Les Néo-Brunswickois font de moins en moins d’enfants. Si les adultes en âge d’en avoir en désirent, ils semblent avoir du mal à sauter le pas. Or, plus leur horloge biologique tourne, moins ils ont de chance d’en avoir.
Miguel Richard a 31 ans et déjà trois enfants: deux filles âgées de 3 ans et 6 ans, ainsi qu’un garçon âgé de quatre mois.
«Je pense qu’on a terminé, rit le banquier. C’était planifié. On a espacé les naissances de trois ans. Ç’a bien marché.»
Le Dieppois qualifie son expérience paternelle de positive. Il affirme que le partage des tâches avec sa femme s’est fait naturellement. Il fait aussi valoir le soutien qu’il reçoit de ses parents et de ses amis.
«Nous avons des salaires pas pires, ajoute M. Richard dont la compagne est fonctionnaire provinciale. L’inflation nous touche, mais les frais de garderie ont diminué. Nous pouvons continuer à voyager et à avoir des loisirs.»
Le trentenaire et sa femme font passer leur famille avant tout. L’homme semble comblé. Son cas paraît cependant de plus en plus rare au Nouveau-Brunswick.
Chute des naissances
L’indice synthétique de fécondité, une estimation du nombre moyen de naissances qu’une femme peut s’attendre à avoir dans sa vie, était de 1,24 dans la province en 2023.
Il était de 1,57 en 2013, déjà loin du niveau nécessaire au renouvellement des générations, fixé à 2,1, selon Statistique Canada.
En même temps, le nombre de naissances à l’hôpital a baissé de 12% entre 2013 et 2023 au Nouveau-Brunswick, l’équivalent de 800 bébés, selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS).
Est-ce parce qu’il y a de plus en plus d’adultes sans enfant ou parce que les parents se contentent de familles moins nombreuses? Les données consultées sur Statistique Canada ne permettent pas de le dire.
Des sondages effectués dans des pays occidentaux montrent cependant que les personnes interrogées avaient en moyenne moins d’enfants qu’ils le désiraient, selon le média belge Politico.
Contraintes des parents
Sébastien Cyr, père de deux enfants, a souvent cette discussion avec ses amis.
«Beaucoup de gens de mon entourage aimeraient avoir un enfant ou plus d’un enfant, mais ne sauraient pas comment faire à cause de leurs finances ou de leurs disponibilités», rapporte le résident de Memramcook.
Bien que lui et sa femme soient fonctionnaires fédéraux, le trentenaire doit parfois couper dans ses dépenses.
«Nous travaillons tous les deux beaucoup à temps plein, ajoute-t-il. En plus, je fais un doctorat à temps partiel. Il faut donc parfois couper dans les activités pour concilier la vie de famille et le travail.»
M. Cyr dit aussi que le manque de places disponibles dans les garderies lui donne l’impression d’être moins libre de déménager, maintenant qu’il en a trouvé pour ses enfants.
«Nous sommes très contents, exprime-t-il néanmoins. Nous avons travaillé fort pour nous mettre dans les bonnes conditions professionnelles et financières avant de fonder la famille que nous voulions. Nous avons notre propre maison. La vie est assez merveilleuse pour nous.»

Alignement des planètes
Une professeure de démographie à l’Université de Montréal, Solène Lardoux, avance que les adultes peuvent avoir moins d’enfants qu’ils le souhaitent quand ils attendent le moment parfait pour en avoir un premier.
La proportion des femmes en âge de procréer parmi la population féminine est restée la même entre 2013 et 2023 au Nouveau-Brunswick.
Cependant, le taux de fécondité de presque tous les groupes d’âge de femmes pouvant donner la vie a diminué pendant cette période, notamment celui des groupes les plus féconds, de 25 à 29 ans (-22%) et de 0 à 34 ans (-11%).
Il a seulement augmenté dans deux groupes plus âgés: les femmes de 35 à 39 ans (+10%) et les femmes de 40 à 44 ans (+37%).
«Le temps d’obtenir son diplôme, de trouver un chum avec lequel on s’entend vraiment bien, d’avoir une carrière, une maison et des souvenirs de voyage peut mener à un âge assez tardif, fait remarquer Mme Lardoux. Avoir un enfant pourrait se faire de manière un peu moins planifiée.»
Plus un couple attend avant d’avoir son premier enfant, plus ses membres risquent de se séparer avant de le faire et d’avoir des problèmes de fécondité.
Une sociodémographe à l’Institut national de la recherche scientifique à Montréal, Laurence Charton, indique aussi que le désir d’enfants peut changer dans le temps, notamment après l’arrivée d’un premier bébé.
«On a un idéal de la vie de famille qui est souvent très différent de ce qu’elle est en réalité, raconte-t-elle. La grossesse et l’accouchement peuvent aussi se passer moins bien que prévu.»
Partage des tâches
Mme Charton souligne que le partage des tâches domestiques et familiales change souvent au détriment des femmes au sein des couples, quand ils ont eu un premier enfant.
«La représentation de la mère mène certaines d’entre elles à s’épuiser dans ce rôle-là, dit-elle. Il y a donc une désillusion. Ça peut remettre en cause la volonté de revivre une expérience qui n’a pas été vécue aussi bien que prévu.»
Mme Lardoux remarque que les taux de fécondité les moins bas en occident se trouvent dans les pays où le partage des tâches domestiques et familiales entre hommes et femmes est le plus égalitaire.
«Les incitatifs financiers ne semblent pas suffire à encourager les couples à avoir des enfants», dit-elle.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick n’envisage aucune mesure de ce type ni aucune autre pour faire augmenter l’indice de fécondité. Il mise tout sur l’immigration pour éviter le déclin démographique.
Une stratégie qui aura ses limites quand la population mondiale commencera à décroître, peut-être dès 2030 ou 2040, selon une étude publiée par la revue The Lancet en 2024.
Crédit: Lien source