L’ex-directrice exécutive au comité d’organisation des JO de Paris 2024 est sous le feu des critiques après avoir mis en garde contre les « confusions » et les « amalgames » entre le port du hijab et la radicalisation dans le sport.
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La voilà désavouée par ses propres collègues au gouvernement. La ministre des Sports, Marie Barsacq, se retrouve au cœur d’une controverse après ses propos sur le voile. Lors d’une audition à l’Assemblée nationale par la commission des affaires culturelles, mercredi 12 mars, la ministre a mis en garde contre les « confusions » et les « amalgames » entre le port du voile et la radicalisation dans le sport.
Marie Barsacq se démarque en creux d’une proposition de loi des Républicains, adoptée le 18 février au Sénat avec le soutien du ministre François-Noël Buffet, rattaché au ministère de l’Intérieur, interdisant le voile dans les compétitions sportives. Le texte doit ensuite être examiné au Palais Bourbon. Or, pour Marie Barsacq, « les sujets de radicalisation dans le sport sont un autre sujet que le sujet du port du voile et d’insignes religieux ». Des propos qui ont indigné à l’extrême droite et à droite et jusque dans son propre camp.
Proscrit par certaines fédérations sportives comme au football, autorisé par d’autres comme au handball, le port du voile divise depuis plusieurs années le sport français. « L’objectif du ministère des Sports, c’est de donner l’accès à la pratique sportive à tous et toutes et nous avons aussi la conviction que le sport est un outil d’émancipation pour tous et toutes », a assuré la ministre devant les députés. « La laïcité ne se résume pas au fait de porter ou non le voile », « l’entrisme ne se résume pas au port du voile », « ces sujets sont compliqués », a-t-elle énuméré, montrant un guide à destination des associations sur le sujet. Interrogée par franceinfo sport le 8 mars, Marie Barsacq estimait déjà que « le sujet est assez peu documenté et les dérives dans le sport sont loin d’être majoritaires ».
La ministre a ensuite été accusée de « faire l’autruche » par le député RN Julien Odoul, auteur avec la députée macroniste Caroline Yadan d’un rapport alertant sur les « multiples et inquiétantes dérives communautaristes et islamistes » dans le sport. Marie Barsacq lui a rétorqué : « Ce que vous visez, c’est le voile islamique. Est-ce que le voile résume l’entrisme ? La réponse est non. Il y a des femmes qui exercent leur liberté religieuse comme la loi de 1905 l’autorise dans notre pays, que ça vous plaise ou non, c’est comme ça, elles en ont le droit et c’est d’ailleurs le cas dans beaucoup de démocraties ». « Mais je ne suis pas naïve, il y a des situations où il y a des femmes voilées qui participent de façon contrainte ou délibérée à ce qu’on appelle l’entrisme. C’est inacceptable (…) », a-t-elle néanmoins nuancé.
Le lendemain de cette audition, Julien Odoul a posté sur X un montage de son échange avec la ministre, dénonçant ses propos.
Que cela plaise ou non à la ministre de l’inclusion des #islamistes dans le sport, le @groupeRN_off continuera de défendre la laïcité et nos valeurs républicaines sur tous les terrains.
Pas de voile dans le #sport français ! 🇫🇷 pic.twitter.com/37PYIQy9Mn
— Julien ODOUL (@JulienOdoul) March 13, 2025
« Elle a un petit peu 20 ans de retard parce qu’aujourd’hui, tout le monde admet que le voile est considéré par les fondamentalistes islamistes comme un outil politique », a ensuite cinglé Marine Le Pen sur CNews, le 13 mars.
Même condamnation du côté des Républicains. « Pas de voiles dans le sport. Le principe de laïcité doit être strictement appliqué dans les compétitions sportives. Transiger, c’est se soumettre », a affirmé, sur X, Laurent Wauquiez, le patron des députés LR. Fait rare, des ministres ont également pris clairement leurs distances avec Marie Barsacq, s’affranchissant de la sacro-sainte solidarité gouvernementale. « Je suis en désaccord radical avec elle, a assuré au Parisien le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Je rappelle à Marie Barsacq que le Sénat a voté la proposition de loi sur la laïcité dans le sport. Le gouvernement y était favorable et l’est toujours. » « Sur un terrain de sport, il n’y a ni religion ni politique. Il n’y a pas de port du voile », a également rappelé sur CNews, vendredi 14 mars, Aurore Bergé, ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.
Si cette figure du macronisme n’a pas attaqué frontalement Marie Barsacq, d’autres membres du camp présidentiel ont spécifiquement ciblé l’ex-directrice exécutive au comité d’organisation des JO de Paris 2024. Le député des Yvelines Charles Rodwell, tenant de l’aile droite du groupe EPR (Ensemble pour la République), a même demandé sa démission.
Sur un tel point de désaccord avec la ligne fixée par le Gouvernement, la ministre Marie Barsacq doit démissionner. https://t.co/0wVxZFg4Jh
— Charles Rodwell (@charlesrodwell_) March 13, 2025
« Les propos de la ministre des Sports reflètent l’aveuglement et le renoncement de nos politiques face à l’entrisme islamiste depuis des décennies. (…). Triste et surtout irresponsable », a aussi fustigé la députée EPR Caroline Yadan sur X.
Peu de responsables politiques ont volé au secours de Marie Barsacq. « Elle a raison. C’est un pas en avant vers l’interdiction des signes religieux dans l’espace public », a néanmoins déclaré la députée EPR Céline Calvez auprès du Parisien. « Le prix à payer de l’exclusion des femmes voilées sera fort. Dans le foot, certains font des signes de croix et parfois ont des tatouages religieux. On fait quoi ? On leur coupe le bras ? » Face à la polémique, le cabinet de Marie Barsacq a tenu à préciser, auprès de L’Equipe, que la ministre « est alignée avec la position favorable du gouvernement à la proposition de loi » votée au Sénat.
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