Les rebelles du M23 ont refusé de participer aux discussions avec le gouvernement congolais, prévues le 18 mars à Luanda. En cause, les sanctions de l’Union européenne prises contre des membres de la rébellion et de l’armée rwandaise. Mais le M23 et Kinshasa avaient-ils vraiment envie de se retrouver autour de la table des négociations ?
Luanda ne porte décidément pas chance aux négociations sur le conflit à l’Est de la République démocratique du (RDC). Après un premier échec en décembre dernier, avec le refus du président Paul Kagame de rencontrer Félix Tshisekedi, c’est au tour du M23, soutenu par Kigali, de refuser de se rendre dans la capitale angolaise pour des négociations que la rébellion réclame pourtant depuis plus de trois ans. Tout était prêt à Luanda pour accueillir ses discussions de paix directes entre le M23 et le gouvernement congolais. La délégation dépêchée par Félix Tshisekedi devait être très technique, composée notamment du conseiller sécurité du chef de l’Etat et de hauts gradés de l’armée congolaise. Une rumeur persistante annonçait également la venue d’un poids lourd de la majorité présidentielle pour rencontrer les rebelles : l’ancien ministre de la Défense, actuel ministre des Transports et ancien rebelle lui-même, Jean-Pierre Bemba. Côté rébellion, le M23 devait envoyer le secrétaire exécutif du mouvement, Benjamin Mbonimpa. Corneille Nangaa, le coordonnateur de l’AFC/M23 et Bertrand Bisimwa, n’étaient pas prévus dans la délégation. Il faut dire qu’ils sont tous les deux condamnés à mort par la justice congolaise, et que leur présence aux côtés de la délégation de Kinshasa était difficilement envisageable.
Revirement de dernière minute
Seulement voilà, lundi en fin d’après-midi, alors que la délégation congolaise est en route pour Luanda, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka annonce que « les sanctions successives imposées à nos membres, y compris celles adoptées à la veille des discussions de Luanda, compromettent gravement le dialogue direct et empêchent toute avancée », avant d’indiquer que son organisation « ne pourra pas poursuivre sa participation aux discussions ». Le M23 fait référence aux sanctions prises dans la matinée même par l’Union européenne contre plusieurs dirigeants du M23, dont Bertrand Bisimwa, son président, ou le nouveau gouverneur du Nord-Kivu issu de la rébellion, mais aussi contre de hauts responsables de l’armée rwandaise. Des sanctions qui ont passablement irrité Kigali, puisque le Rwanda a décidé, dans la foulée, de rompre ses relations diplomatiques avec la Belgique, très offensive au sein de l’Union européenne pour dénoncer le soutien rwandais au M23. Les diplomates belges présents au Rwanda ont 48 heures pour quitter le pays.
Bévue de l’Union européenne
Ce lundi soir, la confusion la plus complète régnait sur la tenue, ou non, des discussions en Angola. Luanda a indiqué que la délégation congolaise était déjà arrivée sur place et que « toutes les conditions étaient créées pour le début des négociations directes demain, 18 mars, comme prévu ». Une déclaration qui semble plutôt tenir de la méthode Coué. Ce probable nouvel échec à Luanda pose deux questions. Le choix de l’Union européenne d’annoncer des sanctions contre le M23 et le Rwanda la veille de négociations à Luanda était-il vraiment judicieux ? Et, est-ce que l’annulation de la rencontre entre le M23 et le gouvernement congolais n’arrange finalement pas tout le monde ? Sur le carambolage de calendrier entre l’annonce de l’Union européenne et les négociations de Luanda, on peut clairement dire qu’il s’agit d’une erreur, permettant d’offrir, sur un plateau, un prétexte idéal au M23 pour claquer la porte. D’autant que les Européens planchent sur ces sanctions depuis plusieurs semaines.
Les rebelles jouent la montre
On peut également se demander si les rebelles et Kinshasa avaient vraiment envie de cette rencontre surprise, organisée dans la précipitation par João Lourenço ? Le M23 est dans une telle position de force militaire qu’il peut tout se permettre en restant maître du jeu et des horloges. Gagner du temps est plutôt favorable aux rebelles, qui, pendant ce temps, continuent d’avancer sur le terrain, notamment en progressant vers la ville de Walikale. Face à une armée congolaise qui n’est plus offensive, le M23 peut espérer s’emparer de nouveaux territoires, au Nord, à l’Ouest et au Sud, laissant ainsi Kinshasa avec des marges de manoeuvre de plus en plus limitées lorsqu’il sera venu le temps de négocier. Quant au pouvoir congolais, on sait que le président Tshisekedi, qui a répété à l’envie pendant de longs mois qu’il ne négocierait jamais avec le M23, semble vouloir retarder le moment fatal, où il sera bientôt obligé de s’asseoir en face de la rébellion. Pourtant, une brèche s’est ouverte avec la proposition angolaise de négocier avec le M23. C’est peut-être le seul espoir que peut susciter cette énième occasion ratée de commencer des négociations inéluctables entre les belligérants.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
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