Des jeunes continuent de militer pour le vote à 16 ans au N.-B.

IJL – Réseau.Presse – Acadie Nouvelle

La Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB) a réitéré son désir d’abaisser l’âge du droit de vote à 16 ans dans la province.

L’organisme représentant la jeunesse francophone et acadienne du Nouveau-Brunswick est actuellement en train de récolter des appuis auprès d’organismes et communautés de la province afin qu’un projet de loi soit proposé, débattu et adopté à l’Assemblée législative au printemps.

«On souhaite qu’avec un appui fort de la communauté, on puisse voir les membres de l’Assemblée législative voter en faveur d’un tel projet de loi», a indiqué la présidente de la FJFNB, Emma Raphaelle.

L’idée n’est pas nouvelle en soi. Diverses percées ont été tentées par le passé, au Nouveau-Brunswick et à l’échelle du pays.

En 2016, Unicef Canada a présenté un mémoire proposant au gouvernement fédéral d’abaisser l’âge du vote de 18 à 16 ans. La Fédération de la jeunesse canadienne-française a fait un exercice similaire en 2015.

Au Nouveau-Brunswick, la présidente de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick croit, en raison du changement de gouvernement provincial, qu’il s’agit du moment opportun pour ramener cette question au centre des discussions politiques.

«On a une bonne communication avec le gouvernement, avec l’Opposition et les autres partis. On sent qu’il y a une ouverture. En plus, ça a été demandé par nos membres. Depuis l’année passée, on commence à reprendre le projet en main, car on croit que c’est ce que la jeunesse souhaite voir», soutient Mme Raphaelle.

Selon elle, les jeunes de 16 et 17 ans sont déjà très actifs dans leur communauté et méritent d’avoir le droit de vote.

«On paie des taxes, on conduit une voiture. Ce sont des choses comme ça qui démontrent que les jeunes sont engagés dès 16 ans.»

Elle ajoute que si une nouvelle partie de la population participe à la vie politique, les élus seraient peut-être plus portés à travailler sur des enjeux plus importants pour la jeunesse néo-brunswickoise.

«Peut-être que les enjeux ou les plateformes électorales vont changer après des discussions avec des jeunes de 16-17 ans qui ont aussi leurs enjeux à présenter à leurs élus.»

Choisir les bons fondements

Le politologue et professeur à l’Université Mount Allison, Mario Levesque, estime, pour sa part, que la raison derrière le choix de diminuer l’âge du droit de vote est importante.

Selon lui, si l’objectif est de faire participer ces adolescents au processus électoral parce que l’on considère qu’ils sont en mesure de faire des choix éclairés à leur âge, cette proposition est acceptable.

«La littérature en psychologie indique que l’âge de la prise de décision éclairée est d’environ 15,8 ans. Donc, à 16 ans, il ne devrait pas y avoir de problème.»

Il ne croit toutefois pas que l’argument fondamental de cette démarche doit s’articuler autour d’une augmentation potentielle du taux de participation.

«L’histoire prouve que l’abaissement de l’âge du vote au Canada n’augmente pas la participation électorale», dit-il en faisant référence à l’évolution du taux de participation des électeurs depuis 1970, année au cours de laquelle l’âge pour voter aux élections fédérales est passé de 21 à 18 ans. Au Nouveau-Brunswick, ce changement a été réalisé en 1971.

Il croit que la diminution du taux de participation s’explique par d’autres facteurs, comme le degré d’intérêt des gens pour la politique.

«Je crois que les gens souhaitent simplement que la politique soit menée différemment, car on a souvent l’impression de se faire conter des menteries (…) Lors de l’élection de Justin Trudeau en 2015, il y a eu une hausse du nombre de votes. Il a redonné espoir aux gens, mais la tendance à la baisse du nombre de votes s’est rapidement poursuivie une fois que les gens ont compris que la situation n’était que la continuation de la même politique.»

Le droit de vote à 16 ans a déjà été adopté dans quelques pays. En Argentine, Autriche, Brésil, Corée du Nord, Cuba, Équateur, Grèce, Guernesey, Île de Man, Indonésie, Jersey, Nicaragua, et Timor-Leste, il est accordé dans tous les types d’élections.

Dans d’autres nations, comme l’Allemagne, la Belgique, l’Écosse ou la Suisse, cette participation est limitée à certains types d’élections.

