Kinshasa contraint au dialogue avec le M23


Le gouvernement congolais sur le point de négocier directement avec les rebelles du M23 ? Longtemps exclue par le président Félix Tshisekedi, cette option semble désormais inévitable. Mardi, la présidence angolaise a annoncé à la surprise générale l’organisation imminente de pourparlers entre la RDC et le M23. Un revirement qui interroge : comment Kinshasa en est-il arrivé là ? Quels facteurs ont poussé le pouvoir à changer de cap ? Bien que le gouvernement congolais ne se soit pas formellement prononcé, la dynamique en place indique que les négociations auront bien lieu, prévues pour débuter dès le 19 mars 2025, sous la médiation de l’Angola.

Félix Tshisekedi a toujours exclu tout dialogue direct avec les rebelles du M23, responsables de la prise de deux villes stratégiques à l’est de la RDC. « Le dialogue avec un groupe terroriste comme le M23 est une ligne rouge que nous ne franchirons jamais », déclarait-il encore lors de ses vœux au corps diplomatique, le 18 janvier dernier. Convaincu qu’une solution militaire était la seule issue, il a misé sur une offensive à grande échelle : mobilisation des milices Wazalendos, appui des forces burundaises, et soutien des missions de l’EAC puis de la SADC. Mais après des mois d’impasse, le constat est sans appel : ces stratégies ont échoué.

« Aucune de ces initiatives n’a abouti aux résultats attendus », analyse Onesphore Sematumba, expert des conflits dans la région des Grands Lacs. Confronté à une situation militaire qui lui échappe, Tshisekedi a dû revoir sa position. « Il a compris qu’il était inutile de rejeter le dialogue quand l’option militaire ne permettait pas de renverser la situation », poursuit Sematumba.

La pression des partenaires régionaux

Au-delà du terrain, Kinshasa doit faire face à des pressions diplomatiques de plus en plus fortes. L’Angola, déjà impliqué dans plusieurs médiations dans la région, joue un rôle clé dans ce virage stratégique. João Lourenço est le président de l’Union africaine depuis le 15 février pour un an. « L’initiative de Luanda montre l’influence grandissante des acteurs régionaux dans la gestion de cette crise », souligne Sematumba.

Car si la crise sécuritaire à l’est de la RDC est souvent perçue comme un conflit interne, elle s’inscrit en réalité dans un jeu d’équilibre régional. En sollicitant l’appui des blocs africains, Kinshasa a contribué à « régionaliser » la crise, attirant l’attention de ses voisins, soucieux de leur propre stabilité.

Reste à savoir si ces négociations marqueront un tournant décisif ou si elles ne seront qu’un nouvel épisode diplomatique dans un conflit qui, depuis trop longtemps, échappe à tout règlement durable.

Après l’échec de l’EAC en 2023, c’est la SADC qui a pris le relais en 2024. Mais là encore, la mission s’est soldée par un échec retentissant. Selon Onesphore Sematumba, expert en conflits dans la région des Grands Lacs : « La paix en RDC est essentielle pour la stabilité de toute la région, faisant de cette crise un enjeu stratégique bien au-delà des frontières congolaises. »

Les conditions posées par le M23

Cependant, des zones d’ombre demeurent, notamment du côté des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. Dans un communiqué publié le 13 mars, ces derniers ont posé des conditions claires avant toute participation aux négociations. Ils exigent tout d’abord que le président Tshisekedi s’engage publiquement, sans ambiguïté, à ouvrir un dialogue direct avec leur mouvement. Un tel geste, soulignent-ils, serait perçu comme un signe de bonne volonté, préparant ainsi le terrain pour des discussions constructives.

Les rebelles insistent également sur la nécessité d’obtenir des informations claires et formelles concernant les termes de la médiation. Jusqu’à présent, déplorent-ils, ils n’ont été informés que par un simple communiqué publié sur Facebook, sans détails sur les conditions précises de la médiation ni sur la manière dont l’initiative serait structurée.

Une opinion divisée

À Kinshasa, la capitale, les avis sur l’ouverture d’un dialogue avec les rebelles du M23 divergent. Certains, épuisés par des années de guerre, y voient une lueur d’espoir pour une paix durable. « Le peuple congolais a trop souffert », lâche Jean-Pierre, chauffeur de bus. « Les enfants grandissent dans la peur, les familles sont brisées. Le dialogue est la seule issue pour garantir la paix et la stabilité. »

Pour ces partisans des négociations, la réconciliation est incontournable. « Aucune victoire militaire ne mettra un terme définitif au conflit », estime Françoise, étudiante de 26 ans. « Il faut parler avec ceux qui prennent les armes contre nous et trouver un terrain d’entente. C’est en dialoguant que nous reconstruirons notre pays. »


À Découvrir



Le Kangourou du jour

Répondre



Plus loin, un groupe de Kinois, plus radical dans ses opinions, considère que le dialogue est une perte de temps et que la guerre doit aller jusqu’à son terme. Pour eux, la seule solution durable face aux rebelles du M23 soutenus par le Rwanda et à leurs soutiens étrangers est une victoire militaire décisive. « Tant que ces groupes armés continueront à semer la terreur et à tuer nos compatriotes, il n’y a pas de paix possible », déclare Thierry déplacé de guerre de l’Est ayant trouvé refuge à Kinshasa. « Nous devons en finir une bonne fois pour toutes », tranche-t-il.

Si l’issue des discussions reste incertaine, cette nouvelle dynamique pourrait être une opportunité de stabilisation après plus de trois décennies de conflit.


Crédit: Lien source

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.