Au Bénin, la singulière expérience de ces femmes « ministres extraordinaires de la Communion »

« Dieu m’offrait une occasion de me consacrer davantage à son service, dans une plus grande proximité physique et spirituelle », campe Madeleine Djèmè, ministre extraordinaire de la sainte communion (Mesc) dans le diocèse d’Abomey (sud) depuis une dizaine d’années. Commerçante à Kpozoun, dans la commune de Za-Kpota, “Maman Madeleine” comme la surnomment ici enfants et adultes, est depuis sa jeunesse membre de la légion de Marie, une association de laïcs engagés au service de l’Église. Après avoir remarqué en 2012 son engagement, son curé de l’époque l’a appelée à se faire former pour cette responsabilité singulière.

Cette année-là, elle a ainsi été instituée par Mgr Eugène Houndékon et s’applique depuis à deux tâches essentielles : « assister le curé dans la distribution de la communion lors des messes à grands effectifs, et rendre visite toutes les deux semaines à une trentaine de malades désireux de communier ».

Au Bénin, il n’y a que dans le diocèse d’Abomey que des femmes exercent un tel ministère. Lancée quelques années plus tôt dans le diocèse de Parakou (Nord-Bénin) par Mgr Fidèle Agbatchi, alors archevêque des lieux, l’expérience des femmes Mesc y avait tourné court. « Dans ce milieu essentiellement musulman, les fidèles, peu habitués à voir des femmes associées aux choses sacrées, n’ont pas aimé », confie un prêtre local. Pour Florence, catéchiste à Cotonou, « voir des femmes laïques instituées Mesc à Cotonou reste encore un rêve. Seules les religieuses peuvent éventuellement… C’est comme si nous étions inaptes comme laïques ».

« Le clergé était réticent »

Dans le diocèse d’Abomey, alors que ce service était jusque-là uniquement assuré par des hommes, plusieurs éléments conjoncturels ont pourtant favorisé l’émergence des femmes Mesc. « C’est bien dès le départ, en 2012, que le diocèse a choisi d’associer les femmes à la démarche » se rappelle le père Georges Chéou, responsable diocésain de la liturgie. Et pour cause : « nous nous rappelons toujours Genèse 1 : 27 : “Hommes et femmes, il les créa” » souligne Mgr Eugène Houndékon, l’actuel évêque du diocèse. De même, renchérit le père Chéou, « il y avait un manque crucial au niveau de la pastorale des malades, alors qu’une paroisse peut compter jusqu’à 200 malades désireux de communier… ».

De plus, lors des grands rassemblements catholiques, le moment de la communion prenait beaucoup de temps, du fait du nombre de prêtres. Mais la décision d’ouvrir ce ministère aux femmes n’a pas été sans cristalliser des résistances. « L’évêque a eu beaucoup de difficultés à faire comprendre au clergé cette nécessité. Ils étaient très réticents. “Est-ce que le plus grand trésor de l’Église pouvait ainsi être confié à des femmes ?” telle était la question en ce milieu patriarcal » décrit le père Chéou.

Environ 30 femmes Mesc

Devant ces freins, l’évêque a voulu jouer la carte de la sensibilisation. « Nous avons pris trois ans pour en discuter avec le clergé et les fidèles afin qu’ils comprennent l’importance, mais aussi la légitimité des femmes à jouer ce rôle. Et qu’on puisse ainsi abandonner par là les clichés d’exclusion au niveau traditionnel comme au niveau ecclésial », appuie-t-il. Le père Chéou assure que dès l’institution des pionnières, à l’issue d’une formation liturgique et théologique de huit mois, l’inquiétude des curés a vite été levée. Aujourd’hui, le diocèse compte environ 30 femmes parmi ses 300 Mesc.

Si des désaccords sont survenus par endroits entre certains curés et des Mesc – obligeant parfois même les premiers à suspendre les seconds –, le père Cheou fait remarquer qu’ « aucune femme Mesc » n’a été concernée par une telle situation. Dans le cadre de sa mission, “Maman Madeleine” note enfin que les malades à qui elle donne la communion sont parfois « déçus que ce ne soit pas le prêtre lui-même qui vienne ». À Kpozoun, c’est la paroisse qui donne, chaque mois, 3 000 à 5 000 francs (soit moins de 10 €) à “Maman Madeleine” pour compenser ses frais de déplacement.

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