« Les diplomates doivent arrêter la guerre, mais surtout bâtir la paix »

L’actualité de la région des Grands Lacs est marquée par une crise structurelle d’insécurité, depuis plusieurs décennies. Cette situation ne s’explique pas seulement par la volonté des États voisins ou lointains de s’approprier les richesses minières du pays. Cet accaparement est déjà en place depuis des années et ce commerce se développe plus facilement quand un minimum de sécurité est assuré. Les causes de ces conflits récurrents sont multiples et complexes.

Les dirigeants de la rébellion sont des politiciens qui se sont trouvés évincés lors des jeux de pouvoir et aspirent à retrouver une place leur permettant de reprendre leur enrichissement personnel. Le Rwanda mais aussi d’autres pays voisins comme l’Ouganda ou le Burundi cherchent à faire de la partie orientale de l’immense République démocratique du Congo une zone d’influence à la fois politique, sécuritaire et économique, bien au-delà des seules richesses minières déjà pillées.

Mais les causes sont aussi internes. Les forces armées congolaises, et les milices mises en place pour suppléer à leur incapacité à protéger la population, sont devenues une des parties prenantes des violences que subit la population. La mal-gouvernance structurelle conduit à un délabrement des services publics et des infrastructures qui entretient la misère et l’insécurité. La violence économique larvée s’est transformée en guerre.

S’attaquer aux causes structurelles

Pour instaurer une paix durable, il ne suffit donc pas que le Rwanda cesse de soutenir la rébellion du M23 et retire ses soldats, même si c’est évidemment nécessaire. Il faut aussi lancer un processus qui s’attaque aux causes structurelles du désastre actuel. Ce processus ne peut être porté que de l’intérieur, même si c’est avec le soutien d’une coopération régionale et internationale. Il peut s’appuyer sur le principal atout que compte le Kivu : l’immense désir de la population de pouvoir enfin consacrer toutes ses forces à son propre développement.

Toutes et tous guettent les opportunités d’entreprendre, de travailler, très dur s’il le faut, pour ne pas rester dans la misère, ne pas baisser les bras face aux calamités humaines et naturelles qui s’acharnent sur eux depuis si longtemps dans l’indifférence ou la complicité des puissances du monde.

Juste un exemple. Tout récemment encore, des femmes déplacées dans les immenses camps de fortune où elles s’entassaient autour de Goma ont saisi avec détermination et enthousiasme l’opportunité que leur proposait la Fondation Matendo, membre de notre réseau, pour apprendre à fabriquer des briquettes de charbon vert à partir des déchets alimentaires et agricoles. Elles ont ainsi produit le combustible pour faire la cuisine en évitant d’utiliser le charbon de bois qui coûte cher et détruit l’environnement. Elles ont expérimenté la force de se regrouper alors qu’elles venaient de localités différentes. Elles sont déterminées à continuer la production quand elles rentreront dans leur village.

Bâtir la paix

Pour bâtir la paix, ce sont ces initiatives qu’il faut laisser s’épanouir et soutenir. Aux diplomates de trouver les moyens de ne pas seulement arrêter la guerre, mais bâtir la paix, sans ingérence ni indifférence. Pour mettre en place un pouvoir capable de porter ce mouvement, il faut certainement s’appuyer sur la grande force que constituent les différentes confessions religieuses, capables de s’unir, et sur les pouvoirs coutumiers dont la légitimité est reconnue.

Organisons en Europe, et singulièrement en Belgique et en France qui ont des liens historiques avec ce grand pays francophone, une forme de coopération adaptée aux besoins de ces milliers d’organisations de la société civile et de ces millions d’entrepreneuses et d’entrepreneurs.

Je termine en citant la conclusion d’une note publiée le 5 février par le Pole Institute, institut de recherche-action spécialisé dans le peacebuilding, basé à Goma : «Les populations très lasses des massacres et conflits armés et de l’insécurité permanente soutiendront tout effort pour rendre possible une stabilisation sur base de sécurité et de services publics efficaces. Les richesses agricoles et minières, la productivité des populations sont disponibles. On en est loin, mais on peut rêver… » Unissons nos efforts pour que ce rêve devienne réalité.

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