Présidentielle au Gabon: l’obligation de parler un dialecte local délie la langue de ses détracteurs

«Ouverte le lundi 3 mars 2025, la commission d’évaluation d’aptitudes linguistiques a travaillé d’arrache-pied pour l’audition des candidats à la présidentielle. Tous les candidats qui se sont présentés ont été évalués en fonction de leurs compétences linguistiques dans la langue locale de leur choix», a détaillé Dr Paul Maixent Moussinga, rapporteur général.

L’élection présidentielle prévue le 12 avril au Gabon va finalement se jouer entre quatre candidats, dont le général de brigade porté au pouvoir depuis le putsch d’août 2023, Brice Oligui Nguema, et l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie By Nze. La campagne électorale doit commencer le 29 mars. Le Gabon regroupe une cinquantaine de langues locales dont les plus répandues sont le fang, le punu, le ndzebi et le myené.

Pour Jean Rémy Ebanega, cadre d’administration publique, l’obligation faite aux candidats de maitriser au moins une langue locale est salutaire «je pense que le Gabonais qui se présente à la présidentielle doit montrer un attachement à sa langue maternelle. C’est une condition noble.»

Le test linguistique imposé aux candidats répond aussi, selon les autorités, à une demande populaire formulée lors du Dialogue national inclusif (DNI), où de nombreux citoyens avaient exprimé leur insatisfaction face à la déconnexion ressentie avec certains élus, qui ne reflétaient pas la diversité et les réalités du pays. «Le candidat doit prouver qu’il est réellement Gabonais en parlant sa langue? c’est nécessaire», affirme Natacha, une électrice.

En intégrant les langues locales au processus électoral, le gouvernement manifeste sa volonté de promouvoir la culture et le patrimoine linguistique du pays, tout en encourageant un échange plus authentique entre les électeurs et leurs représentants.

Mais cette initiative reste sujette à interprétations diverses. «Je ne pense pas que parler sa langue maternelle fasse d’un Gabonais plus citoyen qu’un autre. Par conséquent ce n’est pas un bon critère de sélection», affirme cet autre électeur.

En dépit de bonnes intentions du gouvernement de transition, cette problématique relative au test linguistique auquel étaient soumis les candidats à la présidentielle soulève une controverse auprès des professionnels des sciences du langage. «Ce test de compétence se limite à quoi? Qui évalue? D’près la Constitution, on devrait évaluer les candidats à l’écrit. Comment peut-on évaluer à l’écrit la maitrise d’une langue orale?», s’interroge Jeannette Mbondzi, linguiste.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)

Le 13/03/2025 à 10h58

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