Sur le boulevard Thérèse-Houphouët-Boigny – anciennement boulevard de France – qui traverse Abidjan d’ouest en est, impossible de rater le siège du PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire). Cette imposante résidence, délimitée par de hauts murs vert et blanc flanqués de messages politiques, a accueilli ce lundi 10 mars la plupart des représentants de l’opposition ivoirienne en vue de l’échéance présidentielle d’octobre 2025.
Le premier parti ivoirien (longtemps resté unique sous Félix Houphouët-Boigny de 1960 à 1990) s’est ainsi constitué point de ralliement d’une opposition jusqu’alors multiple et fragmentée. Objectif de la manœuvre : demander ensemble une évolution du cadre électoral au nom de la paix pour les citoyens ivoiriens. Face au pouvoir impassible du RHDP dirigé par Alassane Ouattara, ces acteurs entendent faire bouger les lignes à moins de huit mois de l’élection.
Une coalition nommée CAP-Côte d’Ivoire
Rendue publique quelques jours avant, l’annonce de cette rencontre aura produit son petit effet auprès des observateurs de la politique ivoirienne. Lundi matin, nombreux étaient les interlocuteurs à avoir répondu à l’invitation. Sympathisants, cadres, médias nationaux et presse étrangère : le rendez-vous a fait salle comble. Il faut bien avouer que la photo d’une telle assemblée politique tient du fait majeur alors qu’une campagne claire peine toujours à se dessiner. Sur l’estrade, quinze partis étaient représentés, parmi lesquels les mouvements de personnalités bien connues de la société ivoirienne. Charles Blé Goudé à la tête du Cojep, Pascal Affi N’Guessan aux manettes du Front populaire ivoirien (FPI) ou Simone Ehivet Gbagbo et son Mouvement des générations capables (MGC) se sont affichés au côté de Tidjane Thiam, président du PDCI, et de mouvances plus modestes dans un souci d’unité.
Lors d’une longue allocution, l’ancienne première dame Simone Ehivet Gbagbo a annoncé la couleur en fustigeant un « système électoral biaisé » dans un climat de « politique délétère » menée par le camp du président Ouattara. Celle qui s’était retrouvée au centre de la crise post-électorale de 2010-2011 dit craindre pour la paix civile « si le système électoral n’est pas révisé sérieusement ». Car les principales revendications d’une opposition dont le spectre n’a cessé de s’agrandir tiennent notamment à l’élargissement du corps électoral et à la possibilité pour tous les candidats de se présenter. Pour mener à bien ce dialogue censé garantir des élections transparentes, les quinze partis ont procédé à la création de la Coalition pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-Côte d’Ivoire). L’instrument politique nouvellement formé promet d’être « non idéologique » et jouira d’une porte-parole toute désignée qui n’est autre que Mme Ehivet Gbagbo.
Le PDCI au centre
Si Tidjane Thiam parlait en préambule d’instant historique, c’est que le président du PDCI – qui attend toujours d’être désigné candidat à l’issue d’une primaire – occupe une place de choix. Nommé coordonnateur général de CAP-Côte d’Ivoire, l’ancien patron du Credit Suisse épinglé quant à sa binationalité tient donc la tête de file des voix discordantes ; réaffirmant au passage le statut d’alternance la plus crédible revendiqué par son parti. Dans cette nouvelle configuration, la publication de la liste électorale par la commission dédiée et attendue pour le 17 mars devrait déboucher sur des contentieux ciblés et coordonnés par une opposition désormais largement coalisée. Le million de nouveaux électeurs enregistrés à l’issue de la campagne d’enrôlement est toujours jugé insuffisant pour les partis membres de la coalition qui dénonçaient par la voix de leur porte-parole une « collusion à peine voilée entre le pouvoir en place et l’organe électoral ».
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En outre, un autre personnage – illustre s’il en est – pourrait venir renforcer la dynamique initiée par CAP-Côte d’Ivoire. Lundi, Laurent Gbagbo, et son Parti des peuples africains (PPA-CI), s’était en effet permis de snober l’événement, entretenant le flou sur son positionnement vis-à-vis du reste de l’opposition. Son ralliement, même symbolique, pourrait venir crédibiliser davantage ladite coalition en plus de plaider pour ses propres intérêts. Car le presque octogénaire et ancien président de la République bataille toujours pour déposer une candidature présidentielle, jugée pour l’heure irrecevable eu égard à la condamnation qui continue de peser sur sa personne en Côte d’Ivoire. Son ancien ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, justifiait lundi sa participation en ces termes : « Quand le pays est en jeu, les ego doivent s’effacer. » Acquitté avec Laurent Gbagbo auprès de la Cour pénale internationale en 2021, celui-ci souffre également d’inéligibilité.
Cette avancée de l’opposition, qui risque d’accélérer quelque peu la campagne, a cependant savamment éludé la question d’une candidature unique. Avec certains acteurs politiques qui continuent de se regarder en chiens de faïence, il faudra très probablement attendre.
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