Antinucléaire, écolo, provocatrice… L’étonnante nomination de Dominique Voynet dans un comité sur la sécurité nucléaire
L’ancienne ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement sous Lionel Jospin, Dominique Voynet, vient d’être nommée au sein du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Alors que l’actuelle députée écolo assume depuis des années ses positions antinucléaires, cette annonce passe mal auprès des médias comme des politiques. Retour sur l’ascension d’une ancienne médecin doubienne, désormais reconnue en politique comme la « fossoyeuse » de l’atome.
Celle que ses détracteurs surnomment « la fossoyeuse du nucléaire »…. au sein d’un comité justement dédié à la sécurité atomique ? L’annonce a eu le mérite de faire réagir, dans les médias comme dans la sphère politique. Sur les réseaux sociaux, au lendemain de la nomination de Dominique Voynet au Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) ce mercredi 19 mars, les critiques vont bon train.
À commencer par le maire LR de Cannes, David Lisnard, qui fustige cette désignation qu’il qualifie de « provocatrice » voire de « nuisible » sur son compte X. Le président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale, Jean-Philippe Tanguy, s’est quant à lui dit « outré » par la nomination d’une « traîtresse, menteuse et incompétente ».
Par ailleurs, les députés Raphaël Schellenberger (LR) et Antoine Armand (Renaissance), ancien ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, sont allés jusqu’à écrire une lettre à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet – qui a approuvé cette décision – afin de lui demander « de reconsidérer cette nomination » au vu du « positionnement idéologique et dogmatique » de la principale intéressée.
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Côté médias, le refrain est peu ou prou similaire. Éditorialiste à RTL, la journaliste Isabelle Saporta considère cette nouvelle comme « cocasse » et « presque aussi baroque que de nommer un vegan au contrôle qualité d’une charcuterie ou un antivaccin ministre de la Santé ». Soulignons également l’intervention de Pascal Praud, chroniqueur à CNews, qui ne mâche pas ses mots : « Dominique Voynet dans un comité nucléaire, c’est José Bové [cofondateur de la Confédération paysanne en 1987, N.D.L.R.] au conseil d’administration de McDonald’s », martèle-t-il.
Ascension politique
Pour comprendre cette vague de contestation – sinon de rejet –, revenons quelques années en arrière. À l’origine, pas grand-chose ne prédestinait Dominique Voynet, ex-anesthésiste-réanimatrice à l’hôpital de Dole (Jura) dans les années 1980, à se frotter à l’atome. C’est pourtant son engagement en politique, à la même période, qui l’a dirigée dans cette voie. En 1984, elle contribue à la fondation du parti les Verts avant d’en devenir la porte-parole à Besançon, puis à l’échelle nationale en 1991.
Après quoi, Dominique Voynet a gravi les échelons : elle a successivement été élue conseillère municipale à Dole en 1989, conseillère régionale de Franche-Comté en 1992 puis conseillère générale du Jura en 1998. Si l’ascension de l’écologiste convaincue paraît fulgurante, notons que l’élue s’est tout de même heurtée à quelques obstacles sur sa route. En 1995, puis rebelote en 2007, la désormais sexagénaire a essuyé, sous l’étiquette des Verts, deux revers au scrutin présidentiel – en obtenant respectivement 3,32 % puis 1,57 % des voix.
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Pas assez, toutefois, pour l’arrêter ni même la freiner. Puisque le Graal, elle l’a ensuite atteint en 2008, date à laquelle elle a été élue maire de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Et, en juillet dernier, l’écolo alors investie par le Nouveau Front populaire assume une énième casquette : celle de députée de la deuxième circonscription du Doubs, 27 ans après avoir quitté les bancs de l’Assemblée. Rappelons qu’en 1997, Dominique Voynet avait été élue une première fois dans le Jura à l’issue d’élections législatives déclenchées, elles aussi, par une dissolution décidée par Jacques Chirac.
