« La Rivière », première à domicile du plaidoyer pour les gaves pyrénéens du Bordelais Dominique Marchais
Au chapitre environnemental, il est difficile de trouver un thème d’une plus brûlante actualité que la ressource en eau. Entre la fureur qui gronde aux alentours de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) et de sa bassine, la soif qui a saisi les Pyrénées-Orientales tout l’été ou les craintes quant aux pollutions de l’eau potable – le chlorothalonil à La Rochelle ou les Pfas–, les sujets proposés aux appétits militants sont légion. S’il rejoint ces larges préoccupations, le documentaire « La Rivière » n’émarge pas dans la catégorie des dénonciations…
Au chapitre environnemental, il est difficile de trouver un thème d’une plus brûlante actualité que la ressource en eau. Entre la fureur qui gronde aux alentours de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) et de sa bassine, la soif qui a saisi les Pyrénées-Orientales tout l’été ou les craintes quant aux pollutions de l’eau potable – le chlorothalonil à La Rochelle ou les Pfas –, les sujets proposés aux appétits militants sont légion. S’il rejoint ces larges préoccupations, le documentaire « La Rivière » n’émarge pas dans la catégorie des dénonciations enflammées. C’est un objet cinématographique singulier, une évocation des gaves pyrénéens qui prend des accents élégiaques tout en pointant avec précision les menaces qui pèsent sur ces artères aquatiques de grande valeur, patrimoine relique où s’ébattent le saumon atlantique et la truite fario.
Dominique Marchais, son réalisateur bordelais, vient de se voir décerner le prestigieux prix Jean-Vigo pour la qualité de cette œuvre, une première pour un documentaire. Sa sortie nationale est programmée le 22 novembre. Mais quelques spectateurs girondins ont devancé l’appel. Ce 22 octobre, « La Rivière » a fait salle comble pour sa programmation en avant-première au cinéma l’Utopia, dans le cadre du Festival international du film indépendant de Bordeaux (Fifib), qui consacrait une rétrospective à l’auteur. Il sera aussi projeté ce lundi au Jean-Eustache, à Pessac (33), lors de la présentation de la 33e édition du Festival international du film d’histoire.
L’éclaboussure du saumon
Bien avant son déménagement à Bordeaux, il y a quatre ans, Dominique Marchais était déjà coutumier du paysage majestueux des gaves qui dégringolent de la montagne pour se fondre dans l’Atlantique, celui d’Ossau, celui d’Oloron, et le chevelu des torrents qui les alimentent. Natif d’Eure-et-Loir, « enfant de la plaine et de l’horizontalité » comme il se définit lui-même, il en avait découvert les trésors par le truchement d’amitiés du côté de Sauveterre-de-Béarn, là où le gave d’Oloron, apaisé, s’apprête à se gonfler des eaux du Saison avant de filer vers sa confluence avec le gave de Pau.
Il y a là la biodiversité qui résiste et qui nourrit l’émerveillement et la biodiversité qui disparaît ou a déjà disparu sous les coups du saccage perpétré par l’homme
Météore films
Dominique Marchais a « traîné ses guêtres sur tout le bassin-versant », des bouillonnements cristallins qu’expulse le glacier des Oulettes de Gaube, au-dessus de Cauterets, jusqu’aux abords industrialisés du port de Bayonne. Le poisson fait trait d’union. Le saumon, dont le réalisateur a entrevu une éclaboussure fugace lors de ses repérages au barrage de Baigts-de-Béarn, sur le gave de Pau. La truite, pêchée puis amoureusement relâchée sous l’œil de sa caméra, au terme d’un silencieux combat en arabesques et en esquives. La truitelle, qui peuple le Laxia, un affluent bondissant de la Nive, au Pays basque.
Il y a là la biodiversité qui résiste et qui nourrit l’émerveillement et la biodiversité qui disparaît ou a déjà disparu sous les coups du saccage perpétré par l’homme, comme l’écrevisse à pattes blanches. « Je regarde des gens qui regardent et qui connaissent, comme les pêcheurs. Et c’est ainsi qu’on apprend sur la rivière », dit Dominique Marchais.
Et au milieu coule un gave
Les gens de science parlent dans « La Rivière », telle l’hydrogéologue Florence Habets au bord d’une retenue collinaire qui peine à afficher un niveau convenable. Les militants aussi, comme Philippe Garcia qui s’épuise à réclamer la levée des filets dérivants dans l’Adour. Mais en creux, derrière ces bonnes fées qui se penchent sur l’avenir des gaves, Dominique Marchais donne aussi à voir la tiédeur de beaucoup – du plus grand nombre ? – face aux enjeux de la préservation. Et au milieu coule un gave, mais qui s’en soucie réellement ? « Le chevelu des ruisseaux a été remodelé, transformé en fossés. La petite hydroélectricité les a mis sous buse. Les assauts sont multiples et l’attachement de la population à ses rivières est sans doute moins fort. Les enfants pêchent moins qu’auparavant, le lien se distend », commente le réalisateur.
Tout n’est pas perdu, et l’inexorable peut être renversé. C’est l’une des scènes marquantes du film, l’arasement à la pelle mécanique d’un seuil artificiel qui était un obstacle infranchissable à la remontée des poissons. Dès qu’une opération de ce type est menée, « deux ans plus tard, on a des truitelles partout en amont », plaide face caméra Manon Delbeck, la technicienne rivière de l’Association pour la pêche et la protection des milieux aquatiques de la Nive. Et la jeune femme de s’interroger sur la formidable indifférence des politiques face à l’érosion de la biodiversité. Vaste et éternelle question.
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