Kirsty Coventry: «S’assurer que les voix des athlètes soient toujours entendues»

Candidate à la présidence du Comité international olympique, à l’occasion de la 144ᵉ session à Costa Navarino (Grèce) le 20 mars, la Zimbabwéenne de 41 ans, double championne olympique du 200 m dos en 2004 et 2008, membre de la Commission exécutive du CIO et ministre des Sports depuis 2018, détaille à RFI ses positions sur les grands enjeux auxquels l’institution est confrontée.

RFI : Vous êtes la plus jeune candidate à cette élection, la seule femme et la première représentante d’Afrique à briguer la présidence du CIO. Êtes-vous le meilleur symbole de ce que devrait être le CIO au XXIe siècle ? 

Kirsty Coventry : J’espère que c’est ce que ressentent les membres du Comité, mais je veux aussi être la meilleure personne pour le poste, pas seulement en raison de mon genre ou de mon origine. Je veux que les membres sentent qu’ils peuvent avoir confiance en moi et qu’ils pensent que je serai la meilleure pour diriger notre incroyable organisation, en particulier dans cet avenir qui change si rapidement.

En tant qu’ancienne sportive de haut niveau et ex-présidente de la commission des athlètes du CIO, vous êtes consciente des défis auxquels sont confrontés les athlètes, en particulier en Afrique, pour atteindre le plus haut niveau international. Quelle devrait être la priorité pour accroître leurs chances ?

En tant qu’ancienne athlète, la partie la plus difficile de mon parcours a été de devenir championne olympique. C’est là que je pense que nous devrions concentrer un peu plus les programmes dédiés du CIO. Je veux également m’assurer que les voix des athlètes soient toujours entendues, car c’est ainsi que nous savons ce qu’ils attendent de nous, par le biais de la commission des athlètes, en veillant à ce que nous écoutions précisément ce dont les athlètes ont besoin, et comment nous pouvons travailler à leur protection et à leur soutien. En revanche, je ne crois pas aux primes [versées aux médaillés en athlétisme lors des JO de Paris 2024, une mesure annoncée par World Athletics, présidée par Sebastian Coe, autre candidat à la présidence du CIO, NDLR]. Encore une fois, en regardant mon parcours et en parlant aux athlètes autour de moi, la partie la plus difficile, c’est toujours avant de devenir champion olympique ou avant d’être célèbre. Une fois que vous l’êtes ou que vous avez gagné des médailles, beaucoup plus d’opportunités s’offrent à vous. La question est donc de savoir comment nous pouvons aider davantage d’athlètes à devenir champions ou finalistes olympiques. C’est comme ça que nous pourrons concerner davantage d’athlètes.

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Vous êtes très sensible à la place du sport féminin et à la représentation des athlètes féminines dans les médias. Quelle serait la première mesure que vous mettriez en œuvre dans ce domaine si vous étiez élue ?

Au sein du mouvement olympique, nous avons déjà réussi à faire du bon travail pour la promotion de l’égalité des sexes. Il faut maintenant l’étendre. Nous avons besoin d’une meilleure représentation des femmes dans les fédérations internationales et dans les comités nationaux olympiques. On doit voir davantage d’opportunités pour les femmes entraîneurs et l’entourage des athlètes. Au lancement d’un programme ou lorsqu’on essaie de faire avancer quelque chose, les quotas jouent certainement un rôle parce qu’ils aident à changer la culture. Une fois que les gens ont adhéré à cette culture et qu’ils voient la véritable valeur d’avoir plus de diversité autour de la table, et que cela devient vraiment ancré dans la culture d’une organisation, alors les systèmes de quotas peuvent être supprimés. Donc, je pense vraiment qu’ils servent un objectif au début.

La question des athlètes transgenres ou des personnes concernées par une différence de développement sexuel, comme la boxeuse algérienne Imane Khelif, médaillée d’or à Paris 2024, mais visée par des messages haineux sur les réseaux sociaux, reste controversée. Quel est votre avis à ce sujet ?

Je veux m’assurer que nous protégeons la catégorie féminine et je crois que nous devons trouver une voie à suivre en le faisant collectivement avec les fédérations internationales. Le CIO doit jouer un rôle de premier plan et nous devons nous assurer, là encore, que nous protégeons et servons les athlètes. Ce que j’entends par « protéger les athlètes », c’est que lorsque l’une d’elles vit quelque chose comme ce qu’il s’est passé à Paris, ou si vous regardez le cas des athlètes à différence de développement sexuel, comme le cas bien connu de Caster Semenya, ça n’est pas géré avec sensibilité. Nous devrions faire beaucoup mieux, nous devons trouver une voie collective qui ne mette pas un athlète en danger.