Un poste de députée qu’elle n’avait à l’époque occupé qu’un mois, avant d’être nommée ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement dans le gouvernement du socialiste Lionel Jospin. Nous y voilà enfin : c’est à cette période que la tumultueuse route de Dominique Voynet croise celle du nucléaire pour créer des étincelles.
« Antinucléaire » revendiquée
Dès les premiers mois de son exercice de ministre, elle acte l’arrêt définitif du réacteur Superphénix, mis en service en 1985 et situé à Creys-Malville, dans l’Isère. Auditionnée en commission d’enquête parlementaire en 1998, elle avait alors affirmé que Superphénix représentait la « folie des grandeurs » et « une mauvaise appréciation des besoins d’électricité du pays », critiquant une « classe politique qui baign[ait] dans l’euphorie nucléaire ».
Et ladite « euphorie nucléaire » franco-française, l’ancienne ministre s’est évertuée à la combattre jusqu’au bout. Elle l’a d’ailleurs une nouvelle fois montré – finalement à ses dépens ? – en 2000, alors qu’elle conduisait la délégation européenne des négociations pour le climat qui ont eu lieu à La Haye, aux Pays-Bas, portant notamment sur le sujet de l’atome. Un comble, pour une ministre s’auto-qualifiant d’ « antinucléaire », à l’image de son parti ? Plutôt une aubaine, comme le démontre une vidéo, extraite d’un documentaire diffusé par Arte en juin 2003 et intitulé Climat : histoire d’une guerre secrète.
Deux décennies plus tard, en pleine crise de l’énergie, cette séquence est devenue virale. Car, dans ce clip relayé sur les réseaux sociaux, Dominique Voynet, vaste sourire aux lèvres, se félicite d’avoir œuvré à exclure le nucléaire des « technologies retenues [par Bruxelles] au titre des mécanismes de développement propre » (MDP).
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Le hic, c’est que ce qu’elle considère comme un exploit va à l’encontre de la position française de l’époque, comme la députée écologiste le souligne fièrement dans cette même vidéo : « J’avais reçu mandat de tout faire pour que le nucléaire ne soit pas exclu de cette liste [des énergies fossiles]. […] Il fallait que j’aie l’air désolée de ce qui s’était passé. Ce qui m’a interdit aussi de revendiquer ça auprès de mes camarades verts. »
Une séquence sortie de son contexte
Plus de vingt ans plus tard, alors accusée d’avoir voulu « saborder le nucléaire français à Bruxelles », l’ancienne édile de Montreuil déplore auprès de Check News une séquence sortie de son contexte. Dans les faits, en 2000, la France et le Royaume-Uni plaidaient alors pour que l’énergie nucléaire soit considérée comme une technologie « propre ». Problème : leur position était minoritaire au sein de l’Union européenne.
« Les contre-arguments liés à la sûreté, au stockage des déchets radioactifs et à la prolifération des armements nucléaires poussés par des pays comme l’Allemagne, bloquaient son inclusion dans le mécanisme », rappelle ainsi Libération. Autrement dit, le MDP dont il était question lors de ces négociations n’avait aucun rapport avec le potentiel développement du parc nucléaire en France. D’ailleurs, cette question de l’inclusion du nucléaire dans le MDP a une nouvelle fois été déboutée en 2009 dans le cadre de la conférence de Copenhague.
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Si l’enjeu autour de l’action de l’ancienne ministre semble de fait amoindri, son attitude prétentieuse, si ce n’est infatuée et ostensiblement mise en scène dans le documentaire lorsqu’elle raconte comment elle a menti à l’exécutif français n’en reste pas moins problématique. D’ailleurs, le producteur du documentaire affirmé avoir révélé pour la première fois comment Dominique Voynet « a manipulé son gouvernement ».
Au vu de ces différentes controverses, difficile de ne pas entendre les interrogations autour de sa nomination à la tête de la HCTISN. Qui, on le rappelle, est une instance indépendante chargée de garantir et de promouvoir la transparence et l’information sur la sécurité de l’atome. Pour la députée écolo, il s’agit d’un nouvel échelon de franchi. Et pour le nucléaire français ?
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