sur trois fin 2023-début 2024 tandis que le vieillissant réseau guadeloupéen et sa gestion contestée ont multiplié les pénuries.
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