Une onde de choc secoue la Côte d’Ivoire, les réseaux sociaux s’enflamment. Tidjane Thiam, le candidat du PDCI à l’élection présidentielle de 2025, aurait-il menti sur sa nationalité ? Avec l’aide d’un avocat franco-ivoirien, Mondafrique décrypte cet embrouillamini qui s’apprête à prendre des proportions considérables.
Tidjane Thiam est né en Côte d’Ivoire en 1962. Ses deux parents sont Ivoiriens, son père né au Sénégal mais résidant à Abidjan ayant choisi la nationalité de son pays d’accueil. Toute l’affaire repose sur une ambigüité sciemment entretenue : son père était-il français ? Si oui, le candidat du PDCI aurait pu se prévaloir de la double nationalité. Or, ce n’est pas le cas.
En 1987, à l’âge de 25 ans, Tidjane Thiam demande à être naturalisé français, le Journal Officiel de la République française de cette année-là en atteste. Le document qui fait figure de pièce à conviction circule d’ailleurs abondamment sur les réseaux sociaux. Or, cette demande de nationalité française, en apparence anodine, entraîne pourtant une conséquence juridique majeure : l’application automatique de l’article 48 du Code de la nationalité ivoirienne qui stipule : que tout Ivoirien majeur acquérant une nationalité étrangère perd de plein droit la nationalité ivoirienne.
Tidjane Thiam, apatride ?
Or, selon la constitution de 2020, pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut être Ivoirien né de père ou de mère ivoirien. Laissant croire qu’il avait la double nationalité, Tidjane Thiam a annoncé, le 7 février 2025, renoncer à la nationalité française afin de pouvoir briguer la magistrature suprême. Et, c’est là où l’affaire se corse, puisqu’il n’est plus Ivoirien depuis 1987, si les autorités françaises acceptent sa demande de renonciation à sa nationalité française, il devient… apatride ! A moins qu’il ne dispose d’une autre nationalité acquise par son mariage avec une américaine, comme certaines rumeurs de plus en plus persistantes le propagent. Dans l’hypothèse où il ne posséderait pas de passeport made in USA, il lui resterait deux options. La première, demander à Emmanuel Macron, son ami, de surseoir à sa demande de renonciation à la nationalité française ; la seconde, de solliciter une naturalisation ivoirienne… des mains d’Alassane Ouattara, dont il conteste pourtant la légitimité ! Dans les deux cas, cela ne résoudrait pas son problème de candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2025, puisque l’article 43 1° du Code de la Nationalité précise qu’il faut être naturalisé Ivoirien depuis dix ans au moins pour être investi de fonctions ou de mandats électifs.
Une défense calamiteuse
Rattrapé par la réalité juridique et face aux interrogations de ses partisans, Tidjane Thiam s’est défendu de la pire des manières. Il a balayé la question d’un revers de main en déclarant « Quand on ne respecte pas la Constitution, on ne peut pas pousser les gens à respecter la loi. Donc, soyez sereins ! » Il visait ainsi le 4ème mandat jugé anticonstitutionnel d’Alassane Ouattara. Il a ensuite enfoncé le clou en ajoutant qu’on ne peut lui opposer un « sombre article 48 ». Cette déclaration est une faute à double titre. Non seulement il avoue être bien concerné par l’article 48 sans contester le fond du problème, mais en plus il dénie la loi alors qu’il brigue la magistrature suprême. La réponse du berger à la bergère ne s’est pas faite attendre, le porte-parole du gouvernement lui a rétorqué que « ce sombre article 48 » avait été rédigé à la demande de son grand père, le fondateur de la nation ivoirienne, Félix Houphouët Boigny. Ambiance…
La crise qui vient…
L’élection présidentielle ivoirienne est toujours rythmée par des événements inattendus, des soubresauts, celui-ci en est un majeur qui marquera la campagne de 2025. La première victime est le PDCI qui se retrouve fragilisé, sans candidat, à l’aube de la campagne, sans président puisqu’il faut être aussi Ivoirien pour diriger ce parti, qui, à n’en pas douter, sera traversé par des divisions internes, des déchirements. La seconde est la coalition de l’opposition qui avait confié à Tidjane Thiam et au PDCI le rôle de leader. Hormis, Alassane Ouattara qui comptera les points, c’est toute la classe politique qui doit revoir sa stratégie.
Et tous de se demander, comment Tidjane Thiam a pu être aussi léger ? Pourquoi n’a-t-il rien anticipé et pris le risque de provoquer cette crise ?
Côte d’Ivoire : la guerre de l’ombre d’Alassane Ouattara avec Tidjane Thiam
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