Surpopulation, violences, pratiques dégradantes… Le Comité anti-torture s’inquiète de la situation dans les lieux de privation de liberté en Guadeloupe et en Guyane

Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a visité plusieurs commissariats, prisons, hôpitaux et centres de rétentions administratives dans les deux départements d’Outre-mer. Il appelle la France à y améliorer les conditions de détention.

Une surpopulation carcérale monstre, des violences récurrentes et une vétusté des infrastructures, mais pas de traitement inhumain institutionnalisé. Voici, en somme, les conclusions du Comité pour la prévention de la torture (CPT), un organe du Conseil de l’Europe, après sa visite de plusieurs lieux de privation de liberté en Guadeloupe et en Guyane.

Le CPT, qui vise à lutter contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants, a visité plusieurs commissariats de police et gendarmeries, centres pénitentiaires, établissements psychiatriques et centres de rétention administratives dans ces deux départements ultramarins en novembre et décembre 2023. Le rapport n’a été publié que ce mercredi 12 mars.

De manière générale, que ce soit avec les forces de l’ordre lors d’une arrestation, avec les surveillants pénitentiaires lors de l’incarcération, ou bien avec les médecins lors d’une hospitalisation, la grande majorité des personnes ayant affaire au système de répression français ne fait pas état de mauvais traitement en Guadeloupe et en Guyane.




Ce qui n’empêche pas des exemples de violences policières d’émerger de temps en temps dans l’actualité. En Guadeloupe, la mort de Claude Jean-Pierre, dit « Klodo », à la suite de son interpellation par les gendarmes en 2020, a choqué la population. Des révélations récentes de Mediapart mettent en cause les gendarmes dans le décès du sexagénaire.

Certaines pratiques sont toutefois questionnées par les experts du Comité anti-torture, qui soulignent parfois des manques de formation pour la prise en charge des mineurs délinquants, ou bien des mules. « La délégation a constaté que les dispositifs pour procéder à la récupération des capsules de drogues étaient souvent inadéquats, voire assimilable à un traitement inhumain et dégradant », note le CPT dans son rapport.

[Au moment de la visite,] le CHU de Guadeloupe ne disposait pas de machine à tri permettant d’effectuer l’extraction des capsules de drogues. Pour cela, les personnes gardées à vue étaient obligées de trier les capsules à la main, après avoir récupéré leurs selles dans un sac posé dans un seau à même le sol, avec la présence constante des agents des forces de l’ordre. Le sac était laissé ouvert alors que la chambre ne disposait pas de système d’aération, contribuant ainsi au développement d’odeurs nauséabondes. La délégation a également constaté que dans certains cas la personne avait interdiction de se laver les mains avec de l’eau et du savon, après avoir procédé au tri. Ces conditions sont inacceptables et peuvent s’apparenter à un traitement inhumain et dégradant.

Rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, 12 mars 2025

En ce qui concerne les trois prisons visitées par le Comité – le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly (Guyane), celui de Baie-Mahault et la maison d’arrêt de Basse-Terre (Guadeloupe) –, la délégation pointe du doigt la surpopulation carcérale, un phénomène généralisé en France, mais particulièrement marqué dans les Outre-mer. 

Lors de leur visite, fin 2023, le taux d’occupation des prisons dépassait 225 %. En 2024, la moyenne nationale s’élevait à 127 % « seulement ». Conséquence : le nombre de détenus par cellule explose, certains étant contraints de « dormir sur des matelas posés au sol, parfois la tête à côté de toilettes non cloisonnées », décrit le CPT.


Centre pénitentiaire de Baie-Mahault, à Fonds Sarail.


Les prisonniers rencontrés par la délégation européenne ne font toutefois pas état de mauvais traitements de la part du personnel pénitentiaire. Mais des violences verbales peuvent exister. « La délégation a (…) recueilli des allégations de violences verbales, y compris des cris, des propos dénigrants ou à caractère raciste, dans les trois établissements visités. »

En revanche, les violences entre personnes incarcérées et contre les surveillants ou les médecins sont nombreuses dans les deux territoires ultramarins. Début 2023, un agent pénitentiaire avait été retrouvé inanimé et dans un état particulièrement grave après avoir été agressé par un détenu.

Le Comité pour la prévention de la torture note aussi que les conditions matérielles sont relativement dégradées dans les lieux de privation de liberté en Guadeloupe et en Guyane. « Dans les trois établissements [pénitentiaires], les cellules étaient souvent sombres, insalubres, malodorantes et dans un état de saleté inquiétant », rapporte-t-il. 




Ces observations – qui ne sont pas une surprise, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et l’Observatoire international des prisons tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur la situation carcérale des Outre-mer – amènent plusieurs recommandations de la part du Comité anti-torture du Conseil de l’Europe. Il enjoint par exemple les autorités françaises à résoudre les problèmes de sous-effectifs de personnels, à assurer aux détenus un accès à un médecin et à l’eau potable, ou encore à abandonner certaines pratiques, comme celle « consistant à attacher des personnes détenues à des objets fixes, y compris à un lit ou à un brancard de jour comme de nuit ». En réponse à ce rapport, le gouvernement français assure tout mettre en place pour améliorer la situation.

Si la délégation du Comité a surtout relevé les problèmes rencontrés dans les lieux de privation de liberté en Guadeloupe et en Guyane, elle note aussi certains points positifs, notamment dans les centres de rétention administrative (CRA). « Les personnes étrangères pouvaient dans les deux CRA rester en contact avec le monde extérieur, salue le Comité. Au CRA ‘Les Abymes’, elles étaient autorisées à garder leurs téléphones portables, y compris des smartphones avec un accès à Internet. Le CPT considère qu’il s’agit d’une bonne pratique. »


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