Troubles de l’audition : des solutions innovantes pour mieux entendre

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), près de 2,5 milliards de personnes souffriront de déficience auditive d’ici à 2050. Parmi elles, 700 millions nécessiteront des soins spécialisés. En France, les chiffres sont tout aussi alarmants : 73 % des 18-34 ans s’exposent à des risques auditifs, et 65 % des plus de 65 ans sont déjà touchés par des troubles de l’audition (1).

« L’augmentation des cas de surdité en France est liée de manière très mécanique au vieillissement naturel, qui entraîne une baisse de l’audition », explique le Pr Yann Nguyen, chirurgien ORL à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, directeur clinique de l’IHU reConnect et co-directeur de l’équipe « technologie et thérapie génique pour la surdité » à l’Institut de l’Audition, centre de l’Institut Pasteur.

En revanche, chez les enfants, les progrès en dépistage et en prévention, notamment contre les infections materno-fœtales comme la rougeole ou la rubéole, ont permis de réduire ces cas. « La sensibilisation des médecins sur les effets toxiques sur l’oreille interne de certains médicaments, notamment des antibiotiques, a également contribué à diminuer ces risques. »

Les causes des troubles auditifs selon les âges

Les troubles de l’audition varient en fonction de l’âge. « Chez les tout-petits, ils sont souvent d’origine congénitale, génétique ou liés à des infections materno-fœtales virales », poursuit le professeur. Dans l’enfance, les otites moyennes aiguës ou séreuses sont fréquentes. « Si elles persistent, elles peuvent nécessiter une intervention chirurgicale comme la pose d’aérateurs trans-tympaniques ».

Chez les adultes, les traumatismes sonores et certaines infections sont les principales causes. Enfin, chez les seniors, la presbyacousie, due au vieillissement, est souvent associée à d’autres pathologies liées à l’âge.

L’importance du dépistage précoce chez l’enfant

Le dépistage précoce est crucial, car l’audition est intimement liée au développement du langage. « Il existe une fenêtre critique dans les premières années de vie. Plus le dépistage et le traitement sont précoces, meilleures sont les chances pour l’enfant de développer un langage normal et d’avoir ensuite une scolarité normale », précise le Pr Nguyen.

En France, ce dépistage est obligatoire depuis plusieurs années en maternité. « Si une anomalie est détectée, un bilan complet chez un ORL permet de traiter rapidement l’enfant, idéalement avant l’âge d’un an. »

Prévenir les troubles de l’audition

Certains gestes simples permettent de protéger son audition. Par exemple, limiter l’exposition aux bruits intenses (concerts, feux d’artifice, boîtes de nuit, outils bruyants…). « Au-delà de 80 décibels, il existe un risque de traumatisme sonore. Les bouchons d’oreilles que l’on trouve en pharmacie sont une bonne solution pour les éviter », recommande le Pr Nguyen.

Il faut également adopter une hygiène auriculaire adaptée. « Évitez les cotons-tiges qui peuvent provoquer des bouchons de cérumen. Préférez un nettoyage léger avec un mouchoir ». Enfin, traiter rapidement les otites pour éviter les complications.

Les avancées technologiques

Ces dernières années, la technologie a transformé la prise en charge des troubles auditifs. « Pour une perte auditive légère à modérée, on utilisera une aide auditive. Pour une perte auditive sévère, le recours à un implant cochléaire (dispositif électronique qui stimule directement le nerf auditif), dont le coût avoisine les 22 000 euros (2), est conseillé », détaille le professeur.

Par ailleurs, des innovations comme les écouteurs connectés adaptés à l’audition (projet initié notamment par Apple) pourraient, à l’avenir, compenser des pertes légères. « Mais en aucun cas, cela se substituera à un bilan chez un ORL pour détecter une maladie, puisqu’une perte auditive peut être un signe de maladie grave ».

Les promesses de la thérapie génique contre la surdité

La thérapie génique ouvre des perspectives inédites pour les patients atteints de surdité congénitale.

« Le principe consiste à remplacer ou réparer le maillon/le gène à l’origine de la surdité en administrant à l’oreille interne un vecteur biologique adapté, contenant la version saine du gène, ce qui permet de restaurer l’audition naturelle, sans recourir à un implant cochléaire, rappelle Saaid Safieddine, responsable de l’équipe Technologies et thérapie génique pour la surdité à l’Institut de l’Audition, centre de l’Institut Pasteur. Contrairement à l’implant, qui ne restitue pas une audition « normale », essentielle pour la compréhension de la parole dans un environnement bruyant, la thérapie génique vise à rendre l’audition fidèle et naturelle. »

Des résultats prometteurs pour la neuropathie auditive 

En 2019, l’équipe dirigée par le Dr Safieddine a démontré la faisabilité de traiter certaines formes de surdité humaine par thérapie génique, notamment la neuropathie auditive, un trouble qui empêche la transmission des signaux entre l’oreille interne et le cerveau. Ces résultats ont conduit au lancement de plusieurs essais cliniques mondiaux, dont l’essai Audiogene en France, spécifiquement destiné aux patients atteints de la surdité DFNB9

« Aujourd’hui, nous disposons déjà d’outils prometteurs pour administrer le traitement de manière ciblée, explique le chercheur. Les efforts actuels visent à améliorer l’efficacité et le ciblage de ces outils dans le but d’optimiser le traitement ». Cette avancée ouvre de grandes perspectives pour les patients concernés.

En parallèle, les équipes de l’Institut de l’Audition, centre de l’Institut Pasteur, appliquent cette même approche à d’autres projets thérapeutiques, comme celui du syndrome d’Usher, pour offrir des solutions similaires à d’autres formes de surdité.

Des techniques chirurgicales de pointe

La chirurgie de l’oreille a également bénéficié de révolutions technologiques : utilisation de microscopes, outils de fraisage, implants en titane, et robotique permettant des interventions moins invasives et plus précises.

En parallèle, l’intelligence artificielle peut être un atout complémentaire. « Elle va d’abord être utilisée pour de l’analyse d’imagerie du cerveau et de l’oreille, à la fois pour du diagnostic, mais aussi pour de la planification de trajet d’opération, conclut le Professeur Nguyen. Elle pourrait aider aussi à affiner les réglages des aides auditives ou implants cochléaires, offrant une restitution sonore adaptée à l’environnement du patient. »

Ces innovations médicales et technologiques ouvrent de nouvelles voies pour les personnes souffrant de troubles de l’audition. L’objectif reste clair : améliorer leur qualité de vie en leur permettant de retrouver une audition optimale.

(1)    Étude Qobuz par Yougov décembre 2023.
(2)    L’implantation cochléaire (à la fois la chirurgie, les réglages, la rééducation et le renouvellement des processeurs externes au cours du temps) est totalement remboursée par la Sécurité sociale en France.

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