Une étude dévoilée en 2020 par des chercheurs de l’Université de Vienne a conclu qu’en Autriche – pays où le droit de vote a été accordé aux gens de 16 ans et plus en 2007 –  le taux de participation chez les jeunes de 16 et 17 ans était plus élevé que leurs homologues de 18 à 20 ans.

«Dans l’ensemble, les données sont encourageantes pour les partisans du vote à 16 ans. Même si les jeunes de 16 à 17 ans présentent un faible intérêt général pour la politique, la participation est généralement plus élevée que les gens plus âgés qui votent pour la première fois et elle est similaire à la moyenne de l’électorat. Ils suivent les campagnes électorales dans la même mesure que les autres jeunes électeurs, et ils affichent un niveau de satisfaction à l’égard de la démocratie beaucoup plus élevé», peut-on lire dans l’étude.

Plus d’accent sur l’éducation civique

En parallèle à sa demande, la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick souhaite mettre l’accent sur l’amélioration de l’éducation civique à l’école.

Emma Raphaelle juge que le vote à 16 ans permet aux jeunes de faire ce premier pas qui pourrait se répéter plus fréquemment dans leur futur.

«On espère éduquer les jeunes, mais aussi l’ensemble de la population à l’importance du droit de vote. Si les gens peuvent avoir un cours d’éducation civique et que s’ils parlent de politique non biaisée, on souhaite que ça les encourage à aller voter.»

«Le fait de mettre des cours d’éducation civique dans les écoles devrait encourager les jeunes à aller voter. Ils seront éduqués et sont assez responsables pour faire un choix éclairé.»

Bien qu’il existe déjà un cours de la sorte du côté anglophone, Mme Raphaelle soutient que des efforts sont déployés par le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance pour emprunter une avenue similaire du côté francophone.

«On a eu un cours récemment qui s’appelle “Enjeux actuels”, ce qui est un très bon début pour discuter de la politique. On voit qu’il y a un désir du ministère de développer l’éducation civique chez les jeunes.»

Marilou Frenette, élève de 12e année à l’école Marie-Gaétane de Kedgwick, croit qu’il est essentiel de développer un cours d’éducation civique.

«On veut que ce soit fait dans le milieu scolaire pour mieux encadrer les jeunes avec cela.»

La présidente du conseil d’éducation du District scolaire francophone du Nord-Ouest, Francine Cyr, avoue qu’elle a déjà été sceptique face à cette possibilité. Son opinion a changé lors des dernières élections provinciales.

«J’ai travaillé à un bureau de scrutin et j’avais un élève de 16 ans de la Cité des jeunes avec moi. Je peux vous dire qu’il en connaissait plus sur la politique que bien des adultes.»

Robert Levesque, professeur au secteur d’Éducation et kinésiologie de l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, et membre du conseil d’éducation du DSFNO, croit que l’ajout d’une formation peut aider les jeunes à trouver des sources fiables et réduire les risques qu’ils soient influencés par leur entourage.

«Ma seule crainte c’est que ça devienne un vote supplémentaire pour les parents.»

Tâter le pouls des jeunes

Bien qu’aucun sondage n’ait été effectué directement auprès de tous les jeunes francophones du Nouveau-Brunswick, la FJFNB estime qu’elle a pu obtenir une impression générale de leur opinion sur la question.

«On a la chance d’avoir un jeune dans chaque conseil des élèves des écoles secondaires francophones de la province. Ça a été un avantage pour nous, car on a pu les sonder de cette façon. Dans nos rassemblements des deux dernières années, le message a été très positif.»

Alors qu’une proportion de jeunes se sentent prêts à ajouter le droit de vote à leurs responsabilités, d’autres ont fait part de leur réticence.

Lors du Festival jeunesse 2024 à Moncton, auquel près de 70 élèves des écoles secondaires des environs ont participé, la question du droit de vote à 16 ans est loin d’avoir fait l’unanimité. Plusieurs étaient même contre l’idée.

Emma Raphaelle dit reconnaître que, comme les autres tranches d’âge, la décision de voter est un choix personnel qui suscite un certain intérêt de la personne. Elle ajoute que l’un des objectifs est aussi d’offrir les outils nécessaires aux jeunes pour qu’ils se sentent prêts à poser ce geste.

«Si j’avais une chose à dire aux jeunes qui se questionnent c’est, qu’est-ce qui va faire en sorte que, dans deux ans, vous allez être plus prêts (à aller voter)? Je suis prête à dire qu’une discussion plus ouverte dans les écoles, où on leur présente l’importance du droit de vote, pourrait augmenter la confiance de ces jeunes qui ne sont pas encore décidés.»

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