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Les Jeux olympiques de Paris 2024 ont été un grand succès populaire et financier pour le CIO. Est-ce désormais le modèle à suivre et comment ce succès peut-il être mis à profit pour engager la jeune génération dans un paysage médiatique en constante évolution ?

Paris 2024 était exactement ce dont le monde avait besoin, surtout après le COVID. C’étaient des Jeux incroyables et extrêmement réussis, et nous devons utiliser cette plateforme en ce moment où tout le monde en parle encore. Le Comité d’organisation de Paris 2024 et Tony Estanguet ont fait un travail incroyable à travers le pays en engageant les jeunes, les écoliers, et en les impliquant dans le sport, et c’est la mission du CIO de construire un monde meilleur grâce au sport. Donc, la question est de savoir comment on peut utiliser ce qui a été fait à Paris 2024 et le répandre à travers le monde.

Les JO devraient-ils être diffusés sur des plateformes telles que Netflix ?

À mesure que nous allons vers l’avenir, Netflix, Apple TV, YouTube, ces entreprises de streaming en ligne, ne font que se renforcer. Et quand on regarde l’Afrique par exemple, dans quelques années, vous aurez plus d’un demi-milliard de jeunes de moins de 35 ans et la plupart d’entre eux auront des smartphones. Donc, si nous ne trouvons pas des moyens créatifs de nous connecter avec eux sur ces plateformes en ligne, ça sera vraiment une occasion manquée.

Êtes-vous favorable au retour des athlètes russes et biélorusses aux Jeux olympiques, à commencer par Milan Cortina l’année prochaine, et sous quelles conditions ?

Malheureusement, dans le monde d’aujourd’hui, nous allons surtout devoir faire face à la question de savoir comment protéger et soutenir les athlètes dans toutes les zones de conflit. Nous constatons de plus en plus de conflits en Afrique, vous en avez en Europe et au Moyen-Orient. Pour moi, nous devons créer un groupe de travail qui élaborera un cadre qui permettra de protéger et de soutenir les athlètes de toutes ces zones de conflit afin de les aider à participer aux Jeux. Au bout du compte, nous devons également nous assurer que tous les athlètes présents aux Jeux seront protégés. Donc, il pourrait être nécessaire de mettre en place différentes réglementations pour garantir que tous les athlètes sont soutenus et qu’il n’y en ait pas qui soient davantage protégés que d’autres.

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Vous êtes actuellement la présidente de la commission de coordination des Jeux olympiques de la jeunesse de Dakar 2026. Le succès de ces Jeux sera-t-il crucial pour la crédibilité de l’Afrique à accueillir un jour les Jeux olympiques ?

Oui, à 100 %. C’est la première fois que le mouvement olympique vient en Afrique et peut découvrir notre enthousiasme, notre énergie, notre culture, et cette opportunité nous excite. Mais cela s’accompagne de beaucoup de responsabilités. Nous travaillons en étroite collaboration avec Dakar 2026 pour nous assurer de donner cette tribune au Sénégal, mais aussi à l’Afrique, pour montrer au monde ce que nous pouvons faire.

En général, pensez-vous que les intérêts du sport africain sont suffisamment représentés au sommet du mouvement olympique et que feriez-vous pour améliorer les choses ?

Il y a toujours des points que nous pouvons améliorer pour nous en assurer. L’une des grandes choses dont j’ai parlé aux membres du CIO serait d’essayer de trouver des moyens innovants de combler le fossé entre les comités nationaux olympiques qui sont très bien soutenus et bien gérés et ceux qui ont besoin de beaucoup plus de soutien, car encore en développement. L’utilisation de la technologie et de l’intelligence artificielle en particulier sera très importante pour combler ce fossé, car une fois qu’il sera un peu comblé, les pays en développement pourront consacrer plus de temps et d’argent à soutenir leurs athlètes, et nous pourrons alors voir plus de médailles gagnées dans le monde entier.

Apprendrez-vous le français si vous êtes élue au CIO ?

Oui (elle le dit en français, et en riant)… C’est une promesse que j’ai faite aux membres du CIO. C’est quelque chose que je prendrai très au sérieux. Nous avons une école française au Zimbabwe et j’ai déjà fait quelques démarches (rires). Ce serait certainement un grand honneur pour moi de pouvoir parler la langue de notre fondateur, Pierre de Coubertin !